Descendante directe de Pierre-François-Pascal Guerlain, fondateur de la maison Guerlain rachetée par le groupe LVMH en 1994, Patricia de Nicolaï a créé avec son mari Jean-Louis Michau sa propre marque de parfum à la fin des années 80. L’entrepreneure a été la première femme à recevoir le Prix International du Parfumeur-Créateur décerné en 1988 par la Société Française des Parfumeurs pour son parfum Number One Intense. En trente ans, NICOLAÏ PARFUMEUR-CRÉATEUR a réussi à se faire un nom parmi les fleurons de la parfumerie d’art française.
Rencontre avec Axel Michau de Nicolaï, Directeur Général et actionnaire de la société familiale.
Comment avez-vous réussi à préserver votre indépendance depuis la création de Nicolaï en 1989 ?
Mes parents ont transmis le capital de la société à leurs enfants il y a longtemps. Cette anticipation a permis de mettre en place une stratégie adaptée afin d’assurer la pérennité de l’entreprise et de préserver son patrimoine olfactif.
J’ai pris mes fonctions à la direction générale de l’entreprise familiale en 2014.
La société se concentre sur sa croissance interne. L’endettement est inexistant. Le Conseil d’administration est familial.
En trente ans, NICOLAÏ PARFUMEUR-CREATEUR a construit une véritable marque d’auteur autour de sa collection de parfums d’exception. La maison s’est aussi développée dans la création de parfums d’ambiance. Ce segment représente 30 % de notre activité.
Notre Maison a créé un écosystème unique. Nous sommes une des très rares marques françaises indépendantes à intégrer et à maîtriser à la fois la création, l’achat des meilleures essences naturelles, la fabrication et la distribution en propre de notre collection.
Axel et Patricia de Nicolaï
Quel est le processus de création de la Maison Nicolaï ?
Le laboratoire maison est situé juste derrière notre boutique parisienne à deux pas du Palais Royal.
Les fragrances sont entièrement imaginées et conçues en interne.
Je m’investis comme évaluateur dans les créations olfactives de Patricia. Le parfum Ambre Cashmere Intense sorti en 2015 est notre première collaboration. Nous formons un tandem « mère-fils ».
Notre ligne directrice se retrouve dans le sillage unique de tous nos parfums. Certaines matières premières préférées de Patricia sont travaillées sous forme de bases qui sont utilisées comme un socle commun dans la création de nouvelles senteurs. Elles donnent une signature olfactive à la collection qui est l’ADN de la marque.
La composition des formules nécessite de multiples essais, ce qui demande du temps (le temps est libre, il est non soumis à un agenda marketing). Nos parfums ne sont pas linéaires, ils ne se dévoilent pas d’un bloc. Ils sont évolutifs et élaborés sur la durée de diffusion. Le but étant d’avoir une volatilité s’articulant sur chaque facette du parfum pour lui donner une vie olfactive tout au long de la journée.
Outre son style créatif, Patricia choisit, telle une artiste, les ingrédients synthétiques les plus innovants assemblés aux meilleures matières premières naturelles sans se laisser brider par des contraintes budgétaires. Le prix de celles-ci n’est pas une barrière. Par exemple, l’essence de Oud du Cambodge s’achète en fonction de la disponibilité à un prix de l’ordre de 25 000 euros le kilogramme. Cet ingrédient naturel et rare entre dans la composition de notre Elixir de Parfum Oud Sublime. D’autres matières nobles comme le Néroli Tunisie, le Jasmin Egypte, l’essence de Rose Turque ou encore le Beurre d’Iris sont souvent utilisées dans nos parfums.
Les fragrances emblématiques de la marque sont Patchouli Intense et Fig Tea pour les parfums et Maharadjah pour l’ambiance maison.
Patricia, toujours à la tête du laboratoire, compte encore travailler longtemps la création, tout en transmettant son savoir-faire à une jeune équipe qu’elle forme.
Quelle est la prochaine étape du développement de votre société ?
Le chiffre d’affaires est passé de 3,6 millions d’euros en 2014 à 9 millions en 2018. La société emploie désormais 31 personnes contre 13 en 2014.
Face à la hausse des volumes de production, l’atelier s’équipe et se professionnalise. Cet investissement est nécessaire pour augmenter les capacités de la deuxième macération de nos parfums contenant tous une grande quantité de matières premières naturelles. C’est une étape primordiale dans notre processus artisanal de fabrication.
Notre société a les ressources nécessaires pour envisager un développement à l’international à plus grande échelle. L’export représente aujourd’hui 65% de notre chiffre d’affaires.
Forts du succès de nos boutiques parisiennes et londoniennes, nous pourrions envisager un déploiement du réseau en propre dans d’autres villes stratégiques.
Quel est votre réseau de distribution ?
Notre marque s’est construite à partir d’un réseau physique intégré. Nos boutiques en propre présentent notre univers et nos créations. Cette proximité nous permet d’être en contact direct avec notre clientèle locale et touristique.
Nicolaï dispose de sept boutiques à Paris, deux à Londres, une à Shanghai et une autre au sein du Dubaï Mall aux Émirats arabes unis. Ce réseau est complété par 200 de points de vente installés à travers le monde par le biais de corners personnalisés dans les grands magasins ou des boutiques de luxe spécialisées dans le parfum, en direct ou via des distributeurs-partenaires.
Boutique Nicolaï Shanghaï
Un plan de rénovation de nos boutiques parisiennes a été conçu afin d’uniformiser l’expérience client et de personnaliser l’identité visuelle de la marque.
Un nouveau concept a été inauguré dans notre boutique pilote du 31 rue de Chartres à Neuilly sur Seine (en 2016) puis a été développé dans notre boutique londonienne et au 45 rue des Archives. Le flacon est mis à l’honneur.
Le site internet représente 10% de notre chiffre d’affaires. La croissance de notre boutique en ligne est de 30% par an.
Le prix public moyen d’un flacon 100ml est de l’ordre de 160 euros TTC.
Présentez-nous votre usine made in France et 100% made in Nicolaï ?
NICOLAÏ PARFUMEUR-CRÉATEUR possède sa propre usine de production et de conditionnement uniquement dédiée à la marque. Cet atelier d’une superficie de 1600 m2 est situé à La Ferté-Saint-Aubin au sein du pôle de compétitivité de la « Cosmetic Valley ».
Une fois les créations validées puis fabriquées à Paris, le concentré de parfum est envoyé à l’usine. Sept artisans élaborent le processus de fabrication : mise sous alcool, contrôle de la macération, glaçage, filtrage, conditionnement et empaquetage… la plupart des étapes sont toujours manuelles.
Le packaging est conçu en France. Tous les flacons de parfum sont cachetés à la cire noire, à la main avec les initiales PN. Les bougies parfumées sont coulées à la main. Elles sont composées de cire naturelle.
Le contrôle de la qualité des produits est totalement maîtrisé. Notre réseau intégré de boutiques et les revendeurs agréés du monde entier s’approvisionnent tous auprès de notre usine.
Quelle est votre actualité récente ?
Pour célébrer les 30 ans « d’Authenticité et d’Indépendance » de la société, nous avons créé un nouveau parfum Baïkal Leather Intense. A la recherche d’un parfum cuir, Patricia de Nicolaï a été inspirée, lors d’un long voyage dans le Transsibérien, par ces grandes forêts sibériennes de bouleau qui s’étendent à perte de vue.
Loin d’un cuir brutal et clinquant, c’est le côté doux et velouté du tannage d’une peau de daim qui a guidé la création de Baïkal Leather Intense.
Quelle est votre contribution au niveau de la profession
Depuis 2008, Patricia de Nicolaï est la présidente de l’Osmothèque, conservatoire international des parfums. Cette « banque de données olfactives » située à Versailles au sein de l’Isipca* est constitué de 4000 parfums dont 800 disparus des circuits commerciaux. Un certain nombre d’entre eux sont considérés comme des grands chefs-d’œuvre. Véritable patrimoine de notre industrie, ce lieu représente l’histoire de la création en parfumerie.
Suivez l’actualité de Christian Razel et de RoccaBaracca sur:
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*Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l’aromatique alimentaire
Boutique Nicolaï Dubaï
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