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Dollar : Trump Peut-Il Vraiment Agir Pour Le Déprécier ?

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Les reports successifs des surtaxes commerciales entre les États-Unis et la Chine concentrent le risque d’un ralentissement plus marqué de l’économie américaine au début de l’année 2020. L’impact négatif cumulé des négociations sur les tarifs douaniers est ainsi estimé à près de 0,7 point du PIB américain ces 6 prochains mois. Cette incertitude favorise le report des investissements, le durcissement des conditions commerciales et l’appréciation du dollar entamée depuis mars 2018. Sur cette période, le billet vert s’est apprécié de plus de 8%.

Paradoxalement, l’appréciation du dollar est observée dans un contexte d’élargissement du déficit commercial, d’inversion de la courbe des taux et de ralentissement mondial. Ces trois facteurs soutiennent généralement une dépréciation. Néanmoins, les différentiels de taux réels – les taux corrigés de l’inflation – demeurent favorables pour les investisseurs et rendent ainsi attractive la monnaie américaine.

Or, la hausse des liquidités liée aux politiques monétaires accommodantes accentuera cette tendance. Sur la dernière décennie, le montant de devises étrangères acheté a atteint plus de 1 trillion de dollars chaque année selon l’Institut Peterson. En moyenne, les montants atteignent le double des niveaux nécessaires pour permettre aux économies de stabiliser leur propre monnaie. Ces rachats créent des déséquilibres commerciaux qui favorisent structurellement un dollar fort.

Dans ce contexte, la possibilité de nouvelles interventions par le Trésor américain, pour affaiblir la monnaie américaine, est de plus en plus discutée. Le Trésor dispose déjà d’un fonds de stabilisation dont le montant excède 93 milliards de dollars et de la possibilité d’exécuter des swaps en euros et yens pour un montant de 20 milliards de dollars. Depuis 20 ans, les rares interventions étaient coordonnées avec les autres banques centrales. L’objectif était alors de racheter des devises étrangères. C’était le cas en 2000 pour mobiliser 1,5 milliard et contenir la dépréciation de l’euro, et en 2011 pour limiter la dépréciation du Yen après le tsunami en intervenant pour un montant proche du milliard de dollars. Or, l’absence de risque systémique exclut une nouvelle action coordonnée des banques centrales. Dès lors, l’intervention américaine deviendrait unilatérale.

Celle-ci nécessiterait la coordination du Trésor et de la FED, une acceptation politique et l’approbation du Congrès. Sur ce premier point, une solution serait de prêter des dollars au système bancaire chinois et ainsi favoriser son internationalisation tout en dépréciant la monnaie américaine. 69% des actifs étrangers détenus par les établissements financiers chinois sont libellés en dollars et leurs besoins augmentent chaque année. La vente de dollar pour acheter du Yuan afin de financer l’acquisition d’obligations chinoises ne serait pas dénuée de sens, mais cette opération contrasterait avec les tensions commerciales toujours à l’œuvre. En soi, il n’est pas exclu que l’annulation des surtaxes serait une solution plus aisée pour déprécier la monnaie américaine.

Par ailleurs, la profondeur et la liquidité des obligations américaines sont telles que les interventions devraient être massives pour avoir un effet sur la monnaie américaine. De ce fait, le Trésor devrait disposer de l’accord du Congrès, pour obtenir une ligne de crédit potentiellement illimitée, et de la coopération de la FED pour l’aider dans ses opérations, soit en réalisant des opérations similaires, soit en rachetant des actifs du Trésor. Deux situations déjà observées par le passé. La force de frappe du Trésor et de la FED pourrait alors excéder 150 milliards de dollars. Or, si le débat s’intensifie sur la politisation du comité de politique monétaire de la banque centrale, une coordination directe et affirmée avec le Trésor mettrait davantage à mal la crédibilité de la FED en particulier si ces interventions favorisaient la dépréciation de la monnaie et donc une hausse des prix aux consommateurs – ce qui serait contraire aux objectifs déterminés dans le cadre de son mandat.

Enfin, l’approbation du Congrès en plein année électorale serait difficile à obtenir. Ce dernier demeure toujours partagé entre la Chambre des représentants, majoritairement démocrates, et le Sénat majoritairement républicain. Une alternative existe et permettrait de ne pas inclure le Trésor et la FED. L’initiative du projet de taxation de Ms.Baldwin et M.Hawley propose ainsi de taxer de 50 points de base toute transaction couverte en USD afin de réduire le déficit commercial et équilibrer la balance des capitaux pour favoriser la stabilité financière. Néanmoins, d’une part un tel projet a déjà été mis en place dans d’autres pays avec des effets contrastés et limités sur la monnaie, d’autre part cela réduirait la profitabilité des banques américaines et serait mal perçu par Wall Street avec un risque de réduire la richesse financière des ménages américains donc leur potentiel de consommation (effet-richesse).

Si la possibilité d’interventions par les autorités américaines pour déprécier leur monnaie est devenue plus probable, celles-ci restent difficile à faire accepter politiquement et nécessiteraient des montants élevés pour espérer peser sur le dollar américain. L’annulation des surtaxes serait alors une solution plus efficace et moins coûteuse.

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