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Didier Rappaport (Happn) : Le « Dating » À Visage Humain

© Happn

Serial entrepreneur de son état et connu pour avoir notamment œuvré à l’émergence de Dailymotion, Didier Rappaport a, au gré de ses pérégrinations professionnelles, ciselé une méthode et un savoir-faire qui lui ont permis de réussir quelques coups de maître. Dernier en date : la mise sur orbite de l’application de rencontre Happn, fleuron du « dating » à la française.

« Je vais vous faire une confidence qui va peut-être vous faire sauter au plafond : lorsque je travaillais d’arrache-pied au lancement d’Happn, j’étais tellement focalisé sur ma tâche que j’ignorais même jusqu’à l’existence de Tinder ». En une phrase, les tenants de la « méthode Rappaport » sont esquissés. « Il n’y a aucune idée qui naisse déjà aboutie. Lorsqu’on est entrepreneur, on a cette volonté, chevillée au corps, de construire un service, mais c’est toujours quelque chose de flou a priori. Les choses se font naturellement quand on commence à travailler concrètement ». « Un challenger qui a ainsi occulté l’existence de « l’étoile montante » du « dating » à l’époque -nous sommes alors en 2014 -, Tinder, qui commence à se faire un nom et voit son usage démocratisé lors des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi. Mais la sempiternelle comparaison entre celui qui est devenu le mastodonte américain – et la référence des applis de rencontre – et celui plus communément désigné comme son « petit frère » ou « petit cousin » de France, Happn, n’aurait-elle pas tendance à agacer Didier Rappaport ? « Pas le moins du monde », répond l’entrepreneur avec son flegme désarçonnant.

Et pour cause, Didier Rappaport est clairement rompu à ce genre de facilités et autres raccourcis journalistiques : il est l’un des orfèvres de la plateforme vidéo Dailymotion… sans cesse ramenée à son grand rival américain, Youtube et évoluant constamment dans l’ombre de ce dernier. « Alors que Dailymotion a été fondé 3 semaines avant Youtube », rappelle le fringant sexagénaire qui a déboulé dans le monde de l’entreprenariat en 1998, en lançant une première place de marché spécialisé dans le textile et sobrement baptisé « Textileguide ». « Avant cela, j’évoluais dans le milieu du textile mais j’étais à des années-lumière du numérique. Connaissant donc le marché, on m’a sollicité pour réaliser l’audit d’une autre place de marché textile. Mon verdict fut rapide et sans appel : cela ne pouvait pas marcher en raison de grosses carences du business-model ». Et de poursuivre. « Devant mon ton assuré, ceux qui m’avait chargé de l’audit m’ont dit, en substance ‘que suggérez-vous ?’ Et cela a consacré mes premiers pas dans l’univers du numérique ». Didier Rappaport fait donc une entrée remarquée dans l’univers de l’entreprenariat stricto sensu.

 De Dailymotion à Happn

Suivront plusieurs coups d’éclat et autres réussites professionnelles, la plus marquante et emblématique aux yeux du grand public étant bien entendu Dailymotion. « Je n’étais pas à l’origine de l’idée mais j’ai grandement œuvré à construire le business », souligne l’entrepreneur qui, après cela, se lance dans l’aventure Nomao qu’il fait « pivoter » de réseau social à moteur de recherche personnalisé et géolocalisé. Un dernier aspect qui fera office de « vertu cardinale » de l’aventure Happn. Une fois l’entreprise tombée dans l’escarcelle de Pierre Chappaz – avant la création de Teads -, Didier Rappaport s’enhardit – « je suis un entrepreneur donc l’idée d’être vendu à une grande boîte, n’est, vous l’aurez compris, pas vraiment mon truc », sourit-il.  S’en suivra une période d’entre-deux, difficile à gérer pour moult entrepreneurs mais dont le CEO d’Happn a tiré pléthore d’enseignements. « Ce laps de temps engendre une perte de repères aussi rapide qu’incroyable », décrit Didier Rappaport.

Une « rencontre » va néanmoins lui permettre de « relancer » sa marche en avant, même si Didier Rappaport ne s’est jamais vraiment « éloigné » du circuit. « Fabien Cohen (l’une des deux autres « têtes » du trident Happn – avant de quitter l’entreprise – avec son frère Anthony, aujourd’hui CTO du groupe) m’a interpellé sur Messenger, comme si nous nous connaissions depuis toujours. N’ayant pas de mémoire et ne voulant pas commettre d’impair, je propose rapidement une rencontre à laquelle je mets un terme au bout d’une heure, ne comprenant rien à ce qu’il me racontait. Mais nous avons eu un excellent feeling et j’étais d’accord pour investir… à condition de créer une application de dating, idée que je gardais, depuis un certain temps, dans un coin de ma tête ».

L’innovation au cœur

Dès lors, comme évoqué en préambule, quelle est la promesse d’Happn ? Dans un premier temps, il a fallu tordre le cou aux idées reçues et autres clichés relatifs au marché de la rencontre en ligne. « Ce n’est pas parce vous êtes sur une appli de rencontre que vous êtes un loser. Rencontrer quelqu’un fait partie des besoins essentiels de l’être humain. C’est résolument difficile de rencontrer et d’aller vers l’autre », souligne, empreint de lucidité, Didier Rappaport. A la différence de ses concurrents où le virtuel est l’Alpha et l’Oméga de la rencontre, Happn adopte un positionnement aux antipodes : ramener la « vraie vie » dans un monde trop virtuel et qui, de facto, peut s’avérer décevant au moment du « face à face » avec l’être tant convoité.

C’est en ce sens que la géolocalisation joue un rôle prépondérant. « Lorsque vous êtes sur Happn, vous êtes dans la vraie vie car les gens sont autour de vous. Et, avec eux, vous partagez déjà, sans le savoir, un tas de choses », souligne l’entrepreneur. « Si vous ouvrez l’application dans un musée, vous partagez avec les gens qui vous entourent l’amour ou plutôt une appétence pour l’art. On peut ainsi dire que l’on a rencontré cette personne ‘dans la vraie vie’ », affirme Didier Rappaport qui souligne que la géolocalisation et le temps réel font office, en parfaite symbiose, de filtre de points communs assez incroyables. Un « ADN » que Happn enrichit via divers partenariats et développements de fonctionnalités, comme avec le suédois Spotify ou encore  Instagram. « Plutôt qu’un banal ‘comment ça va ? pourquoi ne pas entamer la discussion avec une chanson ? ». Le titre entêtant « Call me Maybe » de Carly Rae Jepsen remporte à ce titre de nombreux suffrages. Un moyen d’éviter le côté catalogue et chronophage de la concurrence uniquement basée sur l’apparence.

Vers l’infini et au-delà

Après deux levées de fonds – de 12,5 millions en 2015 et 8 millions en 2014… ainsi qu’une troisième sur laquelle le groupe n’a pas souhaité communiquer – et la fin de la gratuité pour les filles. « C’était une posture un peu sexiste », concède Didier Rappaport, Happn continue de tisser sa toile aux quatre coins du monde. Présent dans 40 villes réparties dans 32 pays sur quatre continents – avec une pointe à 4,5 millions d’utilisateurs au Brésil contre 2,3 millions dans l’Hexagone – l’application fait de plus en plus d’adeptes. « Nous répondons à un besoin. Je ne sais pas pourquoi cela marche autant à Dubaï par exemple, alors que c’est un marché que nous n’avons pas marketté », souligne l’entrepreneur. 

A la différence de l’Inde, marché sur lequel Didier Rappaport fonde énormément d’espoir, et où Happn vient de se lancer. « Il s’agit, en effet, de notre développement le plus important de l’année et ce pour moult raisons », abonde-t-il. Et de dérouler ses arguments. « Il s’agit d’un marché de 1,4 milliard d’habitants et une classe moyenne de 600 millions d’âmes, soit l’équivalent des populations européennes et Etats-Unis réunies ». Imparable. Mais Happn a particulièrement soigné son entrée sur ce marché. « En Inde, pays que je connais et que j’affectionne tout particulièrement, il y a deux piliers : Bollywood et le cricket », raconte le CEO. Ce n’est donc guère un hasard si la jeune pousse française s’est adjointe les services et l’image de l’un des plus grands acteurs de Bollywood, Hrithik Roshan, pour faciliter son intégration dans le pays. Mais l’application promet encore davantage de nouveautés dans les mois à venir. « Quand je crois en quelque chose, je peux déplacer des montagnes », sourit l’entrepreneur. Le « Sherpa Rappaport » comme le surnomme l’un des amis, fourmille de projets et a encore de nombreux sommets à gravir.

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