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La puissance des principes Source

principes sourcePhoto de Julia Volk sur Pexels

Les principes Source font référence aux travaux de Peter Koenig, repris depuis par Stefan Merckelbach dans son ouvrage « Petit livre rouge sur la Source », Tom Nixon dans son ouvrage « Work with Source »  ou encore Frédéric Laloux dans cette vidéo. Ce concept utilise l’image de la source qui jaillit des entrailles de la terre. Une eau qui ne surgit pas de nulle part, vient toujours de quelque part.

 

Dans le cas de l’entreprise et de son organisation, le principe est une idée, une intuition ou une inspiration qu’une personne va s’approprier. C’est la personne Source. Mais, si elle prend l’initiative de la mise en œuvre, elle n’en est pas à proprement parler à l’origine. Ce cadeau qui lui est fait n’en fait pas la propriétaire. La personne Source, en prenant conscience de cela, adopte une attitude humble vis-à-vis de son idée, dont elle se reconnaît la dépositaire plutôt que la propriétaire.

C’est après en avoir validé et vérifié la réalité auprès de centaines d’entrepreneurs que Peter Koenig a pu théoriser ces principes Source. Une théorie qui, on le voit, remet en question la notion même de propriété, la notion de créateur de l’entreprise et vient challenger la vision de l’entreprise, de son organisation et de sa gouvernance.

La Source est donc la personne qui fait alliance avec une impulsion de vie, une énergie créatrice qui a besoin de trouver un être humain pour devenir réalité, s’incarner dans la matière. Cette alliance donne naissance à toutes les organisations, les entreprises, les projets ou les communautés. Car l’être humain ne crée rien sans capter, s’approprier et prendre la responsabilité de l’énergie qui n’est autre que la raison d’être évolutionnaire.

Un contexte qui donne à cette personne Source des « super pouvoirs ». Celui qui crée une entreprise devient meilleur que lui-même. Parce qu’il a fait cette alliance avec cette énergie qui l’augmente. Avec cette vision, Peter Koenig disrupte totalement le monde de l’entreprise. Elle impacte nos modèles mentaux en termes de management et de self-management, et même de propriété d’entreprise. Il n’existe pas de créateurs d’entreprises ou d’entrepreneurs. Nous sommes au mieux des co-entrepreneurs ou des co-créateurs. 

 

Les trois super pouvoirs et les trois rôles de la Source

La Source est une force formidable qui pousse la personne Source en avant pour initier et entreprendre. Elle transmet trois super pouvoirs à la personne Source pour conduire trois grandes activités qui correspondent aux rôles de celle-ci. Le premier pouvoir fait que la personne Source reçoit des intuitions, des idées, une vision et aussi l’énergie pour s’investir dans leur réalisation, en prenant des initiatives et des risques. C’est son rôle d’entrepreneur. Le deuxième super pouvoir permet lui d’inscrire son initiative dans un futur, en clarifiant, tout au long de son évolution, les prochains pas à effectuer pour cheminer avec succès. La personne a, en outre, le talent de communiquer aux autres avec clarté. Elle est le guide. Enfin, le troisième pouvoir va lui permettre d’accomplir son rôle de « gardien ». Il a l’énergie et le talent pour veiller à ce que le cadre du projet soit respecté. Il incarne le projet, il est habité par la raison d’être.

Dans ce contexte, il est aussi utile de s’intéresser à l’attitude clé et au questionnement de la personne Source. L’attitude clé de celle-ci c’est de se mettre à l’écoute et de déchiffrer les informations de l’énergie de l’entreprise. Pour ce faire, elle doit se ménager des moments où elle n’est pas simplement dans le faire mais écoute et laisse venir les intuitions, la vision si importante pour l’organisation.

En parallèle, la question fondamentale pour la personne Source est d’identifier de quoi a besoin l’entreprise pour aujourd’hui, pour demain. A quoi celle-ci aspire à être ?

 

Les pathologies de la personne Source

Parce que pour certaines personnes Source les choses ne se déroulent pas toujours comme il le faudrait, intéressons-nous maintenant à ces pathologies qui parfois les frappent. Trois peuvent être distinguées. La première est « l’ignorant », celui qui connaît mal sa Source ou reste dans le déni. Par exemple, celui qui fait comme si personne n’était en charge, sous prétexte que ses processus, son organisation sont participatifs alors même que la réalité est qu’il n’existe qu’une seule Source globale au sein de l’entreprise. Le risque d’une telle pathologie ? Qu’il n’y ait pas de pilote dans l’avion.

Deuxième pathologie, « le despote ». Ici, la personne confond la Source et l’ego. Elle se croit propriétaire de l’entreprise au lieu de se voir comme le garant, le dépositaire. Elle ne se met pas au service de l’entreprise mais imagine plutôt que c’est l’inverse. L’entreprise est au service de son ego, devient une extension de sa personne.

Troisième pathologie, le « mou », quelqu’un qui néglige le travail de la Source. Il n’en prend pas l’énergie de la responsabilité. Des moments que beaucoup traversent lors de fatigues ou de baisses de motivation passagères. Cela se gère mais à condition d’avoir conscience de l’existence de la Source.

 

Distribution et transmission de sources

La Source globale – ou source de l’entreprise – porte l’énergie de la responsabilité sur l’entièreté du terrain de jeu de l’entreprise. Mais, lorsque l’entreprise croit, le porteur de cette Source peut transmettre une partie de ce champ à une autre personne. Celui qui l’accepte, disons par exemple pour la R&D, devient ainsi « source spécifique ». Spécifique vu de la source globale, du niveau de l’entreprise mais global vu du niveau de la R&D. On est ici sur un modèle fractal. Désormais, c’est cette dernière qui reçoit les intuitions, incarne la vision concernant ce champ, ainsi que l’énergie nécessaire pour les mettre en œuvre. Parallèlement, la Source globale perd la capacité qui a trait à la R&D. C’est pourquoi, on peut parler ici de distribution de sources. 

Il va de soi que ce qui vient d’être décrit plus haut peut aussi être observé à l’intérieur d’un champ comme la R&D. En réalité, chaque personne qui contribue doit pouvoir se considérer Source spécifique d’une partie de l’entreprise. Elle doit capter cette énergie de responsabilité,  prendre des initiatives et des risques, définir les prochains pas. S’ensuit une cascade de sources globales et spécifiques, ce qui n’est pas sans rappeler la notion d’holarchie portée par l’Holacratie ; une holarchie de rôles où chacun est appelé à prendre l’énergie de la responsabilité de ses rôles.

Mais, pour que cela fonctionne, il y a un certain nombre de conditions à respecter. La première est qu’il y ait un rituel de transmission. Une transmission qui peut être soit verticale, soit horizontale. Pour celle-ci, je donne un « bout » de mon champ, un rôle dans mon cercle à une Source spécifique. La transmission verticale concerne elle une transmission totale. Comme ce patron accompagné qui a choisi de transmettre, de passer la main à quelqu’un d’autre sur l’ensemble.

 

Pour que celle-ci se déroule bien, elle doit impérativement se faire de personne à personne et seulement lorsque trois conditions sont réunies. La liberté d’abord. La Source globale doit être libre de passer la Source à la personne de son choix. La nouvelle Source doit elle se sentir libre d’accepter ou non. De plus, la Source globale doit pouvoir choisir de transmettre quand elle le veut. Le deuxième critère est celui de la confiance. Celui qui transmet doit être convaincu que celui qui reçoit saura incarner la personne Source : entrepreneur, guide et gardien. Parallèlement, le « receveur » de la source doit avoir confiance en la personne  qui transmet et dans son projet, mais aussi en sa propre capacité à se saisir de l’énergie de responsabilité de la source qui lui est transmise. Cet acte de transmission implique une prise de risque qui est le troisième critère. Il se caractérise par et comme un transfert de l’énergie de la responsabilité

Ici, la notion de responsabilité est complètement revisitée. Étymologiquement, le responsable est celui qui porte la réponse. Prendre sa responsabilité de Source, c’est s’ouvrir à capter et s’approprier cette énergie de la responsabilité. Prendre l’énergie de la responsabilité, c’est s’envelopper de cette « cape invisible de la responsabilité » qui fait que la personne ne lâche rien,  donne le meilleur d’elle-même, prend des risques et les assume. Là où d’autres vont faire leur job, mais vont surfer, laisser filer les choses ou les laisser se vivre, et parfois vont être amenés à se protéger, se cacher, se justifier.

 

La place de la Source dans une vision systémique de l’organisation

Et si on cherche maintenant à tirer parti de la puissance de cette énergie source, il nous faut d’abord placer celle-ci au sein d’une représentation systémique de l’organisation qui s’articule autour de trois grands espaces : le niveau individuel, le niveau collectif et le niveau de l’entreprise. Pour chacun, on peut distinguer ce qui relève du visible – les comportements, les relations ou la structure de l’organisation – de ce qui relève de l’invisible – les ressentis, les croyances ou le potentiel créateur de valeurs. Dans cette représentation systémique constituée de trois systèmes et six territoires, l’énergie de source se situe au niveau de l’entreprise, dans la partie invisible. Une énergie source qui est aussi celle qui s’exprime sous la forme de tensions dynamiques ressenties par les personnes dans leurs rôles, lesquelles vont pouvoir s’en emparer pour les transformer en évolution de la structure de l’entreprise, et rendre ainsi visible ce qui, jusque-là, était invisible.

 

Gérer les freins : croyances limitantes et obstacles d’ordre humain

Parmi les freins pour profiter de la puissance de  ces principes Source, il y a tout d’abord ces croyances collectives limitantes, qui sont souvent inconscientes. Prenons quelques exemples : « On ne peut pas faire confiance aux êtres humains » est l’une d’entre elles. Avec une telle croyance, point de confiance et impossible de transmettre la Source. Ainsi, en holacratie, il sera impossible de transmettre un rôle à quiconque.

Autre croyance fréquente : « les managers ne veulent pas lâcher le pouvoir ». Une croyance qui fait beaucoup de dégâts alors même qu’elle ne correspond, le plus souvent, pas à la réalité de l’entreprise. Même chose de celle qui veut que, dans l’organisation, les gens n’ont pas le droit d’exprimer leurs ressentis. Avec de telles croyances, impossible de mettre en place les principes Source.

Il en va de même avec les freins d’ordre humain qui peuvent empêcher les personnes de porter l’énergie source dans leurs rôles. Ainsi, prendre l’énergie de la responsabilité, c’est accepter de prendre en charge. Or, pour certains, la charge est trop lourde et ils choisissent de ne pas s’en saisir. Parce qu’ils ont déjà trop à porter ou n’ont simplement pas été éduqués à la responsabilité. De la même manière, d’autres vont se refuser à prendre le risque de ne pas être au rendez-vous de ce qui est attendu d’eux. Ils craignent d’échouer. D’autres encore seront freinés par un enjeu de légitimité, d’estime de soi ; ou encore la peur de la solitude qu’induit nécessairement la prise de responsabilité.

 

C’est pourquoi, pour avancer et lever ces freins, il convient de créer des espaces dédiés ; pour que les ressentis puissent être exprimés et traversés. Pour ce faire, les personnes doivent se sentir en sécurité et en confiance. L’expression des ressentis et la prise de risque doivent être valorisées, l’échec accepté, les nœuds bloquants – goulots d’étranglement, bureaucratie, etc. – supprimés.

Comment bien exploiter ces principes Source pour maximiser les chances de réussite de la transformation systémique d’une entreprise  ? En quoi cette nouvelle façon de voir les choses remet nos modèles mentaux en cause, pour changer quoi ? Deux points saillants émergent. Tout d’abord, quelle que soit la situation, nul ne peut plus se déclarer propriétaire de l’entreprise. Pas même celui qui en détient le capital. Nul ne devrait pouvoir dominer et chacun est au service de l’entreprise et de sa raison d’être : son potentiel de création de valeurs. Il ne devrait plus y avoir de pouvoir sur, juste des pouvoirs pour créer. Et en plus, les principes Source confèrent des super pouvoirs aux personnes qui s’en emparent, bénéficiant ainsi une puissance accrue au service de leurs rôles, pour que l’entreprise crée davantage de valeurs.  

 

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