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Chronique d’Effectuation #12 – Eyenight, Une Fête Pour Mille Et Une Nuits

L’été touche à sa fin. Avec la rentrée, les amours de vacances comme les feuilles mortes se ramassent à la pelle. Septembre s’annonce bien triste. Et pourtant, une joie manifeste règne en ville. Vous les avez vus fiers comme Artaban porter leurs couleurs ; ou entendus leurs chansons de carabins et leurs refrains paillards. Pas de doute, les bacchanales étudiantes sont de retour ! Avec leur lot de bêtises et de calembredaines, cette année s’annonce chargée pour des parents inquiets et des étudiants peu assidus. Mais quel rapport existe-t-il entre les fredaines estudiantines et le sujet qui nous occupe, l’entrepreneuriat ? C’est que la fête n’est pas exempte des transformations digitales et numériques qui affectent notre société. Les entrepreneurs, les protagonistes de cette chronique, s’occupent aussi de « disrupter » les pratiques des événements nocturnes et festifs.

En deux mots : La Reine de la nuit.

 

 

Notre héros du jour est une héroïne, Charline Broche, la co-fondatrice d’Eyenight. Avec Guillaume Bailly-Salins et du haut de leurs 20 ans, ils ont réussi à faire de ce qui n’était qu’un projet académique une véritable entreprise. Lancée en 2014, Eyenight propose aux professionnels de l’événementiel festif et nocturne une solution de billetterie en ligne et d’encaissement cashless ainsi que des services de marketing, de communication et de prestations informatiques

Une autre plateforme est dédiée aux aventuriers nocturnes : elle permet de trouver un événement, de réserver et payer en ligne entrées et consommations, et de voir qui participe. Installée en Auvergne Rhône-Alpes, région dans laquelle Eyenight vend plus de 2 000 billets par mois en moyenne, la startup a acquis assez de notoriété pour vouloir s’étendre à l’échelle nationale et internationale.

Le problème. L’argent liquide nuit gravement à la fête. A consommer avec modération.

Eyenight, c’est avant tout l’histoire d’étudiants en « galère ». Charline et Guillaume en deuxième année de DUT n’ont plus de projet de fin d’études. Celui qui leur avait été assigné est annulé. Résultat, la validation de leur année est compromise. En dernière recours, ils jettent leur dévolu sur ce qu’ils connaissent le mieux : les soirées du Bureau des Étudiants (BDE). Leur expérience de première main les met dans une position privilégiée pour en finir avec les longues files d’attente, la perte de ticket, le manque d’information et les difficultés de paiement.

Eyenight trouve un écho plus large auprès des professionnels de la nuit. Ces derniers se tirent les cheveux pour se démarquer et gérer leurs paiements. Les billetteries traditionnelles noient leurs soirées au milieu des « pots de départ, des concerts et des conférences ». De plus, elles ne couvrent qu’une fraction de leurs transactions : impossible de réserver des extras, comme des consommations prépayées ou des places assises, ce qui ne résout pas leurs problèmes de suivi des transactions et donc de conformité.

L’idée. Sachez attendre, la nuit porte conseil

Rome ne s’est pas faite en un jour, Eyenight non plus. Les résultats de leur projet sont encourageants mais ne suffisent pas à Charline et à Guillaume pour se lancer dans l’entrepreneuriat. Ils estiment qu’il leur faut plus d’expérience et de moyens, « un bout de site et une badgeuse préhistorique » : c’est avec ça qu’ils réalisent leur « proof of concept ». Une réussite : professionnels et utilisateurs sont comblés.
Après cela, ils décident de continuer leurs études tout en gardant en tête qu’ils pourraient « faire du business ensemble » plus tard. Pour ces deux amis, la fin du projet universitaire marque aussi leur séparation : Guillaume part à Londres alors que Charline se rend à Paris étudier à Dauphine.

Guidés par leur « idée et de leurs tests réussis », ils renforcent l’année suivante leurs compétences entrepreneuriales et leur connaissance de l’écosystème. Entre l’incubateur de Dauphine, la CCI locale, Bpifrance et les événements divers auxquels ils participent, ils font le tour de ce nouvel univers. Quand des business angels s’intéressent à Eyenight, ils décident d’un commun accord d’arrêter leurs études et de s’associer. C’est une décision difficile mais qui leur semblait nécessaire : « il fallait que l’on puisse se donner à 100% au bon développement du projet». En 2016, ils adoptent le statut d’étudiant-entrepreneur dans le pôle Pépite Paris Sciences et Lettres (PSL) et se lancent dans l’aventure.

 

La mise en œuvre. Travailler nuit et jour.

Entre 2016 et 2017, tout s’enchaîne très vite. Entre la création de la société et la levée de fonds, ils sont obligés de grandir de « bébé-entrepreneur » d’une « bébé-entreprise » à la cour des grands. Cette évolution est d’autant plus brutale que leurs investisseurs sont internationaux et les traitent à l’anglo-saxonne, tough but fairComme beaucoup de start-up dans le web, la construction de leur plateforme demande un investissement de départ significatif. Ils décident de passer par une agence de développement, Geronimo. Après 3 mois, leur Minimun Viable Product sort en mai 2018, juste à temps pour la saison des festivals. Ils décident alors de revenir là où tout a commencé : Annecy. Le retour au bercail est le synonyme de légitimité et proximité auprès de leurs premiers clients, en plus du confort de la région dans une période qui s’annonce très mouvementée. Sereins, ils ne sentent pas isolés : « Annecy est au cœur de l’Europe, avec l’aéroport de Genève comme porte sur le monde ».

L’équipe s’agrandit par l’internalisation des compétences techniques. En plus de l’équipe fondatrice, ils embauchent trois développeurs ; ainsi qu’un alternant pour la communication et le marketing. Au contact des premiers clients, ils affinent leur modèle économique. En insistant sur un surcroît de vente et une gestion facilitée des flux de paiements, ils convainquent les gérants de boîte de nuit de leur verser des commissions. Pour les utilisateurs, ils construisent avec eux des services uniques, comme des options d’achat flexibles, qui leur permettent de créer une identité forte et de se détacher de la concurrence.

 

 

Les difficultés. A la chasse aux oiseaux de nuit.

En dépit de la qualité de leur plateforme et des services proposés, une des premières difficultés a été de se faire connaître. Les professionnels de la vie nocturne ne sont « pas simples à approcher ». Evoluer dans ce milieu demande de la patience : «beaucoup de contacts commerciaux mènent à une impasse ». Souvent, la seule façon de trouver une ouverture est une recommandation personnelle, de « venir de la part de ». Le milieu de la nuit est assez petit, « tout le monde se connaît, il suffit généralement d’en convaincre un pour que les autres vous accueillent à bras ouverts ».

Les finances. Faire sa fête au financement.

Il y a une autre difficultécelle de lever des fonds. Leur premier financement à hauteur de 380 000€ a été un processus long et plein d’incertitudes. Le complément de financement qu’ils espéraient trouver en Bpifrance n’est jamais arrivé et leur a donné quelques sueurs froides en termes de trésorerie. Un « loupé » d’autant plus amer que chaque minute passée à trouver des ressources n’est pas dépensée sur l’activité commerciale.

Pas de panique ! L’heure est à la précaution plutôt qu’à la précipitation. Eyenight recherche dans un court terme 100 000€ afin de tenir jusqu’à la prochaine levée de fonds Ils prévoient en effet de lever 500 000€ minimum dans les 6 prochains mois afin d’étoffer leur équipe technique et commerciale, notamment pour une couverture internationale. Cette levée leur permettra également d’élargir leur offre. Offre qui s’étend désormais au domaine du sport avec Eyesport : plateformes et outils dédiées aux professionnels de l’événementiel sportifs très prometteurs.

Et sait-on jamais… Moins préoccupés par leurs soirées ou par les matchs de foot,
les étudiants auront peut-être plus d’entrain à suivre leurs aînés, Charline et Guillaume.

Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Benjamin Heyriès d’Estimeo

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