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Newcastle United : L’Arabie Saoudite Va-T-Elle Racheter Le Club ?

Newcastle UnitedCrédit photo : Getty Images

Plus les semaines passent, plus le possible rachat du club anglais Newcastle United par un consortium saoudien, soutenu par le prince héritier Mohammed ben Salmane, fait débat.

Depuis la pandémie de Covid-19 et les allégations de piratage qui auraient été organisés à l’encontre de membres éminents de la famille royale saoudienne, le rachat de Newcastle United pour un montant de 380 millions de dollars n’est plus si sûr. Les parties prenantes du contrat ne sont plus aussi déterminées qu’il y a quelques semaines : Mike Ashley (propriétaire du club), l’Arabie saoudite et la Premier League ont désormais tous de bonnes raisons de ne pas mener à terme ce projet, que nous allons analyser dans l’article ci-dessous.

 

 Premier League

Pour la Premier League, ce rachat potentiel est un véritable champ de mines géopolitique, en raison notamment des allégations du groupe beIN Sports, qui affirme que l’Arabie saoudite est impliquée l’affaire beoutQ. Selon le média qatari, la chaîne saoudienne beoutQ aurait diffusé illégalement des événements sportifs sur des décodeurs TV individuels, en utilisant des chaînes pirates. L’Ambassade d’Arabie saoudite à Londres et le Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite se murent dans le silence, et ont refusé de répondre à nos questions. Le pouvoir est à ce jour dans les mains de la Premier League, qui mène une enquête sur les intéressés.

Il faut savoir que les droits de diffusion représentent une large part des recettes de la Premier League. Si l’Arabie saoudite venait à s’immiscer dans ses affaires, le championnat anglais pourrait perdre une partie de ses 11 milliards de dollars de chiffre annuel. Un porte-parole du groupe beIN Media a déclaré à Forbes qu’en l’état des choses, si la vente était conclue, cela équivaudrait à vendre Newcastle United à un pays qui n’a même pas les droits de diffusion du club anglais.

La polémique lancée par beIN est à la une depuis plusieurs semaines déjà, et avait commencé pendant l’affaire beoutQ. Selon beIN, qui dispose des droits de diffusion de la Premier League au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, plus de 3 millions de décodeurs beoutQ seraient en circulation en Arabie saoudite, diffusant des programmes de manière illégale (pas seulement des événements sportifs, mais aussi des films et des séries TV).

Un rapport détaillé rédigé par la société MarkMonitor en 2019 constitue la preuve principale à l’appui des accusations de beIN : on y apprend le lien entre le gouvernement saoudien et les satellites Arabsat utilisés pour diffuser du contenu sur les décodeurs beoutQ. Le groupe qatari déclare accuser une perte d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires en six mois, les abonnements et les revenus de la publicité s’étant effondrés.

Peu après la publication de ce rapport, la FIFA a ordonné à « Arabstat et à tous les autres fournisseurs satellites d’arrêter […] de fournir une plateforme aux diffusions pirates, qui nuisent non seulement aux vrais abonnés, aux fans et aux joueurs, mais aussi au football même. Interrompre l’accès à ces services de streaming serait une première étape majeure dans la lutte contre beoutQ ».

Un porte-parole a récemment confirmé à Forbes : « La FIFA gère la situation ». L’enquête semble donc être toujours en cours, et les faits nouveaux seront sans doute rendus publics dans les médias.

Pour la Premier League, cette décision pourrait bien être la plus difficile de son histoire, et refuse ainsi de faire tout commentaire.

 

Documents juridiques

Lundi, The Guardian a révélé que de « nouveaux documents juridiques » avaient été transmis à la Premier League et qu’ils établissaient un lien plus étroit entre le gouvernement saoudien et beoutQ. Les documents en question sont probablement liés à l’une des trois affaires suivantes en cours.

La première affaire en cours, et la plus importante (dont proviennent sans doute les nouveaux documents juridiques) est celle enlenchée par la FIFA, l’UEFA et l’alliance des ligues majeures (Bundesliga, LaLiga, Premier League et Serie A) en 2018.

La déclaration faite par la FIFA en juillet 2019 confirme le lien entre beoutQ et l’Arabie Saoudite, puisque la fédération a annoncé : « Depuis mai 2018, nous travaillons collectivement avec un conseiller juridique international pour surveiller et compiler des preuves contre beoutQ… Après une analyse approfondie de la façon dont beoutQ fonctionne, nous savons qu’ils opèrent spécifiquement de manière à cibler les clients de l’Arabie saoudite et utilisent les installations d’au moins une entité du pays ».

L’alliance affirme avoir contacté neuf cabinets d’avocats dans le but d’intervenir en Arabie Saoudite. Sur son site web, la FIFA indique cependant que tous les cabinets ont « tout simplement refusé d’agir en notre nom ou ont commencé par accepter le dossier, avant de se rétracter ».

La deuxième affaire en cours concerne le Qatar, qui a engagé des poursuites contre l’Arabie saoudite auprès de l’Organisation mondiale du commerce pour violation présumée de la propriété intellectuelle. L’affaire n’est pas terminée, mais le gouvernement qatari a publié une déclaration en juillet 2019 appelant à « une action ferme » pour « prendre rapidement des mesures contre beoutQ et Arabsat, avant que l’opération pirate basée en Arabie saoudite et le fournisseur de satellites basé à Riyad ne détruisent le marché mondial du sport et du divertissement ».

La déclaration du Qatar comprend une intervention du député britannique Jeremy Wright, qui confirme que les ministères « poursuivent cette affaire » et que « l’ambassade [britannique] à Riyad s’entretient avec les Saoudiens à ce sujet ». Malgré tout, le nouveau Secrétaire d’État au Numérique, à la Culture, aux Médias et au Sport du Royaume-Uni, Oliver Dowden, a déclaré le mois dernier que l’offre pour Newcastle United concernait uniquement la Premier League et que le gouvernement britannique ne s’en mêlerait pas.

La troisième affaire en cours vise encore une fois l’Arabie saoudite, mais cette fois c’est beIN, le propriétaire des droits de la Premier League, qui a lancé une procédure d’arbitrage international en matière d’investissement. Le média qatari réclame un milliard de dollars de dommages et intérêts, affirmant avoir été expulsé de son plus gros marché : l’Arabie saoudite. Cependant, un porte-parole de beIN a confirmé que les nouveaux « documents juridiques » envoyés à la Premier League n’étaient pas issus de cette affaire.

De son côté, Arabsat assure ne pas avoir transgressé la loi, et décrit la « campagne de diffamation médiatique » de beIN Sports comme une tentative « de diffuser des allégations fausses et trompeuses ». Par ailleurs, le site internet de beoutQ n’est accessible que depuis l’Arabie saoudite, ainsi Forbes a contacté l’ambassade du pays à Londres pour tenter d’obtenir des réponses.

 

 Arabie saoudite

Newcastle United devrait venir rejoindre les autres joyaux du sport détenus par l’Arabie saoudite, comme la Supercoupe d’Espagne de football (qui voit s’affronter le vainqueur du Championnat d’Espagne et le vainqueur de la Coupe d’Espagne) et un possible Grand Prix de F1 en 2023.

Cependant, depuis le début de la pandémie de Covid-19, l’Arabie saoudite n’est plus aussi riche qu’avant. L’économie du pays repose en grande partie sur ses gisements de pétrole et a connu des changements spectaculaires récemment. Ainsi une acquisition aussi onéreuse que Newcastle United n’est peut-être plus une priorité.

Nous avons appris cette semaine que Saudi Aramco, compagnie nationale saoudienne d’hydrocarbures, a vu son chiffre d’affaires chuter de 25 % au cours du dernier trimestre, alors que la demande mondiale de pétrole a dégringolé et que son cours en bourse est devenu négatif.

Au premier trimestre 2020, Saudi Aramco avait réalisé un chiffre d’affaires de 16,7 milliards de dollars, contre 22,2 milliards de dollars à la même période l’an dernier. Les attentes des analystes, qui s’élevaient à environ 18 milliards de dollars pour ce début d’année, n’ont pas été atteintes. Le Brent (la référence internationale de pétrole) se situe actuellement autour de 30 $ le baril, soit une baisse considérable par rapport à la moyenne, environ 51,80 $.

Lundi, le ministère des finances saoudien a pris des mesures pour soutenir l’économie du pays, en triplant le montant de la TVA. L’Agence de presse saoudienne officielle a déclaré que la taxe passerait de 5 à 15 % à partir du 1er juillet, et que l’allocation de subsistance serait suspendue à partir du 1er juin.

Le ministre des Finances, Mohammed al-Jadaan, a déclaré dans un communiqué : « Ces mesures sont douloureuses, mais nécessaires pour maintenir une stabilité financière et économique à moyen et long terme… et pour surmonter la crise sans précédent du coronavirus avec le moins de dommages possible ».

 

 Mike Ashley

Un homme très mystérieux, le milliardaire Mike Ashley reste un autre facteur déterminant dans la vente du club, qu’il possède depuis 13 ans. Le prix ayant déjà été convenu, certains pensent que l’entrepreneur n’est plus intéressé par l’accord, puisque la décision finale est entre les mains de la Premier League. Mais avec Mike Ashley, rien n’est jamais simple.

Newcastle United, comme tous les clubs du championnat anglais, a sans doute perdu de la valeur depuis le début de la pandémie en mars. Aucune décision n’a encore été rendue sur la reprise des matchs, mais la BBC a annoncé mercredi que les clubs de Premier League avaient été informés qu’ils pourraient avoir à rembourser collectivement jusqu’à 340 millions de livres sterling aux diffuseurs nationaux et internationaux, même si la saison reprend à huis clos.

Un versement de cette ampleur signifie que la valeur de Newcastle United a inévitablement chuté, et qu’en plein milieu d’une vente, il faut que quelqu’un assume cette perte. À ce jour, il est peu probable que Mike Ashley vende son club à un prix inférieur que ce qu’il avait investi à l’origine. Kieran Maguire, auteur de The Price of Football et expert en évaluation des clubs de foot, estime que si la valeur perçue de Newcastle passait des 380 millions de dollars convenus à 307 millions de dollars, Mike Ashley vendrait le club à perte. À ce stade, ni Newcastle United ni son propriétaire n’ont souhaité faire de commentaires.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : David Dawkins

 

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