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Paul-Emmanuel Reiffers (Mazarine) crée un fond de dotation pour la jeune scène artistique

luxeinterview de Paul-Emmanuel Reiffers

A la question « quel est le point commun entre le monde de l’art contemporain et l’industrie du luxe ? » il serait tentant de répondre Paul-Emmanuel Reiffers. Entrepreneur-né et collectionneur d’art contemporain passionné, le président de l’agence Mazarine, qui a été un des premiers à croire au numérique pour le luxe, n’a cessé d’étendre son territoire créatif à la mode et aujourd’hui la culture. Avec la création de son fond de dotation Reiffers Art Initiatives, il veut contribuer à faire émerger à l’international la nouvelle scène artistique française.


 

Désirée de Lamarzelle : Votre agence de communication s’est imposée auprès des acteurs du luxe… Quelle est la recette de votre success story ?

Paul-Emmanuel Reiffers : On ne triche pas avec le luxe, c’est-à-dire avec le produit. Mazarine a su développer des points forts que sont l’événementiel et l’image car les métiers de luxe sont d’abord des métiers où la mise en valeur de leur produit passe par leur image. On bénéficie aujourd’hui d’une vraie reconnaissance en tant qu’agence française à l’étranger comme en Chine ou aux États-Unis. D’ailleurs, la France est considérée comme la meilleure du monde dans le secteur du luxe. En revanche, ce qui est paradoxal c’est que dans l’art contemporain on n’est pas reconnu.

 

Vous êtes un collectionneur d’art reconnu, quel lien faites-vous entre cette passion et votre métier ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Notre travail occupe tout notre temps, aussi bien intellectuel que celui, plus personnel, de recherche car l’agence est un métier de création dans le luxe.  Avec l’univers de l’art contemporain qui incarne la création ultime, tout se rejoint. Collectionner est un enrichissement personnel et professionnel.

 

La créativité est au cœur de votre vie…

Paul-Emmanuel Reiffers : Oui, la créativité a plusieurs formes, par exemple en agence vous avez celui qui « tient le stylo » et qui crée, mais également un directeur de création qui choisit la bonne version. Enfin en collectionnant, on participe à la création, ne serait-ce qu’en essayant d’avoir un œil et de comprendre la création pour composer la collection. C’est-à-dire choisir les bonnes œuvres. En ce sens il y a un geste créatif. Il n’y a d’ailleurs pas de fin dans une collection… Vous n’avez jamais tout ce que vous voulez et vous vous levez le matin en vous disant qu’il vous manque une pièce. C’est le propre d’un collectionneur, cette quête inachevée.

 

Paul-Emmanuel Reiffers : Des pays majeurs comme les États-Unis achètent d’abord américain, ils sont soutenus localement. Un Français qui souhaite une reconnaissance internationale devra vivre là-bas… faire sa promotion dans leurs galeries internationales.

 

Collectionner consiste-t-il également à dénicher les jeunes talents ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Un collectionneur cherche les bonnes pièces et ce, dans des univers qu’il a définis lui-même. Dénicher les jeunes talents est une spécialité en soi pour un collectionneur au même titre que, par exemple, des œuvres anciennes XVIIème. Mais en se spécialisant sur les jeunes artistes, la démarche du collectionneur est assez différente : c’est surtout du soutien. On ne sait pas encore si ce dernier d’une vingtaine d’années va rester dans l’histoire.

 

Est-ce plus valorisant de collectionner les jeunes artistes ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Ce sont deux dynamiques différentes dans la manière de collectionner. Néanmoins que vous soyez spécialiste – comme c’est mon cas – d’artistes dit intermédiaires, c’est-à-dire âgés entre 40 et 60 ans, qui sont déjà reconnus, ou que vous souteniez de jeunes artistes, on parie toujours sur l’avenir : une œuvre d’un artiste d’une cinquantaine d’années vaut beaucoup plus cher donc vous prenez un risque. Mais soutenir un jeune permet une proximité forte avec l’artiste parce que lorsque vous achetez son tableau cela peut avoir un impact direct sur sa côte. C’est d’ailleurs la démarche de notre fond de dotation Reiffers Art Initiatives qui met à disposition des jeunes artistes, des lieux de résidences à paris et en Provence et des subventions à leur frais de création. Ainsi que notre projet de mentorat.

 

En quoi consiste ce mentorat ?

Paul-Emmanuel Reiffers : L’idée était d’offrir aux jeunes talents un accompagnement leur permettant d’enrichir leur pratique et leur ancrage dans le monde et le marché de l’art. Avec un comité artistique composé de personnalités du monde de l’art et de la culture à la fois reconnues et en contact permanent avec les jeunes artistes. Chaque année, trois artistes sont ainsi sélectionnés à l’issu d’un vote. Puis, ce que j’appelle notre mentor – un(e) artiste international(e) ultra connu(e) – va choisir parmi les trois nominés celle ou celui qu’il va accompagner pendant 6 mois jusqu’à l’exposition qu’ils feront ensemble.

 

Kenny Dunkan par Nathalie Weiss
Artiste Kenny Dunkan par Nathalie Weiss

 

Vous avez évoqué plus haut le manque de reconnaissance internationale des artistes français ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Oui, il est crucial pour nous que le mentor soit mondialement connu afin d’apporter un rayonnement international à notre jeune artiste français. Pour notre première édition, c’est Rashid Jonhson – exposé au MoMA mais aussi à la Biennale de Venise – qui a accepté de devenir un mécène dans le partage d’expérience mais également d’un carnet d’adresses. Il faut préciser qu’aujourd’hui acheter un artiste français n’est pas un moteur très fort pour les collectionneurs. Des pays majeurs comme les États-Unis achètent d’abord américain, ils sont soutenus localement. Un Français qui souhaite une reconnaissance internationale devra vivre là-bas… faire sa promotion dans leurs galeries internationales.

 

On manque de collectionneurs français ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Aujourd’hui dans le monde, un entrepreneur qui réussit collectionne de l’art contemporain. L’idée de notre fond est également de montrer que les entrepreneurs en France soutiennent les jeunes artistes français. Depuis quelques années, cela évolue avec parmi les plus gros entrepreneurs français l’ouverture de fondations d’art contemporain qui servent désormais de modèles aux autres, dont récemment la Bourse de commerce François Pinault. Il y a une émulation pour ceux qui désormais veulent faire partie du « game » et constituer leur propre collection. C’est devenu un acte important de soutenir nos artistes.

 

Paul-Emmanuel Reiffers : L’international, car il faut absolument se développer en Chine et aux Etats-Unis. Mazarine n’est pas seulement une agence de communication, elle s’apparente plutôt à une entreprise d’entertainment dans le luxe et la culture.

 

Les artistes ont-ils forcément besoin de soutien pour émerger ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Il y a un rapport financier qui est important dans l’art, car un artiste, pour qu’il progresse, doit pouvoir financer sa production. On voit d’ailleurs que les grandes galeries exposent des productions de plus en plus importantes. Je pense à l’artiste Marc Bradford qui fait des toiles d’au minimum six mètres ou encore au plasticien Jeff Koons et son travail monumental… Cela représente un coût de production et d’exposition relativement élevé.

 

Paris est-elle capable d’accueillir des espaces à la mesure de ces expositions ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Il n’y avait jusqu’à maintenant pas ce type de galeries à Paris mais cela change avec des nouveaux lieux immenses comme à Pantin avec la galerie de Thaddaeus Ropac et celle de Larry Gagosian au Bourget qui sont adaptées pour accueillir des formats beaucoup plus grands et nous faire rentrer littéralement dans l’univers de l’artiste.

 

On vous décrit dans la presse comme tenace, persévérant… Vous souscrivez ?

Paul-Emmanuel Reiffers : La persévérance est une qualité que je revendique et la ténacité également… Mais tous les chefs d’entreprises sont tenaces. En fait, le vrai risque c’est lorsqu’on s’égare. Il faut s’arrêter et prendre du temps pour réfléchir et travailler en « mode projet ». D’autant qu’il y a un espace de travail chez Mazarine qui est très large :  vous passez de l’événementiel au digital à la publicité puis à une fondation… J’ai appris tout cela en observant Karl Lagerfeld, quand ma première femme (Victoire de Castellane) était sa muse. Avec lui on pouvait avoir les idées qu’on voulait mais il fallait que cela finisse.

 

Avec un certain sens du défi ?  

Paul-Emmanuel Reiffers : Oui, dans le sens d’une envie de repousser ses limites et d’avoir envie de se lancer dans un nouveau projet. C’est aussi ne pas s’installer dans la routine et pourquoi pas se mettre un peu en danger. Même si après 30 ans il y a une forme de sérénité, on ne considère pas qu’on est arrivé… En fait, le mental c’est d’aller toujours plus loin.

 

Quel sera votre nouveau terrain de jeu ?

Paul-Emmanuel Reiffers :  L’international, car il faut absolument se développer en Chine et aux Etats-Unis. Mazarine n’est pas seulement une agence de communication, elle s’apparente plutôt à une entreprise d’entertainment dans le luxe et la culture en exploitant des nouveaux lieux, de la technologie et tous les nouveaux métiers pour satisfaire un client qui veut de la création de valeur, avec une image très forte. On est complètement en phase avec cette idée d’expérience du luxe.

 

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