logo_blanc
Rechercher

La France Veut-Elle La Peau Du Bitcoin ?

Désireux d’instaurer des garde-fous face à l’engouement suscité par le Bitcoin et consorts, le gouvernement semble avoir pris la mesure du phénomène et le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé la création d’une mission sur les cryptomonnaies présidée par l’ancien sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau. Une manière de placer la reine des monnaies virtuelles sous tutelle ?

A moins d’avoir passé les six derniers mois dans une grotte ou dans les nuages, difficile d’être passé à côté de la « hype » Bitcoin. Initialement réservées à une (infime) communauté d’initiés, les cryptomonnaies se sont démocratisées au point d’être maintenant accessibles à tous. Citons l’exemple de la plateforme Bitit – que vous pouvez (re)découvrir ici – qui permet à tout un chacun d’acheter du Bitcoin ou encore de l’Ethereum, autre monnaie numérique en vogue. Sans oublier la nouvelle étoile montante, le Ripple, ou encore l’ancien « tube de l’été », le Litecoin… en passant même par la messagerie instantanée Telegram… Autant de monnaies numériques qui suscitent l’attention de plus en plus croissante des autorités… mais pas que. Tout le monde semble avoir un avis sur la question, y compris les personnalités les plus éloignées, de prime abord, de l’univers résolument complexe de la Blockchain et autres ICO. Et pourtant ! La semaine dernière, la star de la télé-réalité, Nabilla Benatia s’est également prise de passion pour la reine des cryptomonnaies, en vantant les mérites d’une plateforme d’échanges pour particuliers sur son propre compte Snapchat. « C’est vraiment sûr, c’est vraiment cool et si ça vous intéresse vraiment vous pouvez y aller les yeux fermés », déclare-t-elle. Elle prend néanmoins soin de préciser : « si vous voulez essayer, faites-le avec eux parce que tout seul c’est pas pareil, on sait pas trop où on va ». 

Mais la jeune femme s’est rapidement faite taper sur les doigts par l’Autorité des Marchés financiers (AMF) dans un tweet cinglant. « Le Bitcoin c’est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l’écart ». Le gendarme de la Bourse répondant à Nabilla… improbable et révélateur de la folie ambiante.  C’est peu dire que le Bitcoin déchaîne les passions, tout le monde semblant avoir son avis, plus ou moins éclairé, à donner sur le sujet. Du ponte de la finance mondiale – Warren Buffet, jurant la main sur le cœur  qu’il n’investirait jamais dans le Bitcoin – à la star de la téléréalité « made in France », le Bitcoin est sur toutes les lèvres.  Les Etats eux-mêmes ont décidé d’agir.  Citons l’exemple de la Corée du Sud – pays au sein duquel les cryptomonnaies sont particulièrement prisées – qui a annoncé jeudi dernier qu’il prévoyait d’interdire l’échange de monnaies virtuelles. Provoquant du même coup une chute de près de 12% de la plus célèbres des « cryptocurrencies ». Pour rappel, le Bitcoin a vu sa valeur passer d’un peu moins de 1 000 dollars début 2017 à près de 20 000 dollars fin décembre, avant de réduire ses gains. Lundi, il s’échangeait à 14 058 dollars, en repli de près de 2,94% sur toute la journée.

Dans le viseur de Bercy

Mais la Corée du Sud n’est pas la seule à vouloir enrayer la dynamique – dangereuse à ses yeux – du bitcoin. La France, après avoir lancé plusieurs avertissements, notamment par l’intermédiaire du ministre du Budget et des Comptes publics, a annoncé une mesure concrète ce lundi 15 janvier : la nomination de l’ancien sous-gouverneur de la Banque de France à la tête d’une « mission de contrôle » sur les cryptomonnaies. « Nous refusons les risques de spéculation et les possibles détournements financiers liés au Bitcoin », a développé Bruno Le Maire. Réelle volonté de protéger les traders en herbe ou mise sous tutelle de ces nouvelles monnaies virtuelles ? Une stratégie qui n’a pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux. « Bitcoin sceptique », « énarque de 72 ans pour réfléchir au futur de l’économie », les dépréciatifs n’ont pas manqué, sur Twitter notamment.

Pour rappel, Jean-Pierre Landau, diplômé de HEC et de l’ENA, a notamment été administrateur pour la France au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale à Washington, de 1989 à 1993. Il a ensuite été nommé directeur de la Direction des relations économiques extérieures (DREE) du ministère de l’Économie et des Finances. Passé par l’Inspection des finances, il a aussi été administrateur pour la France à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). De 2006 à 2011, il a été sous-gouverneur de la Banque de France, membre du conseil d’administration de la Banque des règlements internationaux (BRI) et membre du Forum de stabilité financière. Divers états de service qui ont conduit les « néo-spécialistes » du Bitcoin à critiquer avec véhémence ce choix du gouvernement de « prendre la main » sur leur nouvelle marotte. Une manière de mettre les cryptomonnaies sous l’éteignoir ? « Ces monnaies virtuelles suscitent la défiance de tout ce qui est organisé et régulé. Le paradigme de base des cryptocurrencies est justement celui-ci : moins de centralisation, moins de régulation et plus de pouvoir entre les mains des utilisateurs », rappelait dans nos colonnes, Jean-David Bénichou, (véritable) spécialiste de la question.

« Terrorisme et trafic illicite »

Bercy justifie la création de cette mission par la volonté du gouvernement de protéger les épargnants mais également de se prémunir contre toutes les dérives potentielles. « On a besoin de régulation du Bitcoin (…) parce que c’est un actif spéculatif », qui « expose les épargnants », a confié à l’AFP une source de Bercy. Par ailleurs, « personne ne sait ce que ça finance », a ajouté cette même source, évoquant le « terrorisme » et le « trafic illicite ». Un « encadrement » plutôt qu’une interdiction pure et simple ? Tristan Colombet, PDG de DomRaider, l’une des premières entreprises françaises à avoir procédé à une levée de fonds en cryptomonnaies, estimait, toujours dans nos colonnes, que cette ingérence pourrait s’avérer bénéfique. « Je pense que c’est une excellente chose que les Etats se saisissent de la question dans une optique d’encadrement. Je vois cela comme une véritable avancée. Mais je suis, en revanche, plus dubitatif concernant un blocage complet, comme l’a fait le Maroc. Cette position ne peut être que temporaire car, à moins de couper purement et simplement l’accès internet à la population, il me semble difficile d’empêcher l’accès aux cryptomonnaies ». La suite au prochain épisode.   

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC