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Laisser Filer La Dépense Publique: Une Tentation Coupable A l’Heure De La Reprise

Pour la première fois depuis dix ans, la France pourrait afficher cette année un déficit public sous la barre des 3% de la richesse nationale.

 

Cette prévision de la Commission européenne, qui table sur une réduction du déficit public à 2,9% du PIB en 2017 (contre 3,3% l’année dernière), est plutôt flatteuse pour l’économie française.

Elle repose sur un scénario de reprise, fondé sur une hypothèse de croissance de +1,4%, soit un résultat supérieur à celui enregistré en 2016 (seulement + 1,2%) et propice à de meilleures rentrées fiscales.

 

Qui ira sans plaindre ?

Repasser en dessous de 3% ouvrirait la porte à une réduction possible du poids de notre endettement public, dont le niveau est devenu plus que préoccupant : la dette publique a dépassé pour la première fois en octobre 2014 les 2 000 milliards d’euros, seuil qu’elle n’est vraisemblablement pas prête de quitter.

Avec un ratio endettement public sur PIB s’élevant désormais à 97,6% depuis le troisième trimestre dernier, gérer nos finances publiques est un art de plus en plus comparable à l’exercice du funambule, qui s’élançant sur un fil placé plusieurs centaines de mètres au dessus du sol, dispose de son seul sens de l’équilibre comme atout pour déjouer le vide.

Peut-on se sortir en même temps du double piège de la dette, engendré par trente ans de présentation d’un budget annuel en déficit, et d’une croissance qui reste molle ?

C’est l’équation que doivent en principe résoudre les candidats à l’élection présidentielle, qui l’abordent chacun avec des postures et des réponses bien différentes.

 

Dette ou croissance: l’illusion de pouvoir choisir

Benoit Hamon tente d’expliquer qu’il serait préférable d’accorder la « priorité à la croissance sur les déficits publics ». Principe justifiant, à ses yeux, à la fois l’abandon de l’objectif de 3% de déficit pour la France dès 2017, et l’adoption d’un « moratoire » au niveau européen. Ce dernier déboucherait le moment venu sur une « mutualisation de la partie des dettes publiques européennes dépassant le niveau de 60% des dettes publiques européennes ».

Cette proposition a de quoi surprendre.

D’abord, parce qu’à trop vouloir jouer avec les règles communautaires, on finit par déstabiliser encore un peu plus l’édifice européen, déjà fragile. Ensuite, parce que chemin faisant, on provoque aussi inexorablement des tensions avec ses voisins. A commencer par les plus vertueux sur le plan de la discipline budgétaire, comme l’Allemagne, qui a dégagé l’année dernière un excédent budgétaire de plus de 19 milliards d’euros (0,6% du PIB,) pendant que la France éprouvait le plus grand mal à ramener son déficit en dessous de 70 milliards (3,3% du PIB).

Ce n’est pas tout. La résolution du candidat socialiste arrive aussi un peu à contre-courant. Le raisonnement consistant à desserrer la contrainte budgétaire en pleine récession, afin de stimuler la croissance, est loin d’être sans fondement. Mais lorsque la croissance repart, comme c’est le cas aujourd’hui, avec des prévisions émises par Bruxelles autour de +1,4% pour 2017 et même +1,7% en 2018 pour la France, on joue vraiment avec le feu.

Si notre pays ne fait pas l’effort pour réduire drastiquement sa dépense publique et se désendetter lorsqu’il commence à en avoir les moyens, quand le fera t-il ?

Avoir la mémoire courte condamne souvent à reproduire les mêmes erreurs. Ainsi, lorsque la croissance s’est accélérée en France entre 1998 et 2000, la réduction du déficit avait été nettement inférieure à ce qu’elle aurait pu être, compte tenu de notre préférence à cette époque déjà pour la dépense au détriment du désendettement.

Ajoutons que si la nouvelle équipe qui investira les allées du Pouvoir en mai 2017 devait attendre le retour d’une croissance forte pour rompre avec la facilité de la dette publique, nous ne serions pas prêts d’entrevoir le bout du tunnel de l’endettement : depuis 1980, la croissance n’a dépassé 3% par an qu’à deux reprises, entre 1988 et 1990, et une seconde fois, entre 1998 et 2000.

De son côté, Marine Le Pen semble adopter une approche plus réaliste que l’ancien ministre de l’Education Nationale. Elle s’engage à ramener le déficit à 1,3% du PIB au bout de cinq ans. Il s’agit hélas d’un faux-semblant. Car son projet de sortie de la zone euro mettrait sous très haute tension les finances publiques hexagonales.

Nous l’avons rappelé dans une tribune précédente : l’économie française perdrait jusqu’à 180 milliards avec cette aventure sans retour, les agences de notation interprétant alors ce choix désastreux comme un défaut de paiement. Rien ni personne ne pourrait en effet éviter que la dépréciation monétaire accompagnant le rétablissement du franc conduise in fine à l’explosion de la de la dette nationale, via la remontée des taux d’intérêt…

 

La cigale française et la fourmi allemande

Seuls deux candidats de premier rang semblent prendre très au sérieux la question du redressement des finances publiques : Emmanuel Macron et François Fillon.

Et ils ont bien raison. Car, pendant que la fourmi allemande dégage pour la troisième année consécutive un solde budgétaire excédentaire (2014, 2015, 2016) et débat sur le juste partage d’une « cagnotte fiscale » de près de 20 milliards, la cigale française contemple ses pertes.

En dépit des mises en garde lancées il y a déjà douze ans par le « premier rapport Pébereau » (2005), la situation des finances publique française n’a jamais cessé de se dégrader.

Les gouvernements successifs se sont montrés impuissants à changer la donne. Y compris dans les années récentes : François Hollande avait annoncé 50 milliards d’économies sur trois ans (2015-2017) et c’est au final moins de 80% de cet objectif qui devrait être tenu.

Aucune méthode jusqu’à la dernière en date, les « revues des dépenses », chargées d’alimenter les propositions d’économies du gouvernement et des parlementaires, n’a vraiment porté ses fruits.

Dans un nouveau texte sous la bannière de l’Institut de l’entreprise et intitulé « Dépense publique : l’état d’alerte » (février 2017), l’ancien patron de BNP Paribas ne mâche pas ses mots et dit en substance ce que chacun pensait déjà tout bas: la France dépense toujours plus. Il note même un écart de 11,5 points de dépenses publiques par rapport à quatre principaux partenaires européens comparables, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne.

Si encore cet écart, qui s’est accru de 3 points entre 2010 et 2014, se justifiait par un différentiel favorable à la France en termes d’investissement public, cette propension pourrait être mieux admise. Mais ce n’est pas le cas.

La clé de l’écart entre la dépense publique française et celle de ses voisins de la zone euro réside ailleurs : il faut la chercher dans notre appétit pour les dépenses de fonctionnement (3,3 points de PIB de différence) et les dépenses sociales d’intervention (3,2 points de PIB).

En seulement quinze ans, la France est même devenue la championne toutes catégories de la dépense sociale (retraite, santé, famille…), avec 31% de son PIB selon l’OCDE.

François Fillon, qui prévoit de réduire de 100 milliards les dépenses publiques sur le quinquennat pour les ramener à 50% du PIB (contre 56,5% aujourd’hui) et Emmanuel Macron, qui a annoncé un plan d’économies de 60 milliards, ont pris acte de l’urgence.

 

Retrouver une trajectoire budgétaire équilibrée

Les différents leviers pour agir sur la dépense – masse salariale de l’Etat, indemnisation du chômage, réforme de l’assurance-maladie, collectivités locales, etc – sont bien connus des candidats.

C’est donc par la méthode et le « dosage » qu’ils entendent pratiquer que se fera la différence.

Car, avec une croissance qui tarde à décoller, le futur Président de la République ne pourra plus se contenter de recourir à une simple politique du « rabot », qui n’a d’ailleurs pas fait ses preuves. Il devra également se montrer capable avec son gouvernement et les élus de dégager des marges de manœuvre pour soutenir l’activité.

La marge de manœuvre budgétaire disponible, une fois trouvée, devra être affectée prioritairement au soutien de la croissance, ce qui passera par une augmentation des dépenses publiques d’investissement à orienter prioritairement vers l’objectif de montée en compétences et en qualification des salariés, ou encore celui de la transition écologique.

Dégager une telle souplesse dans les comptes ne sera cependant pas simple. Car les incertitudes sont nombreuses et pourraient peser lourdement sur l’équilibre dès le prochain collectif budgétaire. Elles s’ajouteront aux « coups partis », auxquels aucun gouvernement ne pourra se soustraire, à l’instar de la recapitalisation à venir d’EDF et Areva, que la Cour des Comptes estime à 7 milliards d’euros.

Avec une pareille épée de Damoclès au dessus de la tête, le nouveau gouvernement installé à partir de mai 2017 osera t-il d’ailleurs faire voter une loi de finances rectificatives, pour que la France reste bien sous les 3% ?

Rien n’est moins sûr.

Certes, les pistes sérieuses pour faire des économies (mutualisation de structures, nouvelle réforme des retraites, révision de la durée d’indemnisation du chômage, ou encore réduction du millefeuille territorial) ne manquent pas. Mais les experts le savent bien : il faudra du temps pour mettre en œuvre les réformes.

L’année 2018 risque donc d’être encore marquée par une « bosse » dans la courbe des finances publiques. En effet, dans l’hypothèse de la victoire d’un candidat réformiste à l’élection présidentielle en mai prochain, le budget de l’Etat subira d’importantes pertes liées aux baisses des prélèvements obligatoires sur les entreprises et les ménages, très partiellement compensées à court terme.

Une chose est sûre : les efforts à conduire pour enrayer la dérive des finances publiques françaises ne pourront en aucun cas être remis à plus tard. La procrastination budgétaire conduirait à une impasse alors qu’une remontée sensible des taux d’intérêt se dessine. Avec une conséquence inexorable, celle de la progression de l’endettement, qui a déjà atteint 2160 milliards en septembre dernier.

L’Agence France Trésor (AFT), qui gère la dette française, estime d’ailleurs qu’une hausse de 1 point de tous les taux d’intérêt entrainerait 2,4 milliards de charges d’intérêt supplémentaires pour l’Etat la première année ; 5,3 milliards la deuxième année et 7,4 milliards la troisième.

La France doit s’engager résolument dans une politique d’assainissement budgétaire.

Il s’agit de se conformer aux règles européennes bien entendu, même si rien ne s’oppose à nourrir l’ambition de les refondre, pour y introduire en particulier une meilleure coordination des politiques budgétaires des Etats utilisant l’euro.

Mais l’enjeu est aussi et surtout d’éviter de rejoindre le « club des cinq » pays de l’U.E affichant un ratio dette/PIB supérieur à 100% (Grèce, Italie, Portugal, Chypre, Belgique), pour lesquels le risque de défiance des marchés est déjà élevé.

 

Un programme crédible et méthodique de retour à l’équilibre budgétaire est, en définitive, le seul moyen pour notre pays de garder bien en main son destin, et de conserver la confiance des investisseurs.

 

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