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Ornikar : L’Auto-École En Ligne Devenue Pépite De La French Tech

©Getty Images

Ils avaient pour ambition de mettre fin « à la galère du permis de conduire » et de proposer une alternative en ligne – moins coûteuse – à l’examen le plus passé en France. En donnant vie à 24 ans au projet Ornikar, Benjamin Gaignault, Alexandre Chartier et Flavien Le Rendu, n’avaient pas pris conscience qu’ils étaient en train de disrupter l’un des secteurs « les plus archaïques et corporatistes du pays », confient les jeunes entrepreneurs désormais à la tête d’une start-up qui, chaque année, triple son chiffre d’affaires au même titre qu’elle multiplie par trois le nombre de ses clients apprenants.

Neuf procès plus tard, la jeune pousse a réussi à imposer son modèle prospérant à la faveur de la loi Macron, votée en 2015, et qui a ouvert la voie aux écoles de conduite 2.0. Désormais, Ornikar fait partie du club des « 10 pépites des pépites » distinguées par l’édition VivaTech 2018. La start-up vient de boucler une levée de fonds de 10 millions d’euros et regarde à présent du côté de ses voisins européens.

Pourriez-vous revenir sur la genèse du concept Ornikar ?

Benjamin Gaignault : « Ornikar est un projet qui a vu le jour en décembre 2013 au détour d’une discussion entre trois amis. Dans notre cercle, nous avions beaucoup de relations « en galère » à cause de leur apprentissage de la conduite : passer le permis engloutissait leurs économies et les modalités de formation ne s’accommodaient franchement pas avec leurs modes de vie. De fil en aiguille, Flavien Le Rendu, Alexandre Chartier (ce-dernier a quitté la société depuis, ndlr), et moi-même, avons commencé à nous intéresser au sujet. Nous avions vu une étude qui plaçait le permis de conduire en tête des examens les plus passés de France, avec un million de candidats chaque année. De fait, nous nous sommes lancés dans cette aventure entrepreneuriale afin de développer une auto-école en ligne qui soit en mesure de placer le numérique au cœur de son modèle. Et ce, dans un souci d’adéquation avec les attentes du marché. 

Concrètement, comment passe-t-on son permis de conduire en ligne ?

B.G. : La démarche est très simple : l’apprentissage du permis commence par la maîtrise du code de la route dont les enseignements se font en ligne à travers une interface proposée en accès illimité pendant 12 mois. Cours de code, séries d’entraînement et inscription aux examens sont inclus dans le package pour un tarif dix fois moins cher qu’en auto-école traditionnelle. Nul besoin de se rendre dans un local d’auto-école physique. Après le code, place à la conduite ! Nous avons créé un réseau d’enseignants de la conduite diplômés qui disposent des mêmes qualifications et des mêmes véhicules à double commande que leurs pairs en établissements traditionnels. Ainsi, les élèves ont la possibilité de réserver leurs cours depuis le site Ornikar. Nous couvrons aujourd’hui plus de 300 villes en France, ce qui offre aux apprenants la flexibilité de prendre des heures de conduite sur tout le territoire, sans avoir à déménager leurs dossiers.

Vous avez dû faire face à neuf procès avant de connaître le succès… A quels écueils vous êtes-vous heurtés en mettant sur pied votre start-up ?

B.G. : S’attaquer à un marché réglementé pour le « disrupter » n’est jamais une tâche aisée, vous vous confrontez inévitablement à des corporatismes, d’ailleurs archaïques. Trois mois après la création de l’entreprise, avant même d’avoir un site fonctionnel ou même d’avoir accueilli notre premier client, nous avons été assignés par les six syndicats de la profession, avec une peine « encourue » de 12 mois de prison et 50 000 € d’amende ! Je n’avais que 24 ans et venais de me lancer dans l’entrepreneuriat sans un euro en poche, alors je ne pouvais qu’être très stressé ! Néanmoins, cette assignation marqua le début d’une médiatisation impressionnante, laquelle nous a d’ailleurs incontestablement servie. Nous étions « David, face à Goliath »…

Huit autres procès ont suivi cette assignation, occasionnant 24 mois d’attente pour obtenir nos autorisations de supervision d’auto-école, à titre de comparaison le délai standard est de trois semaines. Nous avons également dû faire face à divers contrôles de plusieurs services de l’administration. Cet acharnement judiciaire a fait de nous des experts en réglementation ! Fait inédit : depuis trois mois, nous sommes heureux de ne plus avoir de procédure en cours.

Benjamin Gaignault et Flavien Le Rendu, co-fondateurs et associés

Presque trois ans après l’adoption de la loi Macron, qui a révolutionné l’ensemble du secteur de l’apprentissage du code de la route et du permis, où en est-on ?

B.G. : La loi Macron d’août 2015 a permis à notre modèle d’auto-école en ligne de bénéficier d’un cadre réglementaire plus clair, contribuant ainsi au développement de notre activité dans un contexte plus pérenne. Cette loi est également venue donner un statut plus équitable au candidat libre qui, auparavant, souffrait d’un traitement extrêmement défavorable, alors que selon nous, seul le recours au candidat libre permet de véritablement faire diminuer le coût de cette formation. En outre, il est important de souligner une autre avancée imputable à la réforme, il s’agit des délais d’attente pour se représenter en cas d’échec à l’examen de conduite. Les délais ont été divisés par deux, soit 45 jours contre 90 jours auparavant, ceci pour tous les élèves : candidat libre ou candidat d’auto-école.

Comment ? Principalement grâce à trois actions :

  • L’externalisation de l’examen du code de la route, qui libère du temps aux inspecteurs qui surveillaient historiquement les salles de code, qui sont aujourd’hui affectés aux examens pratiques
  • L’examen est passé de 35 minutes à 32 minutes, permettant ainsi à l’inspecteur d’examiner un élève de plus par jour
  • L’État a fait appel à des agents de La Poste ayant reçu la formation adéquate pour venir en renfort en tant qu’inspecteur dans les départements les plus sinistrés

De nouvelles mesures relatives à la nouvelle loi sur le permis de conduire sont en cours d’adoption, dont une disposition très contestée sur la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, approuvez-vous cette inflexion gouvernementale ?

B.G. : Notre métier est de former nos jeunes à devenir des conducteurs responsables et consciencieux, en nous basant sur le code de la route. La sécurité routière est un sujet obsessionnel chez Ornikar, ainsi, s’il est avéré qu’appliquer cette baisse viendra renforcer la sécurité de nos routes, nous y sommes favorables, et nous éduquerons les futurs conducteurs en conséquence.

Voitures autonomes, électrification des véhicules, plateformes d’auto-partage, les défis posés aux auto-écoles physiques ou en ligne sont nombreux. Comment faire preuve d’agilité pour rester en phase avec ces nouveaux usages ?

Les défis sont effectivement très nombreux, à l’instar de tous les secteurs d’activité. Néanmoins concernant notre marché, il est selon nous illusoire de penser que le permis de conduire deviendra obsolète dans les prochaines années. Les véhicules autonomes ne signifient pas la fin de toute supervision humaine, sinon cela engagerait des problèmes éthiques trop importants. L’exemple de l’aviation est pertinent, les avions pourraient se piloter seuls depuis plusieurs années, néanmoins la supervision d’un pilote est toujours nécessaire. La seule certitude que nous avons aujourd’hui, c’est que le permis de conduire va changer pour s’adapter aux évolutions technologiques, et il nous faudra conserver notre agilité.

Aujourd’hui, Ornikar amorce déjà un premier virage pour sortir du seul monde de l’éducation vers l’accès à la voiture et à l’assurance auto, deux produits que nous allons proposer à l’issue de la formation, en 2018. Pour ce qui est de la prise de conscience de l’impact de la conduite automobile sur notre environnement caractérisée par l’émergence des voitures électriques, nous souhaitons accentuer nos efforts de sensibilisation auprès de nos élèves durant les prochains mois. Nous cherchons actuellement avec le ministère de l’Environnement des solutions pour équiper les enseignants en véhicules électriques pour habituer nos élèves aux bons gestes. »

 

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