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Sobriété numérique et metavers : l’alliance impossible

Pixnio-creative commons

Le metavers, révélateur de l’hycrpocrisie des entreprises en matière de responsabilité 

Il y a quelques jours, Procter & Gamble se félicitait sur LinkedIn de son incursion dans le metavers consistant à valoriser sa marque Monsieur Propre en faisant jouer les internautes à faire le ménage. Le post de la responsable e-commerce & transformation digitale annonçant cette nouvelle avec fierté, s’est littéralement fait lyncher sur le réseau social professionnel, recevant près de 1500 commentaires outrés dénonçant la futilité de ce type d’opérations, et surtout son incohérence totale avec la responsabilité affirmée des entreprises qui la portent (Carrefour et P&G). La première des réactions et non des moindres, est celle Jean-Marc Jancovici, défenseur infatigable de la sobriété énergétique et président du Shift Project. Il rappelle que le digital contribue de plus en plus fortement aux émissions de gaz à effet de serre et que la sobriété numérique ne semble pas compatible avec le fait de vouloir amener des gens à jouer en ligne avec une bouteille de détergent virtuelle. Que dire alors de cette autre marque qui plante des arbres virtuels dans le metavers pour soi-disant sensibiliser à la protection de l’environnement ?

Totalement inutile, cher et consommateur d’énergie, comment de telles opérations peuvent-elles naitre aujourd’hui dans les têtes de responsables digitaux ou de communication ? Comment peuvent-elles être validées par des managers et décideurs d’entreprises cotées, à la politique RSE pourtant active et brandie comme un étendard ?

Bien sûr, les services numériques contribuent en partie à réduire nos émissions de CO2, mais ils n’en ont pas moins un impact environnemental certain. En plus des impacts sur les ressources naturelles, en particulier les métaux stratégiques, les services numériques seraient responsables de 2,5% de l’empreinte carbone de la France et représenteraient 10,3% de la consommation d’électricité française (selon l’Ademe). Dans ce contexte et à la suite de la loi du 15 novembre 2021 qui vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France ou encore de la Loi Climat et Résilience du 22 aout 2021, tous les services digitaux de l’Etat, des collectivités mais aussi des entreprises sont amenés à revoir leur stratégie dans ce domaine pour l’orienter vers plus de sobriété. Par choix ou plus souvent par obligation, la majorité des entreprises se sont engagées à baisser leurs émissions de manière générale pour s’inscrire dans la trajectoire fixée par l’Accord de Paris (et faire des économies en cette période de disette énergétique). Leurs équipes SI et digitales sont de plus en plus sollicitées pour contribuer à l’effort consenti par d’autres services (production, achats, transports, etc.) pour atteindre ces objectifs.

Et si on réfléchissait un peu ?

Le metavers impose donc de réfléchir avant de se lancer. Au-delà de la réalité des audiences, des possibilités offertes et de l’objectif des marques d’investir un espace de plus (encore un !), l’utilisation du metavers est bien plus problématique qu’une simple campagne digitale dans la mesure où il impose des devices en plus (casque, manettes, capteurs…) donc encore plus d’extraction en amont et de pollution en fin de vie, avec un rythme de renouvellement rapide, sans compter d’énormes ressources en cloud. Et n’oublions pas les impacts sociaux et sociétaux en plus des impacts environnementaux : le metavers c’est d’abord un brassage de data considérables, dans un espace aujourd’hui non régulé, où les choix éthiques des Sandbox, Decentraland et autres peuvent être tout à fait problématiques. Les marques sont les clientes de ces acteurs du metavers et portant, y a en-t-il une seule qui se soit renseignée sur la politique éthique de ses acteurs avant d’y aller ? Elles ont le pouvoir de faire pression et de s’assurer que ces univers se développent dans le respect des droits élémentaires et pourtant, elles abandonnent complètement leurs prérogatives sous l’emprise de la nouveauté et de l’appât du gain (en tout en cas en termes d’image, le reste tardera vraisemblablement longtemps avant de venir). Elles se conduisent comme des adolescents qui boivent leur premier verre : étourdissement et bêtise à la clé.

Le metavers comme internet d’ailleurs, n’est qu’un outil et non une fin en soi. Un outil n’est rien sans l’humain qui s’en sert. C’est à lui que revient la décision consciente et réfléchie de l’usage souhaitable d’une innovation ou d’une autre. Espérons que les responsables aux manettes des décisions stratégiques des marques le comprendront rapidement afin de rester cohérents avec leurs engagements RSE, sous peine d’afficher une dissonance qui ne passera pas inaperçue auprès de leur public, dont la confiance est déjà largement échaudée en la matière.

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