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Sébastien Borget, cofondateur de The Sandbox : « Pour que le metavers apporte réellement de la valeur, les marques ne doivent pas reproduire ce qui existe dans le monde réel. »

SandboxSébastien Borget, cofondateur et COO de The Sandbox.

Selon le Blockchain Game Report du 3ème trimestre 2021 de DappRadar, le marché de la blockchain a connu une croissance de 509% par rapport à l’année précédente, dont près de la moitié captée par les jeux vidéo ayant recours aux NFTs. Et les récentes annonces de Facebook – devenu Meta – misant sur le metavers, ont largement contribué à cet engouement. C’est en tout cas ce que partage Sébastien Borget, cofondateur de The Sandbox, dans un entretien pour Forbes France. Le jeu basé sur le metavers multiplie les partenariats avec des marques de renom (Adidas, Walking Dead, Snoop Dogg …) et a réussi à lever 93 millions de dollars en 2021.

 

Comment vous est venue l’idée de créer The Sandbox ?

Sébastien Borget : Je suis entrepreneur depuis près de 14 ans maintenant et The Sandbox est la troisième entreprise que j’ai créée avec Arthur Madrid, mon cofondateur. Après la revente de notre société de jeux mobiles en 2018, nous avons continué sur notre franchise la plus populaire The Sandbox. À l’origine, c’était un jeu en 2D en ligne qui permettait de créer des cartes de type Pixel Art.

Le jeu a très vite eu un franc succès et il compte aujourd’hui 4 millions de téléchargements et plus de 70 millions de maps. Mais nous nous sommes rendus compte ensuite qu’il est difficile de garder un joueur dans le temps seulement en misant sur la promesse de reconnaissance des créateurs. Nous n’avions d’ailleurs aucun moyen technique de partager une partie du revenu des contenus créés, notamment à cause de la fermeture des systèmes Google Play et Apple Store.

En 2017, nous avons découvert la blockchain utilisée dans le jeu CryptoKitties, qui permettait d’acheter des produits à l’aide de NFTs (Ndlr : non-fungible tokens). Nous avons donc testé cette technologie pour permettre à nos créateurs de monétiser le contenu qu’ils créent. Ainsi, à la fin de l’année 2017, une nouvelle version de The Sandbox a été lancée : un jeu en 3D multiplateforme qui utilise les NFTs dès le départ.

 

Si vous deviez expliquer simplement Sandbox à une personne non initiée au metavers…

Si je devais définir le metavers, je dirais que c’est un monde digital parallèle qui permet, par l’intermédiaire d’un avatar 3D, d’accéder à de nombreuses expériences immersives. The Sandbox est un monde virtuel de gaming en metavers ouvert où les créateurs détiennent leur propre map, leur propre terrain et leur monnaie. Ils sont donc souverains et leurs NFTs peuvent être utilisés en externe.

Notre modèle économique se base donc principalement sur la vente de terrains virtuels appelés « lands ». Nous comptons aujourd’hui plus de 18,500 possesseurs de lands (pour un total de 166,464 lands) et nous recevons un pourcentage des royalties sur les transactions effectuées entre utilisateurs. L’avantage par rapport aux metavers proposés par Facebook, Microsoft ou encore Roblox, c’est que nos créateurs peuvent percevoir la valeur de leurs créations sans être coincés à l’intérieur de notre plateforme.

Les NFTs annoncent l’avènement d’une nouvelle économie numérique car ces assets peuvent être à la fois utilisés pour renforcer l’expérience de jeu mais aussi vendus dans une marketplace externe. Nous contribuons à la naissance du « play-to-earn » qui transforme le temps de jeu en argent. Mais cela n’en fait pas pour autant un jeu d’argent en tant que tel.

 

Comment pouvez-vous définir la valeur réelle créée grâce au metavers ?

La valeur réside dans le temps passé à créer des assets ou des expériences immersives. Concrètement, un monde virtuel est au début complètement vide : il faut créer des bâtiments, des jeux, des musées ou encore des galeries d’art par exemple. Nous inversons donc la relation entretenue entre les marques et leurs fans – que je refuse de qualifier de consommateur par ailleurs – en incitant ces dernières à récompenser les joueurs pour leur engagement.

Pour les marques de luxe par exemple, ce qui compte en général n’est pas vraiment le produit mais l’expérience qui est traduite par l’entrée dans l’univers de la marque. Le metavers leur laisse la possibilité de se rapprocher de leurs fans, leur accorder plus d’attention et les récompenser pour le temps qu’ils leur consacrent. De plus, ce monde virtuel offre une esthétique sans limite qui ne se résume pas aux matières comme le coton ou le cuir. Les marques peuvent se réinventer pour fidéliser leurs communautés.

Mais pour que le metavers apporte réellement de la valeur, les marques ne doivent absolument pas reproduire une copie conforme des produits et expériences existants dans le monde réel. Détenir un NFT signifie faire partie d’une communauté et les marques doivent avoir ça en tête si elles veulent adhérer pleinement à cette nouvelle culture et tous les codes esthétiques qui en font partie.

 

Est-ce que la course au metavers ne risque pas d’engendrer le gonflement d’une bulle spéculative à l’image d’Internet dans les années 2000 ?

Oui et tous les NFTs ne sont d’ailleurs pas valorisables. Si il n’y a pas d’audience, il n’y a pas de valeur et l’engouement autour du metavers a fait que certaines communautés se sont fondées sur des bases plus solides que d’autres. Un NFT reste un contenu numérique et il n’a pas en lui-même plus de valeur que ce que la communauté lui a accordé.

Prenez par exemple un restaurant à Paris : si je n’y crée pas d’expérience, il ne sera logiquement pas fréquenté. C’est la même chose pour les lands dans le monde virtuel qui ne doivent pas se résumer à un affichage publicitaire statique. Nous proposons de transformer les messages en expériences immersives gamifiées.

En résumé, la valeur d’un NFT dépend de la manière dont il est utilisé et l’expérience qui en découle. La rareté n’est donc pas la seule valeur, même si de nombreuses guildes ont aujourd’hui fait de ces NFTs gaming leur business. Blackpool est par exemple un fonds décentralisé spécialisé dans le calcul du retour sur investissement concernant ce type de NFTs.

 

Le fait de monétiser les jeux collaboratifs ne comporte-t-il pas des risques de dérives ?

Effectivement et je pense qu’il faut bien penser à l’utilisateur en premier plutôt que la valeur qui peut en être tirée. Combien de fois avons-nous vu cette sursollicitation dans les jeux free-to-play qui consiste à convaincre les utilisateurs au premier achat en faisant miroiter un faux dernier jour de promotion ? Ce type d’« in-app marketing » ne fait pas partie de nos pratiques.

Il y a également le fait de verrouiller tout le système économique tout en étant étanche aux marketplaces externes. Par exemple, si vous décidez de vous débarrasser de votre contenu sur Roblox, ce dernier ne vous reverse que 30 % de la valeur.

Il y a de nouveaux métiers qui sont créés chaque jour autour de cette économie : des architectes aux game designers en passant par les animateurs, hosts ou encore les agents immobiliers virtuels chargés d’animer les lands. Nous comptons aujourd’hui 18500 landowners mais pas assez d’architectes. À titre d’exemple, dans The Sandbox, il y a des personnes qui gagnent 10 000 euros par mois en construisant des mondes virtuels.

 

Pour autant, les grands éditeurs de jeux vidéo ne semblent pas tous convaincus par l’engouement autour du blockchain gaming…

Nous avons à ce jour plus de 200 marques partenaires, dont Atari et d’autres studios de jeux vidéo à venir. L’intérêt pour elles est de pouvoir réduire l’intermédiaire car elles n’ont plus besoin de l’AppStore ou Google Play pour mettre en avant leurs contenus. Les marketplaces elles-mêmes deviennent des lieux de découverte.

 

 

Pour revenir à la citation de Tim Sweeney, fondateur et CEO d’Epic Games, qui décrit le secteur comme un far west : ce n’est en réalité pas si différent de ce que nous avons connu aux débuts d’internet ou des jeux flash par exemple. Ce qu’il faut voir, c’est la qualité des projets et des équipes derrière ainsi que veiller à ce que les utilisateurs gardent la mainmise sur les données qui sont récoltées à leur égard.

Des centaines de milliers de personnes sont engagées pour remettre en question les comportements et la manière dont les plateformes du web 2.0 ont été pensées. Ce web 2.0 a peu bougé et la promesse d’un web 3 a provoqué des fuites de cerveau directement chez Google ou Microsoft. Si ce web 3 est bien fait, il permettrait à l’utilisateur plus de pouvoir et de responsabilité. Je crois que l’innovation est un lieu d’expérimentation et de compétition saine qui va faire naître les futurs acteurs technologiques de demain.

Pour ce qui est des annonces de Meta sur son nouveau metavers, je n’y vois aucun changement de business model ou bien de prise de risques. Les vidéos et messages promotionnels montrés ne sont en réalité pas très excitants mais ils ont joué un double rôle : cela a généré un phénomène de curiosité mondiale autour du metavers et tous les acteurs du secteur comme Sandbox en ont bénéficié.

 

Vous êtes également président de la Blockchain Game Alliance, quelles sont ses missions ?

La Blockhain Game Alliance réunit 300 membres de l’industrie comme des plateformes, des studios, des marketplaces, … Le but est d’éduquer et mettre en avant les usages de la blockchain au sein du jeu vidéo. Au début, nous étions seulement 8 membres dont Ubisoft, puis d’autres nous ont rejoint comme Atari, Gameloft et plusieurs fonds d’investissement.

 

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