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Pourquoi La Raison D’Être Dans Les Entreprises Est Plus Qu’Un Effet De Mode ?

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Le sujet du sens en entreprises est devenu populaire au point de susciter parfois des réactions dubitatives de la part de certains observateurs. Cette thématique est pourtant loin d’être éphémère et s’est installée durablement dans le monde des entreprises.

Juin 2012. Best Buy, le géant américain de la distribution de produits électroniques grand public est sur le point de mourir. Son PDG vient de démissionner, ses résultats sont catastrophiques et les experts prévoient que la croissance insolente d’Amazon mettra un point final à l’activité de ce distributeur historique. Hubert Joly, alors CEO de Carlson Wagon Travel, prendra les rênes de ce revendeur moribond et deviendra l’acteur d’un redressement aussi impressionnant qu’inattendu. Impressionnant parce que sous son leadership, le cours de l’action a été multiplié par 4, les ventes n’ont cessé de croître pendant plus de 5 ans et l’entreprise a renoué avec la profitabilité même au-delà des attentes. Inattendu, parce que ce nouveau PDG a délibérément décidé d’articuler sa stratégie autour de la création de sens. En revisitant le rôle de Best Buy en tant qu’acteur sociétal et pas seulement économique il a réussi à inscrire l’entreprise dans une dynamique de croissance.

Cet exemple, alors assez atypique, semble aujourd’hui se généraliser pour s’inscrire dans la durée. Et ce pour plusieurs raisons.

Parce que raison d’être rime avec performance économique et financière

Contrairement à une idée reçue, les leaders qui choisissent d’accorder une place stratégique à la question du sens ne sont ni des idéalistes aveuglés ni une nouvelle race d’anticapitalistes. Ils ont simplement une vision plus élargie de leur rôle, où ce que l’on fait et pourquoi on le fait occupent une dimension centrale. Une vision où le sens est à la fois au service d’un objectif plus grand que les résultats financiers, mais également un vecteur de croissance et de performance économique. Bill Georges, ancien CEO de Medtronic, est un promoteur convaincu de cette question du sens. Cette vision de la stratégie n’aura pourtant pas empêché cet ancien board member de Goldman Sachs de faire croître la valeur de sa société de 1 milliard de dollars en 1991 à 60 milliards de dollars en 2001.

Mais l’illustration la plus frappante de l’intrusion du sens dans le monde du business vient peut-être de la lettre qu’a envoyée Larry Fink, patron de BlackRock aux CEO des plus grandes entreprises. Celui qui est à la tête d’un fond d’investissement représentant le capitalisme anglo-saxon, n’hésite pas à déclarer que les entreprises doivent se doter d’une authentique raison d’être (cela ne doit pas se limiter à un slogan marketing) et faire en sorte de contribuer à l’amélioration des problèmes du monde !

Une telle approche permettant de booster les performances financières dans la durée a peu de chances d’être abandonnée !

Un mouvement collectif impliquant de multiples acteurs

 Loin d’être isolée, l’approche centrée sur la raison être bénéficie de multiples promoteurs. En France, les grands groupes ont montré qu’ils pouvaient être au rendez-vous. Ainsi, lorsqu’il était à la tête de Michelin, Jean-Dominique Senard (aujourd’hui CEO de Renault Nissan), n’avait de cesse d’articuler la raison d’être du groupe « offrir à chacun une meilleure façon d’avancer » en précisant qu’elle s’appliquait à toutes les parties prenantes de l’entreprise, y compris ses salariés lorsqu’il s’agit de leur développement. Plus récemment, Yves Rocher, à l’initiative de Bris Rocher, son CEO, a décidé de se redéfinir autour d’une ambition partagée consistant à « reconnecter les gens à la nature ». Mais les grandes entreprises ne sont pas les seules à adopter cet état d’esprit et une nouvelle génération de leaders, via les start-ups, a décidé de prendre le relais. Mathieu Nebra et Pierre Dubuc, fondateurs de la plateforme d’apprentissage OpenClassrooms déclarent en effet que leur finalité est « de rendre l’éducation accessible – partout, pour tout le monde », au lieu de se définir simplement comme un site web sur lequel on peut suivre des cours.

A côté des entreprises, les cabinets de conseil en stratégie se sont positionnés ouvertement sur ce segment, contribuant ainsi à sa diffusion. EY, par exemple, en lançant le EY Beacon Institute dont la finalité est de conseiller les entreprises à placer la raison d’être au cœur de leur stratégie, ou encore BrightHouse, une entreprise du BCG. Le concept de sens a également fait une intrusion dans les conseils d’administration. La British Academy vient notamment de publier un rapport énonçant les principes de la raison d’être dans les entreprises, deux d’entre eux étant centrés sur la gouvernance et l’implication des administrateurs.

Enfin, les organisations qui préparent les jeunes d’aujourd’hui à devenir les leaders de demain, les plus grandes business schools au monde, se sont également emparées de cette thématique. La prestigieuse université de Berkeley en Californie l’a bien compris en intitulant l’une de ses valeurs « Beyond Yourself » invitant ainsi ses étudiants à considérer leur leadership et contribution au-delà de leur intérêt personnel. Dans le même registre, HEC Paris a créé une chaire de « Purposeful Leadership » en 2018. Peter Todd, directeur général de l’institution considère en effet que la mission de l’école est de « former les leaders de demain, qui comprennent que leurs responsabilités vont bien au-delà des résultats financiers, et qu’ils peuvent contribuer au bien-être de l’ensemble de la société ».  Cet écosystème d’acteurs multiples est la preuve que le sujet est là pour durer.   

Une exigence du consommateur

Enfin, à l’origine de cette révolution se trouve le consommateur. Qu’il soit de la génération Y, Z ou X (les millennials ayant eu la particularité d’avoir un comportement contagieux !) ses attentes ont considérablement évolué. Sa défiance croissante vis à vis du discours traditionnel des marques a nécessité que ces dernières se remettent en question. Toute chose égale par ailleurs, le consommateur veut aujourd’hui qu’on lui parle de valeurs et pas seulement de produit. Peu de chances que les marques se désintéressent de ce qui leur permet de générer du revenu.

Au-delà de l’individu « consommateur », l’individu « employé » est également un moteur puissant de cette tendance de fond. En effet, l’étude réalisée régulièrement par Gallup montre que l’engagement des employés ne dépasse pas 34% et que l’introduction du sens a un effet positif sur ces mauvais chiffres. Les entreprises l’ont bien compris et ne sont pas prêtes d’abandonner le sujet du sens tellement il est devenu crucial pour motiver les individus. Individus qui eux-mêmes s’intéressent de plus en plus à leurs motivations profondes selon Nick Craig, Président du Core Leadership Institute. Ce chef d’entreprise, qui a aidé des milliers de leaders d’ING, Unilever, GE et autres groupes, à explorer leurs motivations intrinsèques constate que de plus en plus d’entreprises accompagnent leurs managers dans cette quête de sens. Signe que cette thématique est pérenne et touche un large public, les studios Pixar de Disney y consacreront leur prochaine production « Soul » attendue en 2020.

Les mentalités ont tellement évolué que la fonction même de manager est parfois revisitée. Ainsi, Jennifer Dulski, anciennement Head of Groups & Communities chez Facebook a récemment introduit la notion de manager activiste dans son livre « Purposeful, Are You a Manager or a Movement starter ? ». Une évolution qui en dit long sur ce phénomène.

En Août 2019, 181 CEO des plus grandes entreprises américaines se sont officiellement engagés dans une dynamique de long terme en signant une déclaration stipulant que le rôle des organisations ne pouvait se limiter à la satisfaction exclusive des actionnaires. En France, la loi Pacte a aussi droit à son chapitre sur la raison d’être, signe que ce sujet est là pour s’inscrire dans le temps. L’influence des nouvelles générations au sein même de la sphère familiale est également susceptible d’ancrer durablement cette idée dans les mentalités. Car comme le dit Edward Freeman, le père de la théorie des parties prenantes, « pouvons-nous rentrer chez nous après une journée de travail et raconter quelque chose dont nous sommes fiers à nos enfants ? ».

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