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Stéphanie Delpon (Pictoresq), Esthète En Chef

© Pictoresq

Après avoir « fourbi ses armes » en prépa littéraire suivie d’un passage en école de commerce en passant par Rothschild et un fonds d’investissement spécialisé dans l’énergie, Stéphanie Delpon est aujourd’hui l’une des deux têtes pensantes de Pictoresq, un duo créatif et artistique «  à visage humain », loin du logiciel des agences, simples exécutantes. La jeune femme s’évertue ainsi à proposer « de nouvelles histoires avec des gens qui nous ressemblent » à une industrie du luxe trop souvent engoncée dans son confort et ses habitudes.

« J’aime la complexité de la théorie mais je ne pourrais pas vivre sans me confronter au réel ».  Une phrase qui résume à merveille la personnalité et l’ambivalence de Stéphanie Delpon, 30 ans, maître-d’œuvre de Pictoresq et « conteuse » moderne d’une industrie du luxe qu’elle pousse dans ses retranchements, cette dernière cédant parfois à la facilité de l’habitude et du manque de créativité. Mais la jeune femme s’impose, depuis maintenant deux ans, avec son binôme Paul Saint Bris, à dynamiter un secteur peu enclin à se remettre en question.  « Mettre en scène un mannequin sur le Pont des Arts ou au beau milieu d’un champ de fleurs  le tout agrémenté d’une musique commerciale cela ne suffit plus. La prime à la créativité n’est plus une option », abonde fermement la jeune femme. Un diagnostic empreint de lucidité mais à la différence de moult agences, elles aussi enfermées dans la force de l’habitude, le duo prône, depuis 2015, une nouvelle manière de concevoir et de ciseler l’image des grandes marques. Aux antipodes des contenus institutionnels de « l’ancien monde », Pictoresq réinterprète l’image des marques avec « sa véritable signature ». Le duo, qui se revendique comme artisans, brille notamment par sa réactivité et son agilité. L’occasion également de briser le cou au poncif voulant que la créativité soit l’antithèse de la discipline et du cadre.

 « Paul et moi imaginons nos histoires ensemble. Nous avons les mêmes personnages qui nous hantent. Paul réalise et prend les photos, et monte. Nous nous définissons comme ‘Video First ‘. Tout est parfaitement maîtrisé et millimétré» souligne l’entrepreneure. L’autre élément indissociable de la « fusée Pictoresq » est l’authenticité. Le paradigme a changé. Le « schisme » entre l’industrie du luxe et ses mannequins photoshopés, surmaquillés et ses clients « de tous les jours » étant désormais acté, il convient de proposer des choses davantage en adéquation avec la réalité à laquelle Stéphanie Delpon faisait référence en préambule. Et c’est d’ailleurs la marque de fabrique de Pictoresq : mettre en scène des personnages peu familiers des spotlights. A l’instar de l’héroïne de la campagne « Nina Ricci » – voir ci-dessous – mise sur orbite par Pictoresq et dont le naturel devant la caméra confine à un véritable moment de grâce.  L’authenticité et l’humain comme quintessence du sublime.  « Une grande marque nous a, un jour, imposé un casting de mannequins professionnels et cela n’a pas pris. La fille qui pose et qui est hyper consciente de son image, nous on ne peut rien en faire », juge sans ambages Stéphanie Delpon.

La Quête – Nina Ricci from Pictoresq on Vimeo.

Louboutin, Lacoste, Eres, Nina Ricci, American Apparel…

Et cela marche, le duo pouvant se targuer d’un solide tableau de chasse, les plus éminents fers de lance du luxe ayant déjà accordé leur confiance à Pictoresq. Citons pêle-mêle Christian Louboutin, Eres, La Perla, Tory Burch, Nina Ricci, American Apparel, Mauboussin ou encore Lacoste, premier à avoir accordé sa confiance au duo. D’autres grands noms, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, font les yeux doux à Pictoresq et à Stéphanie Delpon qui garde la tête froide même si elle confie préférer travailler avec des marques américaines, ces dernières faisant la différence par leurs prises de décisions immédiates.  « Notre temporalité est en parfaite adéquation avec la mentalité américaine. C’est très concret. Lorsqu’on nous confie un projet, nous savons que nous allons pouvoir nous y atteler très rapidement. En France, lorsque nous nous sommes lancés, tout le monde voulait nous rencontrer, nous étions un peu les « New Kids on the block ». Mais en France les choses sont toujours un peu plus lentes et prennent du temps.», explique la jeune femme. Or, le duo atteint sa plénitude dans l’agilité et l’exécution immédiate.  Une posture gagnante pour le moment et pour Stéphanie Delpon qui demeure persuadée que l’avenir du luxe – et de ses égéries-  est entre les mains « des gens réels, ces gens qui nous ressemblent ».

« Une grande marque de lingerie avec laquelle nous allons prochainement travailler  a parfaitement saisi notre postulat et a fait état sa volonté de mettre en avant des filles plurielles. Car ces clientes peuvent être moi ou ma petite sœur mais certainement pas Gisèle Bundchen », confirme Stéphanie Delpon.  Si le succès est au rendez-vous, la jeune femme garde néanmoins les pieds sur terre et veille à ne pas se disperser, ne montrant que peu de goût pour « la croissance à tout prix » – « Nous préférons faire un million plutôt qu’en lever un et nous ne ne voyons pas diriger 200 salariés »- et voulant conserver sa liberté. « Bien entendu, nous avons été approchés par des agents et par des fonds mais nous voulons rester maîtres de notre destin ». Une maturité désarmante sans doute hérité d’un background à plusieurs facettes. Car, en effet, Stéphanie Delpon a eu le mérite de « toucher à tout » avant de construire l’univers Pictoresq dont on peut retrouver, par bribes, certains éléments de son parcours.

Un parcours multifacettes

La lucidité et le sang-froid dans un premier temps, sans doute hérités de sa passion pour la littérature et la philosophie. « Une aventure intellectuelle assez intense », se remémore-t-elle. Avant de se lancer en école de commerce où « l’état d’esprit » ne lui sied pas particulièrement au teint mais qui lui permet néanmoins d’avoir un véritable coup de foudre pour la finance. « Je trouvais que cela ressemblait par certains aspects aux systèmes kantiens », au point même de travailler, en stage, dans une salle de marché et, par la suite, chez Rothschild au sein d’un fonds d’investissement spécialisé dans l’énergie. « Je n’y connaissais pas grand-chose mais cela m’a captivée ».  Une première « partie de parcours » exempté du « démon de l’entrepreneuriat qui ne l’atteindra que plus tard, lors d’un séjour aux Etats-Unis où elle œuvre à l’émergence d’un ersatz de Silicon Valley à Miami. « Je n’avais jamais pris de cours d’entrepreneuriat à l’ESCP mais lors de cette expérience, toute cette énergie m’a grisée et m’a incitée à créer moi aussi mon propre destin ». Entre la théorie et le réel, Stéphanie Delpon a définitivement fait son choix.

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