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En salle | « La conspiration du Caire » primé à Cannes, rencontre avec son réalisateur Tarik Saleh

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Prix du scénario au Festival de Cannes 2022, « La conspiration du Caire » est un thriller haletant qui vous entraîne au cœur d’une lutte de pouvoir entre les élites politiques et religieuses avec l’intégration d’Adam, simple fils de pêcheur, dans la prestigieuse université Al-Azhar du Caire. Rencontre avec le réalisateur Tarik Saleh.

Vous avez reçu le prix du scénario à Cannes, est-ce une consécration pour un réalisateur et écrivain ?

Tarik Saleh: J’aime écrire. J’étais donc très heureux d’obtenir le prix pour le scénario. Si le jury n’a évidemment pas lu le script, en aimant scénario c’est le film dans son ensemble qui lui a plu. Je suis bien placé pour savoir que si la réalisation est très difficile, l’écriture l’est encore plus. C’est une très belle récompense.

 

En suivant Adam dans les dédales d’une institution comme Al-Azharqui, on a l’impression d’être dans un huis-clos.

Oui c’est exactement le propos du film. Al-Azharqui est l’une des plus anciennes institutions religieuses et prestigieuses musulmanes. Elle incarne un islam de tradition, où toutes les décisions sont prises à huis clos. Il y a cette idée de porte fermée derrière laquelle il y a un secret extrêmement bien gardé. Nos héros vont ouvrir plusieurs portes jusqu’à la dernière -dans cette scène de l’appartement- où l’on découvre une femme avec des pleurs d’un enfant. C’est précisément ici que le pouvoir tombe. D’ailleurs l’idée du film est inspiré par ma re-lecture d’Umberto Eco « Le Nom de la Rose » qui est un thriller médiéval qui se déroule dans un monastère.

 


Le film file aussi la métaphore de la perte de notre innocence. L’une des histoires les plus emblématiques à ce sujet est dans la Bible : croquer la pomme de la connaissance vous expulse du paradis


 

N’est-ce pas dangereux une histoire de ce genre dans un contexte musulman ?

 Je ne suis pas un expert de l’islam, mais je suis issu de ce milieu et je suis toujours étonné d’entendre de nombreuses personnes, avec parmi eux des experts dans l’actualité, s’exprimer sur cette religion alors que toute évidence ils ne connaissent même pas les bases. Il était très clair pour ma part que je ne voulais pas faire un film sur l’Islam. Je voulais que ce soit un thriller, un film d’espionnage avec un regard de l’intérieur sur la lutte de pouvoirs, peu importe la religion des protagonistes. Dans le film ils sont tous croyants, même les personnages de la sécurité de l’état.

 

C’est un thriller avant tout…

L’une des caractéristiques du scénario était d’essayer de manipuler l’institution religieuse sans commettre un blasphème. Ai-je réussi à faire un thriller politique sans offenser les gens qui sont religieux… je l’espère. Je ne pense pas que le film leur manque de respect car mes personnages sont contrariés pour des raisons politiques, et non pour des raisons religieuses.

 

Avec un personnage principal très innocent qui perd toutes ses illusions…

Oui, le film file aussi la métaphore de la perte de notre innocence. L’une des histoires les plus emblématiques à ce sujet est dans la Bible : croquer la pomme de la connaissance vous expulse du paradis. Vous devenez coupable car vous savez, et par la même occasion vous êtes responsable de ce que vous savez. Il faut faire des choix, et c’est très difficile pour Ibrahim de choisir entre le mauvais ou le pire.

 

Y a-y-t-il un prix à payer en prenant la décision de quitter son village et s’instruire ? Vous décrivez avec une certaine tendresse le père simple pêcheur.

Vous portez toujours en vous l’histoire de vos grands-parents et de vos parents. Les miens vivaient dans le delta du Nil en Égypte, ils ont été les premiers dans leur village à aller à l’école, parfois située à des kilomètres. Toute mon enfance mon père m’a raconté ce que ma grand-mère a dû parcourir à pied pour aller s’instruire et nous permettre d’avoir aujourd’hui une éducation, des moyens… à l’aube de mes 50 ans, père de famille à mon tour, je me rends compte que notre objectif à tous -quelque soit le milieu- est de bâtir un avenir meilleur pour nos enfants. Le personnage du père peut sembler sévère mais il n’a pas forcément le choix ni les mots pour expliquer à ses fils les dangers de la vie. Ma photo préférée dans le film est l’image arrêtée sur le père inquiet qui voit son fils monter dans le bus. Comment peut-t-il le protéger, alors qu’il ne sait ni lire et ni écrire ?

 

Le casting de vos acteurs a été également salué par la critique.

J’ai eu beaucoup de chance sur la distribution de ce film car tous les acteurs avec qui je souhaitais travailler ont accepté de venir comme par exemple Makram Khoury, le Sheik aveugle, que j’avais vu dans Munich de Spielberg. Mais aussi Fares Fares, qui en plus d’être mon meilleur ami, est l’un des meilleurs acteurs au monde. J’ai travaillé avec des acteurs incroyables comme Ed Harris ou Jeffrey Wright aux Etats-Unis, mais je pense que Fares peut défendre presque n’importe quel personnage. Dans le film il arrive à mêler brutalité et douceur avec une dextérité particulière. Avec Tawfeek Barhom, c’est tout le conflit intérieur qui se lit sur son visage, à tel point qu’il réussit ce tour de force d’avoir beaucoup vieilli en quelques mois.

 


« La conspiration du Caire » thriller politique de Tarik Saleh
En Salle mercredi 26 octobre

 

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