Toray Carbon Fiber Europe : La Fibre De Carbone Va-T-Elle Révolutionner L’Industrie ?

Toray, leader mondial des composites, tisse sa toile dans la fibre de carbone depuis 20 ans, en particulier en France où il a investi plus d’un milliard d’euros sur le site de Toray Carbon Fiber à Lacq. Rencontre avec Jean-Marc Guilhempey – le PDG – pour nous parler du futur de l’industrie.

 

Toray, société leader mondial du composite, créée au Japon en 1926, est l’histoire d’une success-story. Celle d’une entreprise de fibre agricole, qui s’est très vite intéressée à une nouvelle technologie : la fibre carbone. Majoritairement présent dans les avions, ce matériau composite est indispensable à l’aéronautique. Une des raisons pour laquelle Toray s’implantera en France, via une joint venture avec Elf, dans le bassin de Lacq aux pieds d’Airbus (Toulouse), gros consommateur de fibre de carbone. Désormais filiale à 100 % de l’entreprise japonaise, Toray Carbon Fibers Europe regroupe 5 sites français et 420 salariés sous la responsabilité de leur PDG Jean-Marc Guilhempey, ancien ingénieur et responsable des travaux, qui a gravi tous les échelons depuis 35 ans. Son plus gros atout ? Avoir la confiance totale de la maison-mère japonaise (qui vient d’injecter 170 millions) mais aussi la passion qu’il voue à son métier : un produit de haute technologie – encore très cher – avec lequel il souhaite relever les prochains défis industriels. Rencontre.

 

 

Désirée de Lamarzelle : Comment Toray s’est-il implanté en France dans le bassin du Lacq ?

Jean-Marc Guilhempey : Le choix de Toray a été dicté par le développement de l’industrie aéronautique d’Airbus à Toulouse… et le bassin de Lacq était déjà réputé pour la qualité de ses techniciens. Vingt ans plus tard, Toray Carbon Fiber Europe fournit majoritairement de la fibre carbone en rouleau ou en morceau de tissu pour l’aéronautique dont les avions sont composés à 51 % de matériau composite. Avec nos cinq lignes de fabrication, nous produisons 5 200 tonnes par an. Soit 10% de la production mondiale, ce qui fait de nous le leader européen. Aujourd’hui, nous devons être au rendez-vous des différents développements technologiques.

 

Quels développements technologiques ? La pile à hydrogène pour les voitures ?

Les matériaux hautes performances que nous produisons ici répondent parfaitement aux défis actuels de nos sociétés, tels que l’environnement, l’énergie ou la mobilité durable. Les grandes industries doivent aujourd’hui prendre différents virages qui impliquent souvent la fibre de carbone. La légèreté et la résistance de la fibre de carbone font qu’on la retrouve aujourd’hui dans les constructions les plus sophistiquées, des avions de ligne aux Formule 1, des satellites aux éoliennes. Nous sommes bien entendu sur le vecteur du moteur à pile à hydrogène car composée à partir de fibre de carbone, c’est-à-dire une pile à réaction chimique qui produit un courant que l’on vient injecter dans les moteurs de voiture. La fibre de carbone permet également de réaliser des réservoirs à hydrogène qui sont ultrarésistants pour résister à la pression et ultralégers pour ne pas alourdir le véhicule. Le marché en Allemagne étant le plus mature en Europe avec des marques comme Audi ou BMW, nous souhaiterions commencer par ouvrir un bureau à Francfort et une usine de production de « carbone paper » à moyen terme.

 

Quelles sont les exigences des Japonais ?

Le travail bien fait et l’investissement personnel qui sont récompensés par la confiance qu’ils nous donnent. Nous sommes très autonomes dans nos choix d’investissement et de développement de nouveaux produits. Mais nous avons un rang de numéro un mondial à pérenniser. Le site de Toray Carbon Fiber Europe à Lacq constitue la plus grosse capacité mondiale de production de fibre de carbone de haute qualité et, si nous en sommes fiers, la concurrence reste rude. Rien n’est acquis. Dans un monde où la compétition est féroce, nous ne pouvons pas nous permettre le moindre faux pas. Il faut se battre tous les jours et chacun ici en est conscient.