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Une Nouvelle Monnaie En France – Incertitudes Et Instabilité

L’Europe est un facteur clé de la campagne présidentielle même si ce thème a été peu abordé lors des deux débats télévisés. Parmi les 4 candidats ayant les positions les plus fortes dans les sondages, l’Europe est discriminante. Ce doit être le premier facteur discriminant entre les candidats pour n’importe quel électeur. 

Pour deux d’entre eux, Emmanuel Macron et François Fillon, l’objectif est d’approfondir les institutions existantes même si les modalités ne sont pas identiques pour chacun d’entre eux. Ni l’un ni l’autre ne souhaite cependant sortir de la zone Euro.
En revanche pour les deux autres candidats du Top 4, Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon, l’Europe est, au regard des institutions européennes, une source de rupture pour la France. L’un et l’autre envisagent une négociation avec l’Europe pour changer ces institutions et redonner à la France la possibilité de retrouver son autonomie de décision. En cas d’échec probable de ces discussions, car les autres pays n’ont pas forcément la volonté de changer de cadre, et avec l’appui d’un référendum, les deux candidats envisagent une sortie de l’Europe.

Dans chacun des deux cas, la monnaie revient au cœur du nouveau cadre à définir.
Pour Le Pen, la monnaie française est une nécessité pour l’indépendance de la France. Dans le cas de Mélenchon l’euro deviendrait une monnaie commune et ne serait plus une monnaie unique. Cela impliquerait la création d’une nouvelle monnaie pour la France. Mais comme les autres membres de la zone Euro ne seraient pas a priori favorables à ce cadre nouveau pour l’euro cela reviendrait à sortir de la zone Euro et à créer une monnaie française.

Au-delà de ces éléments, aucun des deux programmes n’est explicite sur le cadre monétaire qui prévaudrait. On sait simplement que dans les deux cas la banque centrale perdrait son indépendance et devrait servir au financement des dépenses de l’Etat. En d’autres termes, l’Etat se donne les moyens de créer sa propre monnaie pour financer ses dépenses. L’histoire économique indique qu’une telle situation engendre de l’inflation et une instabilité macroéconomique, financière et monétaire. L’épargnant français serait directement pénalisé.

C’est cette question monétaire qui différencie la situation française de celle du Royaume Uni au travers du Brexit. Il est souvent évoqué l’absence de rupture au Royaume Uni depuis le référendum du 23 juin comme étant une preuve de l’innocuité d’une sortie des institutions européennes. Cette vision est très excessive puisque le Brexit n’a été mis en œuvre que depuis la notification de l’article 50 du Traité de Lisbonne à l’Union Européenne le 29 mars. Mais ce n’est pas notre propos. L’éventuelle sortie de la France des institutions européennes et la création d’une monnaie vont bien au-delà du processus du Brexit.

Pour le Royaume Uni, le Brexit va couper les liens privilégiés avec les autres pays de l’Europe. Cela crée ou créera des perturbations sur le commerce extérieur britannique et sur le poids de la perfide Albion dans la dynamique internationale. C’est un choc macroéconomique qui aura des effets négatifs sur l’activité outre-Manche puisque les règles vont changer au détriment des britanniques.
Mais ce choc global ne sera pas ressenti directement par le britannique de Liverpool ou de Manchester. Pour lui la conjoncture sera éventuellement moins porteuse mais spontanément il ne changera pas son comportement. Il n’a pas d’inquiétude immédiate sur la valeur de son épargne ni sur la confiance qu’il a dans le billet de 10 livres qu’il a dans la poche.
En d’autres termes, le britannique et l’entreprise britannique pourront continuer à fonctionner comme avant le référendum sur le Brexit. Le consommateur pourra constater un taux d’inflation un peu plus élevé et l’exportateur aura davantage de difficultés à vendre ses produits. Mais rien ne créera une incertitude susceptible d’affecter directement le comportement de l’un ou de l’autre. L’inflation un peu plus forte sera  perçue une composante du choc macroéconomique. Mais pour le britannique, la monnaie qu’il a en poche est la même même si elle se déprécie un peu.
Le choc est donc macroéconomique, il n’est pas microéconomique.

Dans le cas du retour à une monnaie nationale, la dynamique globale serait différente. Il y aurait un choc macroéconomique qui serait de même nature que pour le Brexit. Les entreprises françaises trouveraient plus difficile de vendre leurs produits à l’étranger en raison de la rupture des liens avec les partenaires. Mais le point clé est que chaque français serait affecté par le changement du régime monétaire. D’un seul coup, il se retrouvera avec un nouveau billet en poche et il lui faudra considérer que ce billet a de la valeur. Il lui faudra inférer la valeur objective de ce billet. D’où viendrait spontanément cette confiance dans la monnaie? Surtout qu’au regard des plans de dépenses prévus par les deux candidats, le financement monétaire par la Banque de France aura des effets à la hausse de l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat. Ce français de Lille ou de Perpignan se posera aussi la question de la sauvegarde de son épargne. Comme aucun des deux programmes n’est élaboré sur la question du cadre monétaire il n’y a aucune raison que chaque acteur de l’économie soit rassuré sur ce qui se passera par la suite et à valoriser fortement la nouvelle monnaie.

En outre, est-ce que chaque ménage français souhaitera conserver son épargne dans la nouvelle monnaie ou choisira-t-il d’opter pour un mouvement de son épargne vers une monnaie qui paraît stable en dehors de la France? Ce comportement de l’épargnant est habituel. On l’a observé à plusieurs reprises par le passé (voir mon papier paru sur Forbes le 16 février et disponible ici). C’est pour cela que l’on doit s’attendre à ce que le contrôle des capitaux soit la première mesure qui serait prise en cas de victoire de l’un des deux candidats.  Il n’est pas certain que cela participe à la confiance dans la nouvelle monnaie.
Dans le cas du choix d’une monnaie française, au choc macroéconomique dû à la rupture des relations avec nos principaux partenaires commerciaux s’ajouterait un choc microéconomique résultant du changement de la monnaie et des incertitudes qui lui sont associées.

C’est cette double dimension, macroéconomique et microéconomique, qui fait que le choix du retour à une monnaie française spécifique se distingue fondamentalement du Brexit.  Il faudrait une longue période de comportement exemplaire de l’Etat pour gagner la confiance des français rendant ainsi la monnaie crédible. Mais cela parait peu probable si l’Etat se finance directement auprès de la banque centrale et n’est contraint à aucune règle.
La sortie de la France de la zone Euro n’a donc rien à voir avec le Brexit. C’est une opération beaucoup plus complexe qui affecterait tous les comportements puisqu’elle serait génératrice d’une profonde incertitude et d’un fort risque d’instabilité qui affecterait durablement la dynamique macroéconomique. Le retour de la croissance serait remise à plus tard. 

 

 

 

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