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Jean-François Piège : « Les codes sont toujours de passage et les chefs qui perdurent sont bien ceux qui racontent une histoire »

Crédit : @jeanfrancoispiegeCrédit : @jeanfrancoispiege

Ouverture d’un nouveau restaurant à Taiwan, publication d’un nouvel ouvrage Zéro viande zéro poisson, création de bougies parfumées… Le chef Jean-François Piège multiplie les projets en tous genres. Il a accepté pour Forbes France de nous en dire plus sur ce qui fait la recette de son succès.

Quelles sont les étapes de votre parcours dont vous êtes le plus fier ?

Jean-François Piège : J’ai toujours rêvé de faire de la cuisine et ma carrière n’a jamais été motivée par une volonté de réussite mais plutôt par le désir d’un accomplissement personnel pour répondre à mes propres lacunes. En 1990, je ne suis qu’un jeune provincial qui devient chef de partie à l’hôtel de Crillon à Paris. 15 ans plus tard, je deviens le chef du restaurant (Les Ambassadeurs).

Aujourd’hui je suis fier d’être à la tête de plusieurs établissements parisiens : le Grand Restaurant, le Clover Green, le Clover Grill ainsi que La Poule au Pot. Plus récemment, en 2019, Clover a migré vers le sud avec l’ouverture de Clover Gordes à la Bastide de Gordes. En 2020, j’ai enfin ouvert un bistrot familial appelé « À l’Épi d’Or » dans le 1er arrondissement de Paris.

Vous venez de publier un nouvel ouvrage sur la cuisine sans viande ni poisson… À quel point les goûts du public influencent-ils votre inspiration ?

En cuisine, nous constatons naturellement une demande plus forte de plats sans protéines animales. Le mois dernier – dans la lignée de mon précédent livre « Zéro gras » de 2018 – j’ai publié un ouvrage intitulé « Zéro viande zéro poisson » pour montrer qu’il est possible de s’amuser avec du végétal sans l’idée de privation ou de tromperie.

Peu de gens savent par exemple cuire les lentilles et tout l’intérêt est de transmettre mon savoir-faire pour donner les moyens aux gens de se régaler. En revanche, ce n’est pas le public qui m’a uniquement poussé à adopter cette cuisine végétale : je m’efforce constamment de réunir toutes les cuisines existantes et je n’ai pour ma part jamais oublié les légumes oubliés.

Vous l’aurez compris, ma volonté est de ne laisser aucune philosophie au bord de la route. On peut cuisiner avec ou sans protéines animales mais le plus important est de le faire avec le cœur et les tripes.

Considérez-vous qu’il est plus facile aujourd’hui de se faire connaître grâce aux réseaux sociaux ?

Non, chacun vit à son rythme et ce n’est pas une question d’époque. De manière générale, je pense que c’est toujours facile de monter mais le plus important c’est de rester. Les codes sont toujours de passage et les chefs qui perdurent sont bien ceux qui racontent une histoire. Se contenter de storytelling basique ne fonctionne pas.

Êtes-vous personnellement en charge de votre compte Instagram ?

Je me suis intéressé à Instagram assez rapidement. J’ai créé mon compte personnel dès 2013 et un compte pour mon restaurant a été ouvert dans la foulée. Je me charge moi-même d’alimenter mon compte personnel car il est évident que cela se remarque quand le compte est géré par une autre personne.

Pouvons-nous craindre que l’image prenne le pas sur le goût ?

On en reparle dans 20 ans. Bien sûr, la qualité d’un plat passe par le visuel mais la seule chambre d’enregistrement du corps reste la bouche. Il ne faut pas faire de raccourci ni résumer un plat à son design.

Instagram n’a rien de bien différent comparé aux médias traditionnels : un chef pouvait avant cela partager l’image de son plat dans un journal et cela pouvait contribuer à augmenter sa visibilité et donc à mieux remplir ses salles. Cela a toujours existé et ce serait une bêtise de s’attarder uniquement à la photo.

Nous n’avons pas attendu Instagram pour faire de belles assiettes. Par exemple, une blanquette de veau n’est en soi pas considérée comme “belle” mais si l’émulsion est bien réalisée, brillante, je vous garantis que la photo du plat peut être sublime. Je me suis toujours assuré que ma cuisine – bourgeoise et populaire – fasse rêver sans retouches ni artifices.

En fait, je ne vois pas plus Instagram comme une menace ou une opportunité, ce n’est pas juste tout noir, tout blanc et cela reste un moyen complémentaire à, ceux existant de se faire connaître aux yeux du public.

À l’automne prochain, vous ouvrez pour la première fois un établissement à l’international…

Oui, l’officialisation de mon restaurant Clover Bellavita à Taïwan a un peu pris du retard à cause de la crise sanitaire mais il va pouvoir ouvrir ses portes l’automne prochain. Je crois beaucoup aux rencontres de la vie et le projet est en fait né avec mon ancienne collaboratrice qui m’avait partagé son envie de faire des plats ensemble.

Elle est ensuite venue à Paris manger à mon restaurant Clover Green, un établissement ouvert il y a 4 ans avec une identité de cuisine de produits locaux et d’imprégnation française. Taïwan est aussi connue pour sa culture de la nourriture locale et sa paysannerie. Il y a beaucoup de producteurs locaux de caviar ou bien des éleveurs de cochons par exemple. Donc nous allons sûrement proposer un plat à partir de cochon très fondant et une poudre d’assaisonnement à base de couenne.

D’autres projets sont-ils aussi en cours ?

Oui et cela s’inspire encore une fois de rencontres car j’aime la cuisine de marché et d’imprégnation locale. Je me suis rendu compte qu’un grand nombre d’huiles d’olive existaient aux alentours de Gordes et toutes ont un goût unique. J’ai donc eu l’idée de proposer prochainement dans mon restaurant une balade autour des huiles d’olive.

Bougie Jo Malone x Jean-François Piège
Bougie Jo Malone x Jean-François Piège

Dernièrement, j’ai aussi conçu avec Jo Malone plusieurs bougies qui permettent de partager une expérience différente. J’avais d’abord peur de tomber sur un rat de laboratoire, donc je suis allé rencontrer Jo Malone pour voir comment elle procédait pour fabriquer ses bougies. Elle me racontait par exemple qu’une de ses bougies avait été créée à la suite d’une escapade sur des côtes britanniques ; où elle avait senti l’odeur particulière de la marée qui remonte sur des algues ensoleillées.

Je fonctionne aussi beaucoup à partir de mes sens. J’ai donc proposé dans un premier temps de concevoir une bougie à partir de feuilles violettes car je travaille beaucoup les feuilles d’arbre dans ma cuisine mais aussi parce que j’ai voulu faire un clin d’œil à ma femme qui est toulousaine. J’ai aussi pensé à une bougie parfumée à la bergamote et une autre à la vapeur de riz – cette vapeur a d’ailleurs inspiré mon plat de volaille accompagné d’asperges cuites dans le riz.

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