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Anne Guérin (Bpifrance) : « Avec le Plan Climat, Bpifrance souhaite développer une intelligence climatique »

Conscientes que la transformation dans laquelle sont engagées les entreprises se joue au plus près des territoires, Bpifrance et la Banque des territoires ont lancé le « Plan Climat », un programme commun de près de 40 milliards d’euros pour la période 2020-2024. Anne Guérin, Directrice exécutive du Financement, du Réseau et du Plan Climat chez Bpifrance, nous présente son état d’avancement.


 

 

Comment en êtes-vous arrivée à piloter le Plan Climat ?

A. G. : J’ai rejoint Bpifrance il y a 30 ans comme chargée d’affaires. J’ai travaillé pendant 5 ans en  investissement puis j’ai repris la direction régionale Bpifrance Ile-de-France Ouest en 2008 et celle des Financements Internationaux en 2014 pour lancer une nouvelle activité de crédit export.

J’ai ensuite été nommée Directrice des Risques en 2016 et depuis le 1er janvier 2017, je dirige l’activité du Financement et le Réseau chez Bpifrance. Je pilote le Plan Climat depuis 2018 avec tout le réseau de Bpifrance. et nous sommes en lien direct et constant avec les chefs d’entreprise engagés dans leur transformation.

Tout l’enjeu de ce Plan est d’arriver à maintenir une activité économique beaucoup plus respectueuse et si possible neutre pour le climat. C’est un enjeu de compétitivité pour les entreprises – c’est même une question de survie. Notre rôle est également de contribuer à l’émergence de licornes vertes en France.

Quel rôle joue Bpifrance dans la course aux licornes vertes ?

A. G. : Nous avons un continuum de financement très puissant pour accompagner les entreprises et en particulier les Greentechs. Notre Plan Deeptech y contribue également car 60% des start-up financées dans ce secteur sont liées à des projets sur des enjeux environnementaux. Sur 17 projets de start-up industrielles, 11 d’entre elles sont liées à ces enjeux. Le sujet a d’ailleurs naturellement émergé de la part des entrepreneurs qui se sont rapprochés de nous.

Il y a un vrai souhait de leur part de trouver des solutions et nous sommes au rendez-vous pour les accompagner. Et de la même manière, l’environnement est un sujet qui intéresse de plus en plus les investisseurs et il y a des opportunités à saisir.

Comment évaluez-vous la maturité des écosystèmes français sur le sujet ?

A. G. : Compte tenu de la crise énergétique et des évènements climatiques de cet été (sécheresses, incendies et autres aléas), la pression est d’autant plus forte sur la nécessité de se saisir des enjeux de la transition bas-carbone. Les dernières études de Bpifrance Le Lab le confirment : 77 % des dirigeants de PME françaises déclarent connaître les notions de « scénario 2°C », d’« atténuation du changement climatique » et de « neutralité carbone », et 90 % indiquent s’informer sur les enjeux climatiques et environnementaux.

En revanche, 49 % répondent ne pas intégrer l’enjeu climatique dans la stratégie de l’entreprise, et seulement 32% affirment suivre les sujets climatiques en interne. Signe que les entreprises sont conscientes des enjeux mais une grande partie d’entre elles ne savent pas comment s’y prendre pour les intégrer dans leur stratégie.

C’est ce que vise justement le Plan Climat ?

A. G. : Avec le Plan Climat, Bpifrance souhaite développer une intelligence climatique au sein des entreprises. Nous avons en ce sens travaillé avec l’Ademe pour aménager le dispositif « TPE & PME gagnantes sur tous les coûts » : un programme d’accompagnement des entreprises de l’industrie, de la distribution, de la restauration

Ce diagnostic de sobriété est devenu en 2020 le « Diag Eco-Flux » et 1000 entreprises y ont eu recours depuis le lancement du Plan Climat. Ce diagnostic permet d’économiser en moyenne 16% de la consommation d’énergie et 30% de la consommation d’eau. Fin 2021 nous avons lancé le « Diag Décarbon’Action » aujourd’hui déployé auprès de 400 entreprises et qui rassemble tous les outils nécessaires aux entreprises qui n’ont jamais réalisé de bilan GES (Gaz à Effet de Serre) et qui souhaitent mieux maîtriser l’impact direct et indirect de leur activité sur l’environnement.

Plus récemment, nous venons aussi de lancer le « Diag Perf’Immo » afin d’engager les entreprises françaises dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments tertiaires. Un audit énergétique est prévu ainsi que la définition de plusieurs objectifs de performance énergétique pour se conformer aux obligations que prévoit le décret tertiaire d’ici 2030.

 


Anne Guérin : Ces crises climatiques ne font que renforcer la nécessité de mettre en transition les entreprises pour qu’elles s’adaptent à la nouvelle donne climatique et d’augmenter la production d’électricité verte


 

Où en êtes-vous dans vos objectifs ?

A. G. : Nous avons à ce jour déployé près de 45% de notre enveloppe allouée au Plan Climat et notre objectif pour 2023 est de tripler la mise en transition d’entreprises pour aboutir à 20 000 organisations en 2024. Depuis 2020, Bpifrance et la Banque des territoires ont permis de financer la rénovation thermique de près de 2 millions de mètres carrés de locaux d’entreprises, d’accélérer la mise en transition de 900 PME et ETI, de favoriser la sobriété énergétique de 1000 entreprises par des diagnostics ciblés ou encore d’engager 3,5 milliards d’euros dans 360 projets d’énergie renouvelable (EnR).

Nous souhaitons aussi favoriser l’émergence de solutions technologiques dans le domaine de la transition énergétique et environnementale (TEE) par un financement massif des Greentechs notamment via des aides à l’innovation, mais aussi via 100 millions d’euros d’investissement (dont 60% dans des Greentech industrielles).

En parallèle, nous avons aussi un rôle de sensibilisation aux enjeux climatiques à la fois auprès de nos équipes internes et celles des entreprises qu’on accompagne en particulier en investissement : nous challengeons les dirigeants sur leur trajectoire de décarbonation.

Généralement, cela passe par l’élaboration d’un indice de maturité climatique qui évalue, en fonction du secteur, la progression d’une entreprise vers des enjeux de transition écologique. Une fois le questionnaire réalisé, un référent Bpifrance est chargé de proposer des solutions concrètes pour aller de l’avant.

À vous entendre, une entreprise ne peut donc plus trouver d’excuses ? Qu’en est-il des plus petites entreprises ?

A. G. : Toutes les entreprises sont concernées car elles sont toutes le « Scope 3 » de quelqu’un d’autre c’est-à-dire qu’aujourd’hui même une petite PME industrielle est amenée à devoir rendre des comptes sur ces émissions auprès de ses parties prenantes. Concernant les plus petites TPE, ce sont les syndicats professionnels, les chambres de commerce ou encore les collectivités qui sont mobilisés pour opérer la sensibilisation aux éco-gestes. Car ces éco-gestes n’incluent pas de perte financière.

Il y a aussi un enjeu de convaincre que les premiers investissements sur des projets de transition bas-carbone ont généralement un bon retour sur investissement (ROI). Par ailleurs, nous proposons un « Prêt Vert » créé dans le cadre de France Relance aux pour les PME et ETI qui souhaitent financer un programme de transition écologique et énergétique sur le long terme. C’est un prêt à 10 ans sans garantie qui a aujourd’hui été déployé auprès de 1500 entreprises.

Si ces plus petites structures expriment un manque de temps et d’expertise, il est possible de recourir à l’aide « VTE vert » (Volontariat Territorial en Entreprise), permet à l’entreprise de recruter un étudiant de l’enseignement supérieur ou un jeune diplômé sur des missions à responsabilité. Ce jeune peut tout simplement devenir le bras vert du dirigeant et l’accompagner dans la mise en transition de son entreprise.

En lançant ce plan en 2020, vous n’imaginiez sûrement pas les crises multiples que nous traversons aujourd’hui…

A. G. : Nous ne pouvions pas prévoir ces accidents climatiques mais nous avions conscience de leur survenance – le GIEC l’a déjà prédit il y a quelques années. Ces crises ne font que renforcer la nécessité de mettre en transition les entreprises pour qu’elles s’adaptent à la nouvelle donne climatique et d’augmenter la production d’électricité verte. C’est d’ailleurs en ce sens que le gouvernement a annoncé l’adoption à l’automne d’un projet de loi d’accélération des énergies renouvelables afin de rattraper le retard de la France dans le déploiement de l’énergie éolienne et solaire.

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