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The Camp, Un Autre Futur Se Construit En Provence

The Camp a été inauguré le 28 septembre à Aix / Audrey ChabalThe Camp a été inauguré le 28 septembre à Aix / Audrey Chabal

The Camp est un lieu hybride, à la croisée des chemins entre incubateur, campus, FabLab… Inauguré jeudi 28 septembre à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), The Camp se présente comme un tiers-lieu pour permettre les rencontres et l’émergence d’idées pour la société du futur.

Ils ont fait connaissance sans un mot. Un « bal du silence » pour tisser des liens. Pour communiquer, le langage corporel et des objets mis à disposition au centre d’une salle. Laisser parler la créativité. Vingt jeunes, entre 16 et 30 ans, ont intégré mercredi 27 septembre The Hive (la ruche en Anglais), un programme de six mois durant lequel ils pourront créer. Quoi ? Ils ne le savent pas encore. À l’image de The Camp, le lieu qui les accueille, tout est en construction. Un « work in progress » permanent qui rend difficile la définition de The Camp, inauguré jeudi 28 septembre à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) : lieu hybride, tiers-lieu, incubateur… « Un camp de base pour explorer le futur », comme les campeurs aiment le nommer. C’est ainsi que l’a pensé son créateur, Frédéric Chevalier, entrepreneur à l’origine de HighCo, disparu en juillet dernier dans un accident de moto et dont l’ombre plane sur le campus comme une cape bienveillante. Comme la canopée de 7000 m² et 10 mètres de haut. Un parasol blanc, en fibres synthétiques qui a la double fonction de protéger de la lumière et de récolter l’eau de pluie pour alimenter les jardins. Un bâtiment vertueux, pensé pour utiliser peu d’énergie, mais pour la faire circuler.

The Circle

Pour arriver à The Camp, désormais présidé par Jean-Paul Bailly, il faut s’enfoncer dans la garrigue aixoise. Traverser la poussière sèche du calcaire, sentir la pinède envahir les narines. Entre la montagne de la Sainte Victoire et une forêt classée, en 18 mois, un ovni est sorti de terre : treize cylindres de béton et de verre de deux niveaux entre lesquels l’air et la lumière circulent. « Le cercle permet cette fluidité », souligne Corinne Vezzoni, l’architecte des lieux qui épousent la garrigue sur sept hectares. « Partout où l’on regarde, il y a des échappées visuelles », poursuit celle qui a pensé un bâtiment avec un faible impact sur la nature environnante. Le campus est installé sur un terrain vague à 15 minutes d’Aix-en-Provence et se love dans la déclivité de la pente pour embrasser ses courbes. L’inspiration de The Circle, ou de Apple Park, est évidente, assumée, primordiale même, tant le projet de The Camp se veut à la fois implanté dans le territoire, dans le concret de la transformation écologique, et tourné vers le futur, un futur à inventer, mais inspiré des méthodes de la Silicon Valley.

« Frédéric Chevalier voulait un lieu pluridisciplinaire, transgénérationnel, pour se former au monde de demain », raconte Antoine Meunier, responsable de la communication de The Camp. L’idée est née il y a quatre ans, partant du constat qu’un lieu de rencontres, d’échanges, de création et de savoirs autour des thématiques émergentes n’existait pas encore. Scolaires, grands groupes, artistes, petites et moyennes entreprises, start-up, chercheurs, militants se rencontreront sur ce site. « Le seul critère pour venir est de vouloir explorer l’avenir », précise Antoine Meunier. Plusieurs programmes sont ainsi proposés : accélérateur, formation continue, résidence…

« Modèle d’artisan » et spin off

Comme un autre campus de start-up, Station F, ouvert en juin dernier à Paris, The camp proposera ses programmes d’incubation, d’accélération et d’intrapreneuriat. Mais à la différence de Station F, The Camp souhaite promouvoir « un modèle d’artisan, plutôt que de volume », selon Sofiane Ammar, responsable start-up pour The Camp, et directeur de l’incubateur Village By CA qui finance à hauteur de trois millions d’euros le programme d’incubation. L’incubation se concentrera sur « quarante start-up en early stage par an », et The Camp récoltera « 3 à 5% du capital » de la jeune pousse incubée sur place. L’accélération poussera de jeunes entreprises un peu plus matures à se déployer en France ou à l’étranger, The Camp prenant 15 à 40 000 euros pour une expérience de « learning expedition ». Enfin, l’intrapreneuriat permettra à des salariés de grands groupes de venir dans le start-up studio de The Camp tester leur idée. Un programme de 200 à 300 000 euros, à la charge de l’entreprise. Pourquoi un tel investissement sur un employé susceptible de quitter l’entreprise une fois son idée peaufinée ? « Gmail a été conçu par un employé de Google qui avait eu du temps à disposition », répond Sofiane Ammar qui espère voir fleurir les « spin off » des grandes entreprises françaises.

Avec ce programme se dessinent les contours du modèle économique de The Camp, un projet public (Région PACA, département des Bouches-du-Rhône, la métropole Aix-Marseille, la chambre de commerce) et privé (Accenture, AccorHotels, Air France, Cisco, CMA CGM, Crédits Agricole, Groupe VYV, La Poste, Maïf, SNCF gare et connexions, Sodexo, Steelcase, Vinci) financé à hauteur de 80 millions d’euros : 40 millions d’euros pour le bâtiment, 40 millions pour les premières années de fonctionnement, jusqu’à arriver à l’équilibre en 2020. Une somme qui ne paraît pas démesurée pour une structure qui emploie 67 salariés et dont l’accueil de certains publics lui coûte de l’argent, à l’image des jeunes artistes du programme The Hive, nourris, logés, blanchis et financés pendant six mois sur place. « L’argent ne doit pas être un critère pour venir puisque l’idée est de mélanger tout le monde », souligne Antoine Meunier de la communication.

Bleu de travail

Laureline, française de 27 ans, designer objets, Walid, tunisien de 22 ans, technicien son, et Pape, cinéaste de 24 ans du Sénégal portent fièrement leurs bleus de travail qui permettent de repérer les vingt jeunes participants de The Hive. Arrivés la veille, ils sont tous animés du même enthousiasme : « la diversité des profils, le fait de travailler en commun, d’apprendre des autres, de construire quelque chose pour les générations futures », souligne Laureline. Pendant six mois, ils vont mettre de côté leur projet personnel pour s’atteler ensemble à la réalisation d’un prototype commun. Ces vingt jeunes aux compétences multiples ont été sélectionnés parmi 200 candidatures. « Ils ont carte blanche, mais doivent présenter quelque chose qui fonctionne à la fin de ces six mois », précise Sylvia Andriantsimahavandy, codirectrice de cette ruche. Deux contraintes : participer à la vie du campus en interagissant avec les visiteurs, et réaliser leur projet sur une des cinq thématiques perçues comme les grands challenge de demain par l’équipe de The Camp, en consultation avec des « millenials » : protection des océans, mobilité, qualité de vie, éducation et empowerment.

Lancé en juin, le premier challenge a déjà permis de mettre autour de la table les activistes qui luttent pour la protection des océans. « Ils ne sont pas d’accord sur la manière d’agir, mais ils s’accordent sur le fait qu’il faut traiter la cause », explique Marina Rachline, responsable des grands challenge. Si The Camp avoue ne pas avoir inventé le fil à couper le beurre avec cette première proposition, la jeune femme souligne que pour la première fois, ces personnes qui ont le même objectif, mais travaillent habituellement dans leur coin, se sont réunis dans un même espace. Un lieu neutre. En novembre, les activistes seront rejoints par des grands groupes concernés par le sujet, des scolaires, des artistes… Ce sera alors le moment de trouver et mettre en œuvre des solutions concrètes.

Partage d’énergies

Du concret, roulant et cahotant sur les routes de garrigue, il y en a avec le Lab géré par Benoît Bailliart. Les voitures électriques de la start-up XYT, légos multicolores fonctionnant aux batteries lithium, testent le trajet entre la gare et The Camp. À terme, le projet Solar Camp devrait regrouper les énergies de XYT, Vinci, Accenture et la gare TGV pour proposer une expérience globale : permettre à tous les utilisateurs de voitures électriques garées sur le parking de la gare TGV d’Aix-en-Provence empruntée par 4 millions d’utilisateurs de revendre le surplus d’énergie électrique pour éclairer la gare, voire faire démarrer des trains. En échange, le voyageur sera rémunéré en monnaie virtuelle, grâce à la Blockchain, à dépenser dans l’enceinte de la gare. Objectif : rendre la gare énergétiquement autonome et favoriser les transports doux. « Plusieurs terrains de jeu nous sont ouverts par nos partenaires, comme la gare d’Aix, le port de Marseille que nous voulons entièrement piétonniser, le quartier Euromed… », indique Benoît Bailliart. Le Lab va effectuer une étude auprès de 20 000 personnes pour comprendre ce qui les inciterait à ne plus utiliser leur voiture.

« Apprendre en faisant »

« Learning by doing », c’est peut-être le principal credo de The Camp qui souhaite tester des idées, avant de les appliquer à plus grande échelle. Loin de se positionner comme un substitut d’université ou d’école, The Camp propose de nombreuses formations et expériences d’apprentissage, des enfants aux adultes. Pour ces derniers, François Creton propose « une acculturation ». Le « pass », dont il a la charge, 28 ateliers de 24 heures sur place autour de thèmes tels que l’anthropocène (ère géologique qui se distingue par l’empreinte de l’homme) ou  l’intelligence artificielle. Des thématiques abordées par des experts du secteur. Ce pass s’adresse aux salariés, « trans-métier et trans-hiérarchique ».

« Il y a aujourd’hui une maturation et une compréhension de ces thématiques et ces manières de faire », remarque François Creton, bien conscient que le projet The Camp arrive au bon moment. Les grands groupes souhaitent de plus en plus « casser les silos », mettre en place des « stratégies d’open innovation » ou encore travailler en « méthode agile ». Autant de schémas « disruptés » dans ce tiers-lieu qu’est The Camp. Dès 2018, les générations futures, primaires et collèges, pourront effectuer des sessions sur le campus pour apprendre à construire le monde de demain, différemment. Un projet qui est encore nébuleux, parce qu’en invention, mais dont la mise en route enthousiaste laisse espérer qu’il ne se transformera pas en une belle idée fumeuse.

 

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