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La Badira Ou Le Nouveau Challenge Du Luxe Hôtelier

À la tête de la Badira, nouvel établissement 5 étoiles d’Hammamet, Mouna Allani Ben Halima nous reçoit avec un sourire franc, l’œil qui pétille et une énergie communicative. Après la révolution de Jasmin, elle s’est engagée pour réformer la société tunisienne. Elle plaide pour ouvrir le marché du tourisme au luxe, dont la clientèle fait encore défaut. Rencontre au cœur de son hôtel, où la lumière est omniprésente.

 

Comment conciliez-vous entrepreneuriat et engagement dans la société civile ?

MOUNA ALLANI BEN HALIMA : En réalité, la concrétisation de la Badira est liée à mon engagement dans la société civile : j’ai fondé juste après la révolution une association, Bus citoyen, qui a sillonné la Tunisie entre 2011 et 2012. Ces deux années de pause professionnelle m’ont donné un sentiment d’accomplissement personnel mais aussi un nouvel éclairage sur la construction démocratique du pays.
J’ai découvert l’immense décalage entre nos injonctions à aller voter et la pauvreté extrême de certains Tunisiens pour qui le seul objectif était d’arriver à nourrir leurs enfants. Je découvrais à quel point les rêves de démocratie étaient ceux d’une élite, et qu’avant de convaincre le peuple tunisien à s’engager, il faut que leurs besoins basiques soient satisfaits.
Il fallait créer de l’emploi pour éviter le vote extrémiste ou populiste, et je fais partie des rares privilégiés qui peuvent investir dans l’économie, en l’occurrence dans l’hôtellerie de luxe. Parallèlement, je préside le comité Réseau entreprendre (fondé par André Mulliez, groupe Phildar) et m’investis activement dans d’autres associations qui soutiennent les jeunes porteurs de projet.

 

Pourquoi avoir décidé de construire un « 5 étoiles » ?

M.A.B.H. : La Badira montre un autre visage de la Tunisie, celui d’un pays qui a soif de changement, de reconnaissance, et qui refuse de continuer sur le modèle médiocre du temps de la dictature. Dans mon domaine, cela consistait à ne pas faire un copier-coller de l’hôtellerie moyenne gamme et « all inclusive » avec une clientèle « tour opérateur » qui renvoie une mauvaise image du pays. J’ai souhaité montrer que nous pouvions nous élever à un standard équivalent aux plus beaux hôtels dans le monde.

Comment définiriez-vous votre hôtel la Badira ?

M.A.B.H. : À l’image des palaces italiens ou égyptiens qui m’ont inspirée, la Badira ne se dépare pas de son authenticité. Je voulais qu’on se sente en Tunisie, et en particulier à Hammamet, célèbre pour sa lumière exceptionnelle qui a attiré au début du XXe siècle de nombreux artistes (Paul Klee, August Macke, Louis Moilliet…). La lumière sert de fil conducteur à une architecture et une décoration contemporaines où le code couleur est blanc, entre ombre et lumière, réchauffé par les matériaux locaux comme la verrerie, le bois (claustra) et la tapisserie qui font partie de nos savoir-faire artisanaux.

 

Avez-vous des concurrents ?

M.A.B.H. : Oui et c’est une bonne nouvelle. Je me réjouis d’avoir le Four Seasons qui ouvre à Tunis et le nouveau projet du Sofitel, car cela consolide notre positionnement dans le luxe où il faut être plusieurs pour attirer cette nouvelle clientèle. On ne peut pas rester longtemps tout seul comme un ovni, il faut être plusieurs.

Et que pensez-vous de la concurrence des autres modèles comme Airbnb ?

M.A.B.H. : Il ne faut pas réduire l’hébergement touristique aux hôtels, au contraire, nous avons besoin de cette diversité pour attirer  les touristes et casser le modèle mono-produit « all inclusive » qui enferme nos visiteurs.  Il faut faire prendre conscience aux Tunisiens de l’intérêt du tourisme : longtemps la population n’a pas ressenti d’intérêt pour cette économie, avec, au pouvoir, des conservateurs formatés anti-tourisme… mais cela change.

Dans ce contexte socio-économique, il faut beaucoup d’assurance pour investir 16 millions dans un projet hôtelier ?

M.A.B.H. : J’étais très proche de mon père que j’ai malheureusement perdu à 24 ans. Lorsque je me suis retrouvée avec la responsabilité d’un patrimoine hôtelier familial (le Tej Sultan à Hammamet), j’ai été énormément aidée par l’équipe de mon père. Même en passant par les grandes écoles comme c’était mon cas, on apprend en expérimentant. J’ai osé investir, parfois à contre-courant des conseils familiaux.
Cette liberté d’agir et de penser me vient peut-être d’une grande confiance en moi (rires), mais aussi de mon père qui m’a toujours fait confiance, et m’a très tôt traitée en adulte.

Le meilleur conseil professionnel que l’on vous ait donné ?

M.A.B.H. : Il vient d’un professeur à l’occasion d’un cours de « leading et managing ». À l’issu d’un test « profiling » où je me découvrais dans la catégorie des personnalités trop « carrés », il m’a conseillée d’avoir pour « bras droit » une personnalité complémentaire ou bien de travailler sur moi-même pour être à l’écoute de mes employés.
Cela a été déterminant car je prenais conscience que les ressources humaines, bien plus que les cours de finance ou de vente, étaient mon « fonds de commerce ». J’ai refait le test récemment… avec beaucoup plus de succès (rires).
 

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