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Repenser la stratégie à l’ère de l’intelligence artificielle : ou comment réinventer les pratiques de l’entreprise en cultivant l’intelligence artificielle et en apprenant à l’exploiter pleinement.

intelligence artificielle

Notre environnement est en pleine évolution. L’impact croissant des nouvelles technologies, l’émergence de nouveaux concurrents, le déplacement des zones de profit modifient durablement l’environnement des marchés. Ces changements amènent les entreprises à réfléchir aux évolutions à apporter à leur business model et aux choix potentiellement impactant d’investissement ou de repositionnement qu’elles doivent réaliser.

 

Au cœur de cette complexité croissante, l’intelligence artificielle (IA) représente un enjeu majeur pour de nombreuses entreprises qui l’intègrent de plus en plus dans leur réflexion stratégique. L’IA est devenue un élément incontournable pour créer de la valeur et augmenter les sources de profit. Elle autorise également une compréhension plus fine du comportement des consommateurs. L’IA tend ainsi à bouleverser l’approche marketing et commerciale des marchés. 

 

Pourquoi implanter une stratégie d’intelligence artificielle ?

Les facteurs de production classiques, le capital et le travail, ne sont plus en mesure de fournir à eux seuls la croissance à laquelle se sont habitués les pays développés. 

L’Intelligence Artificielle apparait comme un nouveau facteur de production, qui peut générer de nouvelles sources de croissance, changer notre façon de travailler et renforcer le rôle des salariés dans la performance de leur entreprise.

 

Pour construire sa stratégie basée sur l’IA, l’entreprise doit s’appuyer sur un process permettant une collecte de données suffisamment variées et pertinentes. Les algorithmes du Machine Learning (ML) ou du Deep Learning conduisent alors à la construction de modèles prédictifs. Pour autant, une attention particulière doit être apportée à la compréhension de la construction de ces modèles. Ceux-ci sont basés sur des données issues de situations passées susceptibles de se reproduire à l’identique, ou presque !

 

Par exemple, les forces de l’ordre utilisent des scénarii connus pour faire des projections et définir les moyens nécessaires pour faire face à des situations futures. La pertinence des décisions prises repose alors sur ce « presque », qui postule une similarité importante entre des situations vécues et des événements envisageables pour l’avenir. Au sein des entreprises, la qualité des décisions stratégiques est impactée par les ruptures économiques, sociales et règlementaires qui sont par nature difficiles à prévoir échappant ainsi à toute modélisation aussi structurée soit-elle. Dès lors, les propositions issues des algorithmes du machine learning ou du deep learning doivent être perçus comme des aides à la décision et ne peuvent se substituer à une réflexion humaine qui intègre davantage, ou mieux, l’incertitude. 

 

La masse de données collectées chaque jour ne cesse de se développer en raison de la multiplication des outils disponibles et des échanges associés (réseaux sociaux, blogs, sites internet, applications, navigateurs, plateformes digitales, etc.). Pour autant, la question de l’usage de ces données souvent mal maîtrisée ainsi que leur valorisation est un sujet dont les entreprises doivent impérativement s’emparer. En effet, la donnée est une ressource économique et concurrentielle devenue essentielle, dans une société qui se digitalise chaque jour un peu plus permettant ainsi d’anticiper et de répondre à des menaces, prédire des comportements ou tirer profit d’opportunités commerciales.

On entend par valorisation de la donnée tout processus qui permet de créer de la valeur à partir de données collectées et utilisées à l’aide de méthodes d’apprentissages automatisées : le Machine Learning ou le Deep Learning afin d’en tirer un avantage sur le marché. La valorisation des données au service des clients, des métiers et de la performance de l’entreprise ne se décrète pas. Elle procède de la mise en œuvre d’une approche structurée dont les intérêts et les limites ne sont pas toujours parfaitement cernés par l’entreprise. 

 

Une approche structurée

La donnée est devenue un actif stratégique pour les entreprises. La valorisation de celle-ci demande une approche structurée qui commence par la définition des variables utiles, une collecte qui assure la qualité des données récoltées en vue de leur utilisation efficiente et de rendements optimisés dans le cadre d’une recherche de création de valeur.

 

Quelle approche possible pour une stratégie réussie basée sur l’IA ?

1 – Pas d’exploitation des données sans réelle transformation

Beaucoup d’entreprises n’ont pas pris conscience de la valeur créée par les données dont elles disposent. Celles-ci sont encore trop souvent utilisées à travers un outil de base servant de CRM. Ces données sont sous-exploitées, utilisées principalement pour du reporting, et non comme une valeur stratégique exploitable économiquement.

La mise en place d’une véritable organisation data driven n’est pas encore considérée comme un élément essentiel de la stratégie. C’est une erreur qui peut s’avérer fatale pour un nombre croissant d’activités de l’entreprise. L’entreprise qui considère la donnée comme un actif à part entière s’engage dans un chemin qui remet en cause des modes de fonctionnement et nécessite une vraie transformation de l’organisation. Par conséquent, les directions générales ont un rôle majeur à jouer en impulsant le changement, en montrant le chemin à suivre et en donnant les moyens par des investissements soutenus. 

 

2 – Une gouvernance et des axes stratégiques clairement définis.

Une gouvernance, un pilote et des ressources techniques basés sur un système d’information et d’outils permettant d’exploiter les donnéesregroupés autour de la plateforme data / IA de l’entreprise doivent être initiés. Il ne s’agit pas de refaire l’histoire mais d’écrire un nouveau chapitre de la vie de l’entreprise en partant du postulat que la plupart du temps, la base technique est déjà présente dans l’entreprise. Il convient alors de la faire évoluer pour relever les nouveaux défis de l’approche stratégique basée sur l’Intelligence Artificielle. Les nouvelles approches du cloud ou de la virtualisation des données présentent d’ailleurs de multiples avantages pour construire une plateforme data agile et « scalable ».

 

Par ailleurs l’utilité et l’usage qui seront fait de l’exploitation des données doivent être clairement explicites au sein de l’entreprise. Les impacts concrets et des bénéfices attendus doivent être mis en avant. Plus les messages seront clairs, plus l’appropriation sera grande et plus efficiente sera la transformation de l’organisation. Mais encore faut-il identifier les bons cas d’usage, ceux qui répondent aux besoins métiers ou permettent d’innover. 

 

3 – L’importance de l’industrialisation des données

Être conscient du potentiel de ses données est une chose, prouver qu’elles apportent vraiment une valeur ajoutée en est une autre. L’industrialisation de l’exploitation des données garantit et confirme les espoirs exprimés en amont de la démarche.

 

À ce stade Il s’agit de coordonner les étapes essentielles pour la réussite du process d’industrialisation. On peut citer trois étapes majeures : 

Comprendre les données : il est indispensable de comprendre ces données et d’identifier les celles susceptibles de créer le plus valeur. On peut facilement imaginer que beaucoup de ces données ne soient pas utilisées en fonction du cas d’usage souhaité. Il arrive aussi que le proccess demande une investigation complémentaire. Le recours à l’Open Data ou d’autres sources de données permet alors de confirmer ou d’infirmer certaines hypothèses. 

 

Explorer les données : La deuxième étape consiste à déterminer la pertinence des variables traitées en usant d’indicateurs (dispersion, catégorie, saisonnalité…). Ces caractéristiques informent sur la capacité de ces variables à apporter des éléments de réponse au problème posé. 

 

Préparer les données : On parle ici de « pré-processing » et de « feature engineering ». 

Le « pré-processing » permet la suppression des variables présentant une dispersion trop faible trop faibles, trop de valeurs manquantes, ou aberrantes. Le « feature engineering » est parfois appliqué pour compléter la préparation. Celui-ci permet de calculer de nouvelles caractéristiques utiles aux futurs modèles sur la base de données actuelles. 

 

Les données sont maintenant prêtes à être exploitées de façon opérationnelles pour faciliter la meilleure valorisation possible. On s’appuiera alors sur des arbres de décisions, des algorithmes de regroupement (clustering), des méthodes de régression, ou encore de catégorisation (apprentissage supervisé ou non supervisé). Ces différentes approches peuvent apparaître très pointues (elles le sont). Mais elles sont déterminantes pour garantir la réussite de la stratégie basée sur l’IA. Pour mieux comprendre l’importance de ces méthodes, citons simplement trois domaines dans lesquels les résultats serviront à qualifier ou non la donnée : 

 

La prédiction : en analysant l’historique et les tendances, la prédiction permet d’anticiper les ventes, l’évolution des comportements des consommateurs selon tel ou tel critère, la saisonnalité des ventes ou encore l’état des stocks.

 

Les anomalies : il s’agit ici de détecter les données qui ne sont pas cohérentes avec l’ensemble des données collectées, puis de déterminer si l’anomalie est avérée (on rectifie) ou aberrante (on cherche alors à comprendre pourquoi).

 

La création de typologies : Elle consiste à regrouper des informations parcellaires dont la réunion fait sens (des clients de différentes régions présentant des caractéristiques communes (la CSP, le niveau de vie, des préoccupations similaires ou une structure de consommation identique).

 

Cette phase d’industrialisation terminée demandera alors de compléter la réflexion sur au moins les points suivants : 

 

  • La protection des données : le règlement européen RGPD constitue un cadre légal auquel chaque entreprise est tenue de se conformer. 
  • Le respect d’une éthique de l’Intelligence Artificielle : l’application du règlement européen, nommé AI Act vise entre autres à ce que les systèmes d’IA mis sur le marché européen soient sûrs et respectent les droits fondamentaux des citoyens et les valeurs de l’UE.
  • La souveraineté des données : la souveraineté consiste pour les organisations à protéger la gestion de leurs données à travers le respect des lois des pays dans lesquels elles sont hébergées. Le contrôle de ses données inclut donc une dimension géographique. Dans la pratique, la provenance du « Cloud provider » utilisé définit le cadre juridique à appliquer. Lorsque les informations personnelles sont stockées sur un Cloud français, elles sont soumises à la législation française et européenne. En revanche, si elles sont stockées sur un cloud américain, les données sont régies par les lois américaines. 
  • La réduction de l’empreinte carbone des projets data

 

« Ce n’est pas parce que ça ne se voit pas, que ça ne pollue pas », phrase souvent entendue et convenue qui correspond pourtant bien à une réalité. Chaque jour nous produisons un volume considérable de données et leur exploitation est consommatrice d’énergie, notamment lorsqu’on met en œuvre des algorithmes d’apprentissage profond. 

 

Conclusion : 

La pertinence des technologies issues de l’IA n’est plus en question. Le caractère mature de ces technologies s’affirme également un peu plus chaque jour. Nous nous trouvons à un point où leur adoption devient un facteur clé pour accroitre la performance d’une entreprise. Les gains sont aussi évidents qu’importants, que ce soit pour automatiser les traitements via RPA (Robotic Automatisation Process) permettant de se focaliser sur les tâches à forte valeur ajoutée ou encore pour émettre des recommandations clés basées sur un volume important de données.

 

Une stratégie intégrant l’IA doit s’inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise, elle relève donc d’une approche systémique. Il ne faut surtout pas croire un seul instant que cette technologie sera la solution pour développer la structure. Le bon réflexe est bien sûr d’intégrer l’Intelligence Artificielle dans le schéma de réflexion de développement de l’entreprise. Pour autant, l’Intelligence Artificielle n’est pas une finalité en soi, mais plutôt un outil permettant d’atteindre des objectifs stratégiques cohérents avec l’ensemble des axes stratégiques de l’entreprise. Les dirigeants d’entreprises doivent intégrer cette technologie avec un regard pragmatique. Ils doivent être conscients de ses forces et limites et prendre soin de toujours garder la maîtrise des process.

 

Article rédigé par :

Pascal MONTAGNON – Directeur de la Chaire de Recherche Digital, Data Science et Intelligence Artificielle – OMNES EDUCATION

Eric BRAUNE – Professeur associé – INSEEC Bachelor 

 

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