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L’Aviseur Fiscal : Nouveau Moyen De Lutte Contre La Fraude Fiscale ?

©Getty Images

Certains contribuables s’estimant écrasé par le poids de l’impôt sur le revenu se résignent à louer, typiquement une cave ou un parking, sans déclarer le revenu ainsi perçu en numéraire. Si les relations entre bailleur et locataire viennent à se tendre, le propriétaire pourrait être dénoncé à l’administration fiscale et encourir de réelles représailles.

En effet, la loi de finances pour 2017 a mis en place un dispositif expérimental d’indemnisation des personnes qui communiqueront à l’administration fiscale des renseignements menant à la découverte d’infractions fiscales[1]. Un décret et un arrêté[2] en ont précisé les conditions.

Initialement nommés « lanceurs d’alertes fiscaux », ceux-ci sont désormais appelés « aviseurs » et la rétribution à laquelle ils pourront prétendre qualifiée d’ « indemnisation ». Ceci n’est pas sans rappeler le « redressement fiscal » qui s’intitule désormais « rectification fiscale ». De même qu’il est désormais interdit de qualifier un contribuable de « mauvaise foi », le terme « contribuable qui n’est pas de bonne foi » lui étant substitué. Chacun appréciera ces changements de vocabulaires : la forme s’adoucit mais son contenu reste tout aussi brutal.

Etait-il vraiment nécessaire d’indemniser les « informateurs » ? La révélation des infractions fiscales devrait-elle être un devoir citoyen ? Rappelons à cet égard que les banques, assureurs, notaires, avocats, agents immobiliers…, sont déjà tenus à des obligations strictes en matière de lutte contre le blanchiment.

Toutefois, lorsqu’un immeuble de très haut standing parisien est vendu par l’Etat français à un pays étranger du Moyen-Orient, personne ne semble se soucier de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

En tout état de cause, l’attribution de cette « indemnisation » et son montant éventuel sont laissés à la libre appréciation de l’administration fiscale. Les faits dénoncés doivent présenter un intérêt fiscal certain et doivent être corroborés dans le cadre d’une enquête. La décision d’attribution relève de la Direction générale des finances publiques et sera déterminée forfaitairement par « référence aux montants estimés des impôts éludés ».

L’aviseur ne doit avoir ni pris part ni joué un rôle dans les faits incriminés. Toutefois, seul le versement de la rémunération sera susceptible d’être remis en cause. L’exploitation des renseignements communiqués restera bien entendue possible !

Les éléments qui permettraient d’identifier l’aviseur, le montant et les modalités de versement de l’indemnisation resteront confidentiels.

La lutte contre la fraude fiscale méritait-elle une telle mesure ? En attribuant une « indemnité » et en garantissant l’anonymat, l’« aviseur » ne devient-il pas délateur ? Ne devrions-nous pas craindre que l’aviseur n’agisse que dans la seule intention de nuire à un tiers plutôt que par civisme ?

La seule « garantie » offerte au contribuable dénoncé est que le fisc ne pourra exploiter les renseignements qui n’auraient pas été régulièrement obtenus… L’anonymat des sources étant de mise, il y a lieu de s’inquiéter sur l’efficience de cette garantie.

Un bilan sera fait de ce dispositif sera dressé sous forme de rapport et devra être remis au Parlement. En cette période de scandales politico-financiers, la mesure fera-t-elle « Pschitt » ?

 

[1] L. fin. 2017, no 2016-1917, 29 déc. 2016, JO 30 déc., art. 109

[2] D. no 2017-601, 21 avr. 2017, JO 23 avr. et Arr. 21 avr. 2017, NOR : ECFE1710398A, JO 23 avr.

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