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Boudé en France, Bernar Venet Inaugure Son Œuvre Monumentale En Belgique

Bernar VenetGetty Images

Après 35 ans d’attente, l’Arc majeur de Bernar Venet, une sculpture monumentale de 200 tonnes, mesurant 60 mètres de haut en acier Corten, a enfin été inauguré par l’artiste plasticien français Bernar Venet.

D’un diamètre de 75 mètres, l’œuvre a nécessité plus de 12 000 heures de soudage et d’assemblage, et la collaboration de 15 partenaires, sans compter les innombrables réunions, dessins techniques et études réalisés par des experts de différents domaines.

Arc majeur se trouve en Belgique, sur l’autoroute E411 à proximité de Lavaux-Saint-Anne, entre Namur et le Luxembourg. Estimée à 3 millions d’euros, la sculpture est un cadeau de la Wallonie et elle devient la plus grande œuvre d’art publique d’Europe avec ses deux arcs gigantesques similaires à deux grands bras étirés vers le ciel. Un savant mélange d’art et ingénierie, Arc majeur est une sorte de trompe-l’œil puisqu’une partie de l’arc semble enfouie dans le sol. La sculpture de Bernar Venet est deux fois plus haute que le Christ rédempteur de Rio de Janeiro et plus grande même que la Statue de la Liberté sans son piédestal. Elle est si haute que l’on se demande même comment elle tient debout sur une base si étroite.

Les usagers de la route ne pourront pas rater la sculpture monumentale, visible à plus de 3 kilomètres, et auront l’impression de pénétrer dans l’œuvre d’art avant de s’en éloigner. Ils conduiront au travers du demi-cercle discontinu dans les deux sens de circulation. Bernar Venet explique : « C’est une expérience différente, une expérience parmi tant d’autres dans mon travail, mais une expérience rare, voire inconnue, dans l’histoire de la sculpture, mais tellement évidente. La particularité de cette sculpture, c’est qu’on la découvre en étant en mouvement. Normalement, on s’arrête devant une sculpture, on le regarde, on tourne autour ; on a le temps. Ici, vous disposez de très peu de temps pour la découvrir, et plus vous vous en approchez, plus vous la découvrez, vous la traversez et vous la perdez de vue, c’est donc une approche différente en comparaison de ce qu’est la sculpture en règle générale ».

 

Bernar Venet a choisi l’emplacement de la sculpture pour sa vue dégagée, dépourvue de bâtiments et de lampadaires, lui permettant d’imposer complètement sa vision artistique sur l’environnement naturel. Il poursuit : « J’ai repéré l’endroit idéal sur l’autoroute en direction de Luxembourg. C’est important d’avoir suffisamment de distance pour voir la sculpture de loin et ensuite s’en rapprocher – à moins que ce ne soit la sculpture qui vienne à nous. J’ai retravaillé les dimensions et l’intégration de mon travail dans le paysage. J’ai particulièrement apprécié le fait que le bord de la route embrasse la courbe de l’arc. Je suis heureux d’en faire don à tous les automobilistes, travailleurs ou touristes qui emprunteront cette route ». Il considère Arc majeur comme la plus grande œuvre d’art publique au monde, bien qu’en réalité certains monuments le dépassent, comme la statue de l’Unité de 182 mètres de haut à l’effigie du leader indien Sardar Vallabhbhai Patel.

L’artiste explique ce qu’il aime dans la conception d’œuvres d’art publiques : « Dans le monde de l’art, le marché fonctionne de telle manière que beaucoup d’artistes font des œuvres pour le secteur privé. Créer une pièce ne veut pas dire que son seul but sera d’être vendue. Les œuvres d’art sont avant tout créées pour des raisons culturelles. Leur but est de questionner, pas d’être vendues. Mais il y a des amateurs d’art qui veulent s’entourer d’objets artistiques importants. Faire des œuvres pour l’espace public, c’est retirer l’œuvre de l’espace privé et fermé des personnes privilégiées ».

 

Ses œuvres les plus célèbres sont ses sculptures en acier Corten comme Lignes indéterminées et Arc monumental, ou pour ses représentations d’équations mathématiques et de textes scientifiques comme Parabole de la fonction y = 2x2 + 3x – 2 où les lignes lui permettent d’exprimer son propre vocabulaire et de secouer la manière dont le grand public contemple l’environnement. À propos d’Arc majeur, Bernar Venet précise : « C’est un sentiment étrange, car maintenant je peux croire qu’il existe réellement ».

 

 

Ce n’est qu’en 2014, après l’inauguration de deux œuvres de Bernar Venet, commandées par le groupe Cockerill Maintenance & Ingénierie, situé en Belgique, que le projet a profité d’un nouvel élan. L’une des filiales du groupe, Usinor, s’était à l’origine occupée des études de faisabilité du projet en France et avait déjà construit une sculpture pour l’artiste quelques années auparavant, un arc de 38 m installé à Séoul. C’est donc le président du groupe, Bernard Serin, qui a pris la décision en 2016 de donner vie à Arc majeur en Belgique. Bernar Venet déclare : « Il y avait des moments où je n’y croyais plus, mais bien sûr j’attendais la bonne opportunité. Monsieur Serin a été cette opportunité ». La construction de l’arc a été largement financée par la Fondation John Cockerill, et la fabrication s’est déroulée dans les ateliers de l’entreprise, à l’aide de chariots de soudure semi-automatisés et en collaboration avec les ingénieurs du Bureau d’études Greisch (dans lequel Bernar Venet travaille depuis 2005). Ces derniers se sont assuré de la stabilité de la sculpture, de sa résistance aux tremblements de terre et aux vents de plus de 200 km/h ainsi que de la cohérence globale de l’œuvre.

 

Véritable tour de force d’ingénierie qui a mobilisé une soixantaine de personnes, Arc majeur a réuni différents prestataires techniques experts : découpe de tôles de 8 à 12 mètres de long et d’épaisseurs variables, pliage, soudage, montage en atelier, positionnement d’un amortisseur au sommet du grand arc pour réduire les vibrations et le risque d’usure de l’acier, ponçage pour effacer toute trace de fabrication et soudage pour avoir une surface lisse, transport par convoi routier spécial la nuit, montage sur autoroute et enfin terrassement du site. Une équipe expérimentée de quatre à huit soudeurs et trois monteurs se sont relayés pendant plusieurs mois pour construire cette sculpture monumentale. Les essais préliminaires au sol ont eu lieu en novembre 2018 et la pose des fondations (10 x 16 mètres pour le grand arc) a débuté au printemps dernier, nécessitant l’excavation préalable d’environ 1 000 m³ dans la roche et la coulée de 2 800 tonnes de béton. L’installation a été réalisée en un temps record en août : trois jours. L’autoroute a été entièrement fermée à la circulation pendant 36 heures et elle est restée partiellement fermée pendant un mois. L’assemblage s’est déroulé en plusieurs phases, avec tout d’abord le soudage des trois éléments du grand arc, qui ont été soulevés à l’aide d’une grue de 750 tonnes (la plus grande d’Europe) et assemblés grâce à des brides dissimulées à l’intérieur. Une soudure périphérique a ensuite été réalisée aux jonctions pour les assembler définitivement. Le petit arc a été transporté en une seule pièce. À chaque étape, la qualité des soudures a été contrôlée par des spécialistes de Vinçotte à l’aide d’une technique avancée de contrôle non destructif appelée Phased Array Ultrasonic Testing.

 

 

Maintenant que Bernar Venet a réalisé son rêve de l’Arc majeur et a ouvert sa propre fondation dans le sud de la France, il travaille actuellement sur une sculpture en ligne droite de 80 mètres de haut symbolisant un bâton de chef d’orchestre, un hommage à Herbert von Karajan à l’occasion du centenaire du festival de musique populaire et de théâtre de Salzbourg, qui se déroulera sur une falaise de la ville. Il espère aussi réaliser un jour Grandes diagonales, de loin son projet le plus ambitieux qui comprend plusieurs sculptures en ligne droite traversant la planète et reliant virtuellement les principales capitales des cinq continents. Il conclut : « Le but de tout artiste reste le même : continuer à créer, mais sans se répéter (ce qui ne serait plus créer, mais produire des objets décoratifs). L’artiste doit constamment repousser les limites de ce qui est concevable ».

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