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Fabio Mancone : Repenser Le Marketing Dans La Finance

Fabio Mancone, repenser le marketing dans la finance

Après une carrière dans le domaine de la grande consommation, des cosmétiques puis de la mode, l’Italien Fabio Mancone s’est désormais fait un nom dans le monde de la finance. Arrivé en 2015 en qualité de Chief Branding Officer chez Lombard Odier, l’homme de 52 ans a revisité les codes discrets de la banque privée pour y incorporer ceux des marques de luxe, avec un regard résolument contemporain. L’équivalent d’une révolution au sein de cette institution bicentennaire, et dans le secteur tout entier.

 

À quoi a-t-on vu que Fabio Mancone était un homme venu du monde du luxe ? À son français maîtrisé, rythmé par un accent italien au charme légèrement suranné ? À son costume sombre taillé au millimètre ? À cette élégance naturelle qui émane de lui dans le grand salon de Lombard Odier où il nous reçoit, rue Royale dans le VIIIe arrondissement de Paris ? Non, rien de tout cela. Tout s’est joué au moment où il a pris place en face de nous dans un grand canapé. Quelque chose dans son attitude. C’est pour redorer l’ADN et l’identité d’une prestigieuse banque privée en y incorporant les codes du luxe qu’il a rejoint en 2015 Lombard Odier en tant que Chief Branding Officer – directeur de l’image de marque, en français –, un titre que regroupe en réalité toutes les activités marketing et communication du groupe.

Une communication innovante

Sous l’impulsion de Fabio Mancone, et en étroite collaboration avec les associés gérants, l’institution suisse, 223 ans cette année, a lancé en 2016 une vaste campagne de communication, révolutionnaire dans l’univers de la banque privée, intitulée « Rethink Everything », « Tout repenser ». « Il fallait reprendre tous les éléments historiques, les valeurs constitutives de la banque, et les adapter au monde d’aujourd’hui, explique Fabio Mancone. Les clients ont des exigences complexes, il était donc nécessaire de clarifier le positionnement de Lombard Odier. L’héritage et les valeurs fortes de la maison sont d’extraordinaires fondations sur lesquelles il est possible de bâtir une histoire pertinente. Les grandes marques de luxe se damneraient pour avoir un tel héritage. »

Changement climatique, épuisement des ressources naturelles, transformation digitale, à travers « Rethink Everything », Lombard Odier fait le choix de porter un regard nouveau sur l’actualité et son impact sur la finance et l’économie. En y associant une promesse, celle de ne jamais rien considérer comme acquis et de constamment remettre en question son offre dans un environnement en pleine mutation, pour le bénéfice de ses clients.

Innovation et durabilité sont les deux piliers de cette campagne percutante, inspirée par les contrastes. Les visuels sont épurés, composés d’une image audacieuse appuyée par un mot, une déclaration contrastée. Ici, un cerveau associé à l’adjectif « hacked » (« piraté ») : « Nous avons sorti ce visuel bien avant le scandale de Facebook avec Cambridge Analytica », glisse Fabio Mancone pour rappeler le timing heureux d’une publicité illustrant les potentielles dérives liées à l’exploitation des données personnelles. Là, le portrait de quatre enfants, estampé de la mention « shareholders » (« actionnaires »), souligne la responsabilité des adultes face aux attentes des générations futures en termes de développement durable.

Par le choix des visuels, par sa modernité et par ses sujets avant-gardistes, cette campagne a détonné à sa sortie. D’un coup, l’univers de la banque privée s’affichait, se dévoilait, lui traditionnellement si discret. Pour Fabio Mancone, l’objectif était double. D’une part, réaffirmer les valeurs de l’identité de Lombard Odier, qui évolue dans un domaine, la finance, dont l’image a été pour le moins, et à raison, écornée après la crise de 2008. Et d’autre part, séduire les nouvelles générations de clientèle, notamment sur les réseaux sociaux. « Si certaines personnes ont pu être interloquées, voire sceptiques, au départ, les clients nous ont très rapidement fait part de retours très positifs », affirme le Chief Branding Officer. La campagne et tous ses contenus spécifiques ont suscité une vague de connexions et un trafic peu commun dans le monde feutré de la banque privée. Depuis son lancement en septembre 2016, le nombre de visiteurs uniques sur le site a doublé et le trafic venant de France a été multiplié par six. De plus, la vidéo « Sustainable Revolution » a enregistré 1,2 million de vues. Sur les réseaux sociaux, le nombre de followers a triplé sur LinkedIn et Twitter en trois ans. Le compte Instagram Lombard Odier, ouvert en 2017, est leader dans son secteur.

Un parcours unique

Fabio Mancone sort diplômé de l’université LUISS à Rome en 1989. Deux propositions s’offrent alors à lui, chez Procter&Gamble et Unilever. « Entre le détergent et les crèmes glacées, je n’ai pas hésité longtemps », sourit-il. Il choisit donc d’intégrer le groupe Unilever à Rome en charge du marketing des glaces premium. Il en garde un souvenir émerveillé : « C’étaient des années formidables. Je travaillais pour une catégorie star du groupe, dans un pays où les glaces sont elles-mêmes des stars. » 

Avant de rejoindre la division parfumerie de L’Oréal en 2001, Fabio Mancone aura en tout et pour tout passé onze ans dans le secteur de la grande consommation. Après Unilever, il est débauché en 1997 par Kraft Foods et part à Zurich pour diriger la stratégie marketing de la branche confiserie et chocolat du groupe (Toblerone, Côte d’Or, Milka).

Les codes du luxe, Fabio Mancone a passé quelques années à les manier, pour en maîtriser les subtilités. En 2004, il entre chez Ralph Lauren en tant que directeur de la stratégie marketing pour l’Europe, le Moyen-Orient et la Russie. « Ralph Lauren était une marque qui souffrait d’une distribution trop large et pas toujours qualitative en Europe, comme cela arrive  d’ailleurs souvent aux marques sous licence », se souvient-il. Après le rachat des licences par la maison mère aux États-Unis, Fabio Mancone a revu le positionnement de la marque en la recentrant sur le haut de gamme. « Ralph Lauren, c’est un mythe. C’est un mélange entre le rêve américain et des références très vieille Angleterre », explique-t-il. Après Ralph Lauren, Fabio Mancone dirigera la communication et les licences de Giorgio Armani (lunettes avec Luxottica, parfums avec L’Oréal, montres avec Fossil) pendant plus de quatre ans.

Professionnalisme et discrétion

Fabio Mancone est une sorte de caméléon du marketing, capable de passer presque du jour au lendemain de l’agroalimentaire aux cosmétiques, puis à la mode, pour poursuivre dans la banque privée. Mais pour l’expert, ce n’est pas vraiment un grand écart : « Ce qui change véritablement, c’est le prix des produits et leur distribution », explique-t-il. Le défi à relever a été beaucoup plus grand lorsqu’il a rejoint Lombard Odier après dix années passées dans l’univers du luxe. « Un créateur ne s’adapte pas au public, c’est le public qui s’adapte à ses inspirations. La mode est un monde très fermé. Vos actions de communication ont peu à voir avec les politiques fiscales et monétaires du FMI ou de la BCE. C’est très différent dans le monde de la finance où vous êtes au cœur de l’économie et de la politique internationale. Vous devez être au courant et avoir un point de vue sur tout ce qui se passe dans le monde pour conseiller au mieux une clientèle très haut de gamme et très informée. J’ai encore beaucoup à apprendre de ce secteur », avoue Fabio Mancone.

Une chose au moins qu’il n’a pas à apprendre de Lombard Odier, c’est la discrétion. Difficile, même en insistant, d’en savoir un minimum sur la vie personnelle de cet homme au phrasé délicat. « J’ai toujours fait en sorte de séparer ma vie privée de ma vie professionnelle », se justifie- t-il. Tout de même, c’est cette vie personnelle qui l’a mené jusqu’à Genève. Il y a quatre ans, Fabio Mancone avait reçu l’offre d’une grande entreprise à Londres, mais il aurait fallu partir travailler aux quatre coins du monde et s’éloigner de ses attaches familiales. Il choisira de relever de nouveaux défis chez Lombard Odier, qui se montre sensible au bien-être personnel de ses collaborateurs et dont il avait beaucoup aimé la personnalité des associés gérants.

La trajectoire de Fabio Mancone est somme toute sans accroc. L’intéressé ne s’en dédouane pas et explique : « Mon parcours s’est forgé au fil des rencontres. C’est une histoire de liens qui se créent, de feeling. » Il s’est ainsi tenu ouvert à toutes les opportunités. En tout cas, il s’épanouit dans la banque et conclut : « Beaucoup de gens se demandent pourquoi je ne retourne pas dans la mode ou le luxe. Mais je suis très heureux chez Lombard Odier, un groupe engagé et visionnaire qui souhaite avoir un impact sur la durabilité de notre monde. Plus qu’un sujet à la mode, c’est un sujet crucial pour notre société.»

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