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« Faiminisme » : Cuisine Et Dépendances

Faiminisme, de Nora Bouazzouni aux éditions Nourriturfu

« Faiminisme, quand le sexisme passe à table », est le premier ouvrage de la journaliste Nora Bouazzouni. Du champ à l’assiette, en passant par les magazines féminins et les fourneaux des grandes tables, l’auteure dénonce le patriarcat qui entoure la nourriture et la discrimination nutritionnelle.

Si les femmes sont plus petites que les hommes, ce n’est pas juste ainsi. « Le dimorphisme sexuel qu’on observe partout dans le monde (en France, par exemple, les femmes mesurent en moyenne 1,65m contre 1,80m pour les hommes) ne s’expliquerait donc pas par une différence biologique entre les sexes, mais par une ségrégation nutritionnelle millénaire et qui perdure dans toutes les sociétés », écrit la journaliste Nora Bouazzouni, s’appuyant sur la thèse de la socio-anthropologue Priscille Touraille. À cause de leurs menstruations, des grossesses ou de la prise en charge des nouveaux nés, les femmes auraient rapidement été reléguées au foyer, tandis que les hommes partaient à la chasse et s’octroyaient la plus grosse part du steak. Poussant la réflexion, Nora Bouazzouni fini par interroger : « Peut-on être féministe et carnivore ? »


Patriarcat et entrecôte

Dans son ouvrage « Faiminisme, quand le sexisme passe à table » –  très documenté (de rapports de la FAO, de l’ONU, à des études de sociologues, d’anthropologues…) – elle interpelle : « Quel rapport entre le patriarcat et une entrecôte ? Où se cachent les cheffes ? L’agriculture est-elle une affaire de mecs ? Avec ce livre, nous tentons d’expliquer par le menu comment nourriture, sexe et genre féminin demeurent intimement liés et comment l’alimentation a toujours permis d’asservir les femmes. »

Nora Bouazzouni retrace un patriarcat culturellement construit dans lequel les femmes, pourtant affublées d’une fonction nourricière, ne sont que dominées par les hommes quand il s’agit de nourriture : faire les courses et la popotte à la maison, mais aussi dans les champs où il a fallu attendre 1999 pour que les paysannes obtiennent la reconnaissance de leur travail « grâce au statut de conjoint collaborateur », et bien entendu, dans les magazines féminins où l’on abreuve les femmes d’injonctions contradictoires et derrière les fourneaux des établissements étoilés, dont les chefs sont à 94% des hommes. Depuis l’époque de la chasse et de la cueillette à l’époque des selfies sur Instagram, nourriture et place de la femme se retrouvent dans une drôle de marmite.

Poulette, tigresse, panthère, lionne, cougar

On peut regretter l’accumulation de petites phrases – « C’est limite dans nos gènes de savoir préparer une blanquette » – qui alourdissent inutilement un propos dont l’exposition des seuls faits suffirait à porter la cause. Comme ce témoignage rapporté d’une jeune femme élève à l’école Ferrandi, qui subit « humiliations quotidiennes, mains baladeuses, insultes sexistes, menace » et qui s’entend répondre : « il faut que tu t’habitues, ce sera comme ça toute ta vie. » Le propos derrière est riche, interroge nos manières de vivre : « À quel âge révèle-t-on aux enfants que la viande qu’on leur sert est, en fait, le cadavre d’un cochon, d’une vache ou d’un mouton ? Et pourquoi leur cache-t-on la vérité pendant si longtemps ? Parce qu’ils refuseraient probablement d’en manger s’ils la connaissaient. Parce que la justification et la normalisation du régime carné sont des constructions tout aussi culturelles que le patriarcat. »

Représentation de la femme, obésité, anorexie, partage des tâches, éducation… Tout passe à la casserole. « Faiminisme » interroge également nos manières de penser : « il faut que la femme redevienne le sujet, et non plus l’objet. Que l’on arrête de l’animaliser pour la réduire à un être sacrifiable, consommable, avec force surnoms connotés (gazelle, dinde, pintade, truie, chienne, bichette, cocotte, cochonne, grosse vache, belette, poulette, tigresse, panthère, lionne, cougar…), en découpant son corps au cinéma, dans la presse, à la télévision (gros plan sur les seins, les jambes, les fesses, tags porno précis) comme le boucher morcelle celui des animaux morts (poitrine, cuisse, jarret, escalope…). »

Faiminisme, quand le sexisme passe à table de Nora Bouazzouni, éditions Nouriturfu 2017

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