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Comment L’Entrepreneur Philosophe Cyril Aouizerate Dessine L’Hôtellerie De Demain Au Mob Hôtel

© Cyril Aouizerate

L’entrepreneur-philosophe Cyril Aouizerate nous prouve quotidiennement que business et valeurs n’ont rien d’antagoniques. L’un des artisans de la saga Mama Shelter se fait à nouveau remarquer pour son nouveau concept, MOB Hôtel. Bien au-delà du boutique-hôtel, ce visionnaire nous propose un nouveau paradigme d’hôtellerie. L’enjeu ? Démocratiser (vraiment) l’hospitalité, faire vivre son quartier, décloisonner la culture, le tout sur fond d’écologie sociale. Bienvenue dans l’hôtellerie de demain. 

Bâtir de nouveaux modèles dans le monde standardisé de l’hôtellerie, c’est votre marque de fabrique. Comment nous présenteriez-vous votre « nouveau bébé » : le Mob Hôtel ? 

Cyril Aouizerate : MOB Hôtel n’est pas vraiment « mon bébé ». Il est plutôt l’aboutissement d’une longue réflexion commencée voilà plus de vingt ans sur le sujet de l’accueil de l’Autre dans un monde où la violence et le narcissisme triomphant rendent plus complexe la question de l’Hôte. MOB Hôtel est une tentative artisanale, un nouveau paradigme qui vise à réconcilier les Hôtes (l’accueillant et l’accueilli) sur des valeurs humanistes et universelles. 

Hôtelier entrepreneur, défricheur, philosophe et philanthrope, vous êtes une personnalité assez iconoclaste… Mob Hôtel, c’est au final le patchwork de votre vie ? 

C.A : Je suis toujours étonné que l’on me trouve iconoclaste… Je tente simplement de creuser mon chemin, de réaliser ce que l’on peut appeler ‘le métier de l’Homme’. En effet, MOB Hôtel est le point d’intersection de nombreuses périodes de ma vie qui sont très différentes les unes des autres, mais qui ont en commun une recherche lancinante, celle de l’apaisement du monde. J’ai opté – contrairement à de nombreux camarades de lutte – pour l’entrepreneuriat parce qu’il me permet de construire avec mes équipes de petits mondes éloignés des idéologies dont on sait très bien où elles amènent les peuples. 

En quoi les lieux hybrides incarnent l’hôtellerie de demain ? 

C.A : Je ne crois pas que les lieux hybrides incarnent l’avenir. Je connais tellement de projets de chaînes hôtelières qui se drapent d’être hybrides alors qu’ils ne sont en réalité qu’illusions aux apparences trompeuses… Vous savez, c’est comme toutes ces voitures hybrides que l’on veut nous présenter comme la solution au réchauffement climatique mais c’est en réalité un cheval de Troie pour ceux qui veulent maintenir le monde tel qu’il est. L’avenir c’est être un artisan. Pas un artiste. Un artisan. Au MOB Hôtel, nous nous revendiquons « Artisans Hôteliers ». Chaque projet est différent. Chaque projet nous prend des années à réaliser. Nous sommes des tortues et nous en sommes fiers…

Lorsque l’on pousse la porte d’un Mob Hôtel, on est frappé par votre capacité à attirer autant les riverains que les voyageurs de toutes origines socio-professionnelles. Beaucoup d’établissements y aspirent mais n’y arrivent pas… Quels sont les fondamentaux pour créer les conditions d’une telle démocratisation ? 

C.A : Ma réponse est simple. La démocratisation repose sur l’accessibilité pour tous en terme de prix. Si votre lieu est un récif « bourgeois » au milieu d’un quartier populaire et que vous avez des agents de sécurité en façade pour dissuader les riverains d’y venir alors vous n’êtes qu’un hôtel posé là, quelque part sans interaction avec votre quartier, votre ville et votre département. Au MOB, nous avons abrité gratuitement pendant trois ans CASA 93 (une école pour la mode destinée aux jeunes du 93), nous avons près de 40 jardins ouvriers pour les voisins, nos espaces extérieurs sont un des espaces privés d’intérêt général, nous avons créé un compost pour les déchets des voisins aux côtés des Alchimistes… Je ne peux pas tout énumérer mais vous pouvez trouver nos actions sur notre site.

© Paredes_MOB Hôtel

 

L’écologie sociale est aussi au cœur de votre projet. Pourriez-vous développer cet aspect ? 

C.A : L’écologie sociale est en effet le sel de MOB Hôtel. Cela fait des années que je milite sur les sujets de l’écologie… sociale. J’insiste sur ‘sociale’ car il est déterminant dans ma vision de ce que nous défendons. Nous pensons que seule l’écologie sociale permet de créer un lien entre l’urgence écologique et l’universalisme, l’humanisme. Nous sommes en effet inquiets de voir apparaître des courants dans l’écologie qui frôlent une forme de pensée totale. Je m’inquiète de ces dérives qui sont non seulement inefficaces mais en plus dangereuses pour la cohésion des âmes. C’est pourquoi au MOB nous soutenons à la fois nos coopératives BIO françaises puisque nous sommes en cours de certification BIO catégorie 3 (c’est-à-dire que tout est BIO au MOB), néanmoins nous n’hésitons pas non plus à travailler avec de petits artisans italiens pour nos farines.

Nous sommes locaux par le bon sens, mais pas localistes car cette idéologie peut nous conduire aussi à des glissements de terrains imprévisibles…Si je résume notre pensée l’écologie sociale est la pensée politique d’avenir, celle qui comme le veut à présent l’adage n’oppose pas « la fin du monde et la fin du mois ». 

Locomotive de l’écosystème touristique, le secteur hôtelier souffre énormément. Comment traversez-vous cette période ? 

C.A : Nous réfléchissons dix fois plus. Et nous travaillons cent fois plus. Comme Houellebecq, je crois que « le monde de demain sera le même qu’hier en pire », mais parce que je ne suis pas Houellebecq je ne peux me résoudre à cette vision trop rationnelle du monde présent. En tant qu’entrepreneur, et en tant que père de quatre enfants, je ne peux m’asseoir sur l’aspiration naturelle de l’Homme à l’espoir. Et l’espoir repose sur la pensée et le travail. Après plusieurs semaines, je dois avouer que nos chiffres sont plutôt très bons et nous arrivons même à frôler les 90 % d’occupation notamment à MOB Hôtel Lyon. Je crois que nous bénéficions de notre travail depuis des années sur la qualité de notre accueil, l’écologie sociale et la culture. Nos voyageurs sont un peu des militants de MOB, ils se sentent appartenir à un mouvement d’où une fidélisation extrêmement forte. 

Au philosophe que vous êtes, quel est votre regard sur la situation ?  

C.A : Mon regard tente de prendre un peu d’horizon. Il est urgent de penser, de lire et relire. Quand je parle ainsi certains trouvent cela utopique. Mais ils se trompent. Il vaut mieux lire Spinoza, Bergson, Léon Bloy, Huysmans ou Peguy que passer deux heures à répondre à des mails sans importance et qui détruisent votre capacité d’analyse. Souvent, moi qui suis entouré de jeunes collaboratrices et collaborateurs, je les incite à arrêter cette hystérie technologique qui ne produit souvent que des illusions de production. Je leur rappelle que Florence, Silicon Valley de la Renaissance, a donné au monde les plus beaux chefs d’œuvre de l’Humanité à une époque dénuée d’Instagram, de Twitter, de téléphone et d’ordinateur. Je sais que dans cinq siècles nous parlerons encore de VINCI, Michel-Ange… Qui se souviendra dans un siècle ou deux de Jeff Bezos, d’Elon Musk ou de la Silicon Valley ? 

Mon regard sur la situation est donc… devenons toutes et tous Artisans de nos vies. 

Le mot de la fin 

C.A : J’espère qu’un jour Forbes fera le classement des femmes et des hommes selon leurs milliards de désirs… cela ferait du bien au monde.

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