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Ils Dénoncent « La Mascarade » Des Start-Up Et Proposent Un Nouveau Modèle

Benjamin Zimmer et Nicolas Menet

Dans leur ouvrage, « Startup arrêtons la mascarade, contribuer vraiment à l’économie de demain » (Dunod), Nicolas Menet et Benjamin Zimmer, deux chercheurs-entrepreneurs remettent en cause le fonctionnement actuel de l’écosystème et les motivations qui poussent les entrepreneurs à se lancer dans l’aventure start-up. Après la critique, ils proposent un nouveau modèle économique et de société, centré sur l’intelligence collective, afin de créer, vraiment, un monde meilleur.

Alors que 62% des jeunes rêvent de devenir entrepreneur, alors que le Président de la République rêve de construire une « start-up nation », alors que Xavier Niel a bâti avec Station F « le plus grand campus de start-up au monde », et que le montant des levées de fonds ne cesse de croître, deux chercheurs-entrepreneurs critiquent le modèle actuel proposé par l’écosystème.

Avec l’ouvrage « Startup arrêtons la mascarade, contribuer vraiment à l’économie de demain » (Dunod, 7 février 2018), Nicolas Menet, sociologue et directeur général de Silver Valley et Benjamin Zimmer, diplômé de CentraleSupélec, fondateur de Silver Valley et membre de Oui Care, interpellent par un titre volontairement provocateur. Si de premier abord le titre va à l’encontre de l’élan positif actuel, le livre ne se limite pas à la simple dénonciation en présentant plusieurs solutions pour créer un monde meilleur.

Le prisme de l’argent vs celui de l’utilité

« A l’origine, les start-up voulaient changer le monde », constate Nicolas Menet. « Si elles l’ont en effet modifié, elles ont surtout créé de nouvelles structures capitalistes. » Les deux auteurs, qui précisent bien ne pas être anticapitalistes, pointent ici du doigt l’erreur trop souvent commise, et notamment par les médias, qui consiste à ne regarder les start-up que sous le prisme de l’argent, des levées de fonds, et pas de l’utilité. La voici, « la mascarade ». 

Côté entrepreneur, l’erreur serait de tout voir sous l’angle du profit, du rendement. « Avant de se poser la question de la rentabilité, peut-être faudrait-il se poser celle de l’utilité », ajoute Benjamin Zimmer qui se voit comme un capitaliste utilitaire. Pour lui, « dans ce capitalisme utilitaire, l’intérêt des personnes doit être inférieur à l’intérêt général ». Or aujourd’hui, « un paquet d’entreprises ne sont pas visibles parce qu’elles ne lèvent pas de fonds, alors qu’elles proposent des solutions intéressantes », souligne Nicolas Menet.

« Il faudrait que l’Etat fixe des objectifs de société. C’est le problème de l’actuel président qui veut financer des start-up alors que l’intérêt serait de financer des projets », constatent les auteurs.

Benjamin Zimmer et Nicolas Menet


Tout le monde n’est pas entrepreneur

« Comment en est-on arrivé là ? », interrogent les auteurs. Quatre facteurs expliquent selon eux cet « engouement » pour les start-up et la « mascarade » qui l’entoure : la solution donnée à chacun d’exprimer sa vision du monde, l’accessibilité des outils numériques, la crise financière de 2008 et le déblocage de subventions publiques pour soutenir la création d’entreprises et d’emplois. A partir des années 2010 écrivent les auteurs, « monter sa startup digitale ne coûte presque plus rien car la technologie est presque gratuite et l’argent est disponible car les crises ont mis sur le marché des capitaux en abondance ».  

« On passe d’un individu qui peut enfin vivre et non plus juste subsister, à un individu qui s’exprime et marque le monde de son empreinte singulière », écrivent-ils. Problème, « tout le monde n’est pas entrepreneur », remarque Nicolas Menet. « On ne donne pas les mêmes chances à tous », ajoute Benjamin Zimmer.

L’engouement autour de l’entrepreneuriat pose la question du besoin, selon Benjamin Zimmer. « Est-ce que le produit génère de la valeur ? » Pas certain. « 42% des entreprises qui se plantent, échouent parce qu’elles ne répondaient pas à un besoin », indique le sociologue, citant une étude de la French Tech. « Et 17% parce qu’elles n’étaient pas user friendly. »

Mythe du cool

« Les entrepreneurs se font plaisir avant de penser à l’intérêt général », se désole Benjamin Zimmer. Dans leur ouvrage, les auteurs citent à plusieurs reprise Mathilde Ramadier, qui décrit dans  Bienvenu dans le nouveau monde, comment j’ai survécu à la coolitude des startups, un univers où prime le cool, au détriment de l’intérêt de la mission ou d’un salaire digne de ce nom. « La coolitude est devenu un conformisme », écrivent-ils. Mais voilà, « les idoles se brûlent, les mythes s’effondrent. L’image de l’entrepreneur sauvant le monde en toute simplicité […]n’est qu’une fable qui a pour vocation de masquer la misère sociale, économique et environnementale d’un monde qui s’effondre. »

La critique est terrible. A moins que les entrepreneurs saisissent la chance de changer vraiment le monde et aller vers ce qu’ils nomment « un nouveau cadre de pensée ». Pourquoi ne pas « viser la création d’une société de contribution non prédatrice ? »

Profitabilité intégrale et intelligence collective

Benjamin Zimmer et Nicolas Menet proposent ainsi un modèle de « profitabilité intégrale ». Dans profitabilité, il y a profit, explique Benjamin Zimmer. « Le profit, c’est générer plus. » Or, selon les auteurs, la croissance infinie n’existe pas sans l’utilisation de ressources naturelles. Ils proposent donc de développer une société dans laquelle la consommation de ressources ne serait que circulaire. « Je ne suis pas écolo », précise Benjamin Zimmer, « c’est juste une évidence : laisser une terre vivable à nos enfants est une obligation ».

Alors pour refonder le modèle, les auteurs proposent de nombreuses solutions : juridique avec la transformation des incubateurs en sociétés d’intérêt collective « pour que tout le monde soit associé et donc responsable du projet » ; institutionnelle avec la mise en place d’instances collégiales pour contribuer à la programmation des enjeux économiques ; méthodologique pour former les gens à l’intelligence collective.

Ca tombe bien, les générations Y et Z sont en quête de sens, et mettent davantage l’accent sur l’intérêt de leur travail, sa portée, son utilité que sur le salaire. Des générations prêtes pour l’économie bleue

 

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