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Emmanuel Assié : Un Novateur Dans Les Data Green Centers

Emmanuel Assié

Tout d’abord infirmier en réanimation, Emmanuel Assié, ce normand passionné d’informatique, a changé de cap en 2001 pour fonder Webaxys, une société spécialisée dans les data green centers. Après l’ouverture en 2016 du centre le plus innovant d’Europe, cette PME de quinze personnes soutenue par trois géants (Eaton, Nissan, Engie) s’apprête à ouvrir à Caen un des data green centers les plus novateurs au monde .

Infirmier de métier, quelles raisons vous ont poussé à changer de cap vers les data green centers ?

J’ai toujours été passionné d’informatique mais ma fibre humaine m’avait orienté vers le milieu hospitalier. En 1998, quand j’étais infirmier en réanimation à l‘hôpital Bichat à Paris, j’ai mis en place un projet (mise en ligne de nos protocoles de soin) qui a reçu le prix de l’innovation du salon infirmier européen. Un poste m’a été proposé à la Direction centrale des Hôpitaux de Paris. Les prises de décision étaient tellement lentes qu’au bout de quelques mois, j’ai jeté l’éponge… préférant mettre de l’humain dans l’univers d’internet et des data centers. Préoccupé par le volume exponentiel des données numériques, et leur immense consommation d’énergie, je me suis impliqué dans la recherche et le développement pour concevoir des centres serveurs toujours plus économes et plus respectueux de l’environnement.

Quel est le fil rouge de votre approche énergétique ?

Un data center consomme de l’énergie mais peut également en produire ou la recycler et nous rendre bien moins énergivores. La surconsommation en énergie des data centers ne doit pas être une fatalité. Quand on sait qu’ils consomment 8% de l’électricité produite dans l’Hexagone, qu’envoyer un mail avec une pièce jointe de 1 méga représente 19 grammes de C02, que regarder une vidéo d’une heure sur Internet équivaut à la consommation d’un réfrigérateur pendant un an, je ne peux rester passif. J’ai donc songé à des solutions innovantes de récupération et d’optimisation de l’énergie, en fédérant autour de mes projets de grands acteurs industriels : d’abord Eaton, puis Nissan et Engie.

Vous parlez très souvent de la dimension humaine et sociétale de Webaxys : comment se traduit-elle ?

C’est mon second fil rouge qui me vient sans doute de mon précédent métier. Remettre de l’humain dans un monde si virtuel est pour moi essentiel. Dès notre premier data center de Rouen en 2010, il n’était pas question de monter un très grand data center sans âme, mais une plateforme à dimension humaine : 100 m2 seulement, avec un niveau de sécurité équivalent aux géants du domaine mais surtout un niveau de services bien plus élevé. Aujourd’hui, les clients ont besoin de savoir où se trouvent leurs données, qui les gèrent, et comment ils peuvent, le cas échéant, les récupérer. S’ils ont un problème en pleine nuit ou le week-end, nous pouvons les assister et leur offrons un service personnalisé 7 jours /7.

Dans le premier data green centers, ouvert en 2010 à Rouen, quelles étaient les innovations déjà présentes ?

Nous avons mis en place un système de climatisation basse consommation, éclairage à LED, des dispositifs d’alimentation et de secours spécialement conçus, tout comme l’aménagement des pièces… Avec à la clé une consommation électrique et l’impact environnemental réduits, la chaleur émise par les serveurs permettant de chauffer les locaux et même de fournir du chauffage aux entreprises voisines. Ces technologies ont été réalisées grâce à une étroite collaboration avec Eaton, géant mondial spécialisé dans la gestion de l’énergie.

Comment s’est opérée votre collaboration avec Eaton et Nissan ?

Benoît Neveu, responsable chez Eaton de la cellule projet pour la partie onduleurs, habitait tout près de notre siège à Rouen. Il a accepté de relever le défi. Leur savoir-faire nous a beaucoup aidé. Et quand nous avons décidé de monter un nouveau data center au Havre, encore plus «green », nous avons choisi de réaliser un projet « Full EATON ». Pour cette société, c’était aussi l’occasion de montrer tout ce qu’elle est capable de faire dans ce domaine. Un véritable show-room. Et aujourd’hui nous travaillons d’ailleurs ensemble sur la partie R&D, en testant notamment leurs dernières innovations.

Etant associés à NISSAN dans leurs recherches pour améliorer l’efficacité énergétique, nous avons également commencé à travailler avec le constructeur automobile sur des batteries de seconde main de véhicules électriques, pouvant stoker de l’énergie.

En 2016, dans le cadre du projet GreenDataNet financé par la Commission européenne et dont le concept était présenté en marge de la Cop 21, Webaxys a ouvert le plus « green » des data centers de France, voire d’Europe : sur quoi repose cette « révolution verte » ?

Ce data center ouvert à Saint-Romain-de-Colbosc (près du Havre) possède 30 baies, extensible à 60 : 4 sont totalement indépendantes en énergie, et 4 autres devraient l’être à terme. Nous utilisons les ressources des énergies renouvelables et sommes le seul data center d’Europe à fonctionner en autonomie partielle grâce à des batteries de voitures électriques Nissan Leaf de seconde vie (ayant chacune une capacité de 17 000 watts et dont l’énergie stockée est redistribuée aux serveurs), couplées à des panneaux photovoltaïques reliés à un onduleur spécifique conçu par Eaton. Nous refroidissons nos salles en exploitant au mieux l’air extérieur comme principal vecteur de refroidissement de la partie IT. Nous sommes l’un des rares sites fonctionnels en matière d’autoconsommation dans le monde industriel. On produit notre propre énergie et nous faisons de l’autoconsommation

Webaxys a même été finaliste des « Data Centers Dynamics Awards », un prix prestigieux dans votre domaine…

En effet. En novembre 2017, nous avons été finalistes avec IBM, Microsoft, Ericsson… de l’un des plus prestigieux prix internationaux récompensant les acteurs les plus innovants du secteur des data centers. C’est pour moi une reconnaissance sur la scène internationale de ce que Webaxys a été en capacité de concevoir et réaliser avec Eaton et Nissan. Cela vient récompenser le travail de recherche depuis 8 ans de toute une équipe autour d’une démarche éthique et de défense de l’environnement.

Webaxys n’est qu’une PME d’une quinzaine de personnes, avec une belle croissance…

Aujourd’hui, j’ai une équipe qui me suit, qui partage mes valeurs. Nous avons un engagement commun sur le plan sociétal, environnemental. Webaxys est une entreprise humaine, qui passe un cap, qui a connu 40% de croissance en 2016 et qui est en train d’écrire une histoire. Croissance depuis deux ans et perspectives ? Nous avons ouvert une nouvelle ère dans le monde des data centers, c’est véritablement une première. Je suis persuadé que le prochain data center que nous bâtirons pourra être autonome en énergie et celui d’après pourrait même produire et distribuer de l’énergie. Une technologie qu’il sera possible d’adapter à des immeubles, à des maisons individuelles…

Pouvez-vous justement dévoiler les grandes lignes de votre prochain data center qui devrait voir le jour en 2019 ?

Ce que je peux en dire, c’est que nous allons construire le data center le plus écologique du monde, derrière la ligne d’horizon de ce que les GAFA sont en mesure de réaliser aujourd’hui. Ce data center sera la preuve que demain, ils peuvent être autonomes et producteurs d’énergie, que l’on peut aller encore plus loin dans son fonctionnement et son perfectionnement, sur le plan énergétique et sur d’autres axes pour montrer qu’il peut stocker des données tout comme interagir avec son environnement. Un data center n’est pas qu’un consommateur d’énergie mais aussi un producteur d’énergie qui peut s’insérer dans l’écosystème de la cité de demain. C’est notre défi à relever !

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