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Que Vaut (Vraiment) Le Petro ? La Cryptomonnaie Du Venezuela

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Empêtré dans une grave crise économique et sociale, le Venezuela, désireux de trouver des financements alternatifs au regard d’une monnaie nationale, le Bolivar, en pleine déliquescence, a lancé en février dernier sa propre cryptomonnaie. Baptisée « Petro » car adossée à ses réserves pétrolières, cette monnaie virtuelle, la première officiellement émise par un Etat, a-t-elle vraiment un avenir ? Décryptage.

La Chine, L’Inde ou encore plus récemment l’Iran. Toutes ces nations ont émis le souhait, avec plus ou moins de conviction, de poser les jalons de leur propre cryptomonnaie. Mais pour le moment, seul le Vénézuela a franchi le Rubicon, mettant sur orbite le « Petro », une monnaie virtuelle adossée aux réserves pétrolières du pays. « Le pays essaie de surfer sur l’engouement suscité par le Bitcoin, Ethereum et consorts pour justement trouver une alternative à l’hyperinflation à laquelle le pays est confronté », explique Tristan Colombet, PDG de DomRaider et  maître-d’œuvre de l’une des premières levées de fonds en cryptomonnaies dans l’Hexagone. Une hyperinflation galopante qui a contraint les autorités vénézuéliennes à littéralement « retirer » trois zéros à la monnaie officielle. Ainsi, une barquette d’œufs valant 250 000 bolivars « anciens » équivaut désormais à 250 bolivars nouveaux. Pour tenter de contrer ce phénomène, Caracas a porté sur les fonts baptismaux, le Petro. Jorge Rodriguez, ministre de l’information et de communication du gouvernement bolivarien, de passage en France et interrogé par nos soins, revient sur la genèse de cette monnaie « alternative ».

« Nous avons, à notre disposition, des éléments particulièrement innovants qui pourront nous aider pour résoudre la crise économique et sortir le pays de sa léthargie. D’un côté, le Venezuela abrite en son sein l’une des plus grandes réserves de pétrole du monde avec 300 milliards de barils et des réserves d’or également très importantes. Et de l’autre, l’univers des cryptomonnaies offre une grande liberté par rapport aux systèmes financiers conventionnels. Voilà pourquoi le président Maduro a décidé de combiner ces deux facteurs pour lancer le Petro ». Le problème néanmoins, s’il est vrai que les ressources pétrolières sont considérables, c’est qu’il faut supposer que ces dernières soient mobilisables. Or, la production d’or noir domestique a chuté de 29% sur l’ensemble de l’année 2017 alors qu’elle constitue 96% des ressources du pays. Difficile dans ces conditions d’imaginer le Petro renflouer, à terme, les caisses du pays.

Chute de 29% de la production pétrolière domestique en 2017

Pourtant, le gouvernement a annoncé, jeudi dernier, que la vente du Petro, avait fait entrer dans les caisses de l’État vénézuélien 3,3 milliards de dollars, dont 1,7 milliard serviront à importer « des aliments, des médicaments et des matières premières pour l’industrie ». Pour rappel, les importations de médicaments et de fournitures médicales se sont effondrées avec la crise économique qui frappe le Venezuela. Car la seconde « pomme de discorde », concernant la viabilité du Petro, est tout simplement la confiance, pierre angulaire s’il en est des cryptomonnaies. Or, dans un pays à bout de souffle économiquement (la dette extérieure est estimée par certains experts à 150 milliards de dollars), frappé de plein fouet par les sanctions américaines, comment susciter l’appétence d’investisseurs étrangers ?  « Cela me semble extrêmement compliqué, puisqu’en effet, la qualité première pour attirer des investisseurs est la confiance. Or, force est de constater qu’elle n’est pas au rendez-vous. D’ailleurs, je ne pense pas non plus que le Petro pourra changer la vie des vénézueliens car ils n’ont clairement pas les moyens logistiques et financiers d’acheter cette cryptomonnaie via le Bolivar », développe Tristan Colombet.

Mais le gouvernement a visiblement de la suite dans les idées. Désireux de battre en brèche l’idée que le Petro serait uniquement tributaire de la rente pétrolière, Jorge Rodriguez voit l’émergence de cette nouvelle monnaie comme un « ballon d’essai ». « Ce n’est qu’une première étape. Nous aurons, à plus long terme, des «  petro d’or » ou des « petro de diamant ». Aujourd’hui, la valeur du Petro équivaut à un baril de pétrole. Je demeure convaincu que dans quelques temps, le Petro pourra même dépasser la valeur du baril. Un jour, nous vendrons notre pétrole en Petro. Il a la capacité de devenir l’un des cryptoactifs les plus influents de la planète ». Un postulat résolument ambitieux qui risque néanmoins de se heurter au principe de réalité, au regard de la dette colossale d’un pays quasiment en défaut. Point positif néanmoins : le Petro sera moins sensible à la volatilité, à la différence de ses condisciples, car adossé sur le cours du pétrole. Mais là-aussi, le manque de clarté des autorités fait tiquer Tristan Colombet. « Il est difficile de dire que le Petro est strictement calqué sur les cours du brut dans la mesure où le dispositif est particulièrement centralisé et quelque peu opaque ».

Véritable alternative ou tentative de diversion ? 

Alors le Petro, véritable bouffée d’oxygène pour l’économie vénézuélienne ou énième tentative de diversion économique d’un gouvernement aux abois ? Là-aussi son « usage » pose question. Le Petro a vocation à contourner les sanctions internationales américaines et être ainsi échangé dans des transactions à l’étranger. Or, cette « fonction » est déjà remplie par le bitcoin et consorts. Alors pourquoi préférer cette monnaie « made in Caracas » aux autres « cryptocurrencies » déjà accessibles sur le marché ? L’aspect énergivore de ces monnaies virtuelles constitue néanmoins un frein, selon Jorge Rodriguez, par rapport au Petro qui dispose de sérieux atouts, sur ses terres, par rapport à la « concurrence » . « Le Venezuela propose l’énergie électrique la moins chère au monde et l’accès internet est également bon marché. Par voie de conséquence, le minage au Venezuela est donc particulièrement aisé et à la portée de tous. Nous disposons déjà de plateformes d’échanges ». Pas sûr que cela soit suffisant.

Avec Anna Chapelle 

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