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Passeport vaccinal : atout pour le tourisme ou vecteur de discrimination ?

passeport vaccinalSource : Getty Images

Pour rouvrir leurs frontières et relancer leur économie, de nombreux gouvernements  envisagent de mettre en place un « passeport vaccinal » ou un « certificat d’immunité » afin de permettre aux voyageurs vaccinés contre la Covid-19 de se déplacer à nouveau en toute sécurité. Néanmoins, certains craignent que l’obligation de posséder un passeport vaccinal pour voyager ait pour effet d’instaurer une discrimination à l’égard des personnes n’ayant pas encore accès au vaccin.

 

Il n’existe pour l’instant aucun consensus sur le fonctionnement du passeport vaccinal. Toutefois, de nombreux gouvernements souhaiteraient qu’il prenne la forme d’une application pour smartphone qui contiendrait les informations relatives à la vaccination du voyageur. Ces informations pourraient ensuite être vérifiées avant l’embarquement. L’Association internationale du transport aérien (IATA) a mis au point un système baptisé « Travel Pass » qui fournirait aux voyageurs des informations sur les tests et les vaccins obligatoires pour leur pays de destination. Par ailleurs, ce passeport numérique contiendrait également les résultats des tests PCR ou antigéniques ainsi que le certificat de vaccination du passager. Ces informations seraient délivrées directement par les professionnels de santé.

Le Royaume-Uni étudie la possibilité d’instaurer un passeport vaccinal qui permettrait aux personnes de voyager, de séjourner dans des hôtels ou d’assister à des spectacles. Selon Bloomberg, des entreprises dans le secteur des technologies, comme iProov ou Mvine, ont mis au point des applications qui sont actuellement testées par le National Health Service (NHS, Service britannique de santé). L’Union européenne (UE) a présenté mercredi son « passeport vert numérique ». Ce passeport permettrait aux Européens qui ont reçu le vaccin de voyager librement en Europe pour le travail ou pour les loisirs, et d’éviter ainsi les restrictions. Aux États-Unis, la société Clear teste actuellement une application qui permet de consulter les informations relatives aux vaccins ou aux tests PCR des passagers sur certains vols à destination d’Hawaï, dans le cadre d’un programme pilote avec cet État américain.

Le passeport vaccinal ne sera pas réservé qu’aux voyages. La société américaine spécialisée dans la vente et la distribution de billets de spectacle, Ticketmaster, a déclaré étudier différentes options pour les organisateurs d’évènements souhaitant exiger des participants qu’ils présentent une preuve de vaccination. Cela permettrait aux détenteurs de billets pour un évènement de lier leur carnet de vaccination à leur billet numérique.

Néanmoins, le passeport vaccinal fait l’objet de nombreuses critiques. Certains s’inquiètent du respect de la vie privée et des répercussions discriminatoires d’un tel système. En effet, la campagne de vaccination n’avance pas au même rythme dans tous les pays (certains pays n’ont d’ailleurs toujours pas accès aux vaccins). Parfois, au sein d’un même pays, certaines régions sont en retard par rapport à d’autres. L’organisation Liberty (organisme de défense des libertés fondamentales au Royaume-Uni, NDLR) a déclaré dans un communiqué de presse le mois dernier : « Ces soi-disant passeports prétendent garantir un retour à la vie normale pour ceux qui peuvent prouver qu’ils sont immunisés contre le coronavirus. Cela soulève une question essentielle : qu’en est-il pour les autres ? […] Toutes les propositions ont oublié un élément primordial : il est impossible de mettre en place un passeport d’immunité sans violer les droits humains ». En janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déclaré que les gouvernements ne devraient pas, pour l’instant, « introduire comme condition d’entrée une exigence de preuve de vaccination ou d’immunité pour les voyages internationaux. »

Le déploiement inégal des vaccins à travers le monde, l’avancement irrégulier de la campagne de vaccination à l’échelle mondiale et les différentes approches concernant l’instauration d’un passeport vaccinal vont à l’encontre de l’objectif dudit passeport vaccinal. De plus, tous les vaccins ne sont pas autorisés dans les mêmes pays. Par exemple, la Chine a repris l’examen des visas pour les étrangers en provenance de certains pays. Toutefois, les autorités chinoises n’accorderont le visa qu’aux personnes vaccinées avec un vaccin fabriqué en Chine. Selon Politico, le système de passeport numérique proposé par l’UE couvre principalement les vaccins contre la covid-19 approuvés par l’UE. Néanmoins, les États membres pourront accepter l’entrée de personnes vaccinées avec les vaccins russe ou chinois. De même, les États-Unis pourraient être confrontés à un dilemme avec les vaccins étrangers qui n’ont pas encore reçu l’homologation au niveau national (par exemple, le vaccin AstraZeneca).

Les personnes qui travaillent sur la mise en place d’un passeport vaccinal sont conscientes que le développement d’un tel système à l’échelle mondiale sera un réel défi. Drummond Reed, directeur du service fiduciaire d’Evernym, qui a travaillé avec l’IATA, a déclaré au New York Times : « Il a fallu 50 ans pour mettre au point le système de passeport mondial… Aujourd’hui dans un délai très court, nous devons produire une pièce d’identité numérique pouvant être aussi universellement reconnue qu’un passeport et qui nécessite un niveau de confidentialité encore plus élevé parce qu’elle sera numérique ».

La possibilité que le passeport vaccinal devienne permanent inquiète également l’opinion publique. André Rogaczewski, PDG de Netcompany, qui a reçu des fonds du gouvernement britannique pour mettre en place un système de certification des tests, a déclaré au Financial Times que, selon lui, les systèmes de certifications des vaccins et des tests ne devraient être utilisés qu’à court terme et « devraient mourir en temps voulu. » La durée de vie d’un tel système pourrait dépendre du temps nécessaire à la vaccination de l’ensemble de la population mondiale. Selon un rapport publié par l’Economist Intelligence Unit en janvier, les pays développés pourraient être en mesure de vacciner l’ensemble de leur population adulte d’ici 2022. Cependant, certains pays à faible revenu pourraient devoir attendre jusqu’en 2024.

Le président américain Joe Biden a promis l’accès aux vaccins pour toute la population adulte aux États-Unis d’ici la mi-mai. Sa stratégie nationale de lutte contre la pandémie de coronavirus comprend également une directive demandant aux agences gouvernementales « d’évaluer la faisabilité » de lier les vaccins contre la covid-19 aux certificats de vaccination internationaux, et ainsi de produire des versions numériques de ces derniers. On ne sait pas encore si le gouvernement Biden optera pour une approche fédérale unifiée ou s’il s’en remettra plutôt à des organismes privés.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Siladitya Ray

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