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Marché De L’Art : Ce Qu’Il Faut Savoir Avant D’Investir

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Mis à part le domaine de l’art, les investissements risqués (l’achat d’actions, par exemple) sont souvent associés à des rendements élevés à long terme. Pourquoi le marché de l’art n’obéit-il pas à la même logique que les autres types d’investissements ? Dans leurs derniers travaux de recherche, Stefano Lovo et Christophe Spaenjers mettent en évidence ses singularités et révèlent quelques astuces pour ceux qui envisagent de placer de l’argent dans les beaux-arts. 

Selon une étude réalisée en 2012 par Barclays, les personnes les plus fortunées détiennent près de 10 % de leur patrimoine en « objets de valeur », tels que les collections d’art, de vin et de bijoux.

L’évaluation des œuvres d’art choque souvent les non-initiés ; seuls les critiques d’art les plus endurcis ne sont pas déconcertés par les prix pratiqués. Ainsi, une toile de Jackson Pollock arborant des éclaboussures de peinture s’est vendue 200 millions de dollars en 2015. Selon Wikipedia, cette performance a fait entrer l’œuvre dans le palmarès des cinq tableaux les plus chers de tous les temps. À titre de comparaison, en 1990, le Portrait du docteur Gachet par Vincent van Gogh a été vendu pour un prix record de 82,5 millions de dollars.

Si des éclaboussures de peinture peuvent atteindre des prix aussi astronomiques, on peut légitimement se poser la question de savoir si l’art s’avère un investissement rentable. Pour y répondre, nous avons créé un modèle permettant de prévoir le comportement des acheteurs et des vendeurs au cours de ventes aux enchères. Pour tester notre modèle, nous avons utilisé les données issues de 1,1 million de ventes aux enchères qui se sont tenues dans les prestigieuses maisons Christie’s et Sotheby’s, aux États-Unis et au Royaume-Uni, entre 1976 et 2015.

 

L’art n’est pas un actif financier ordinaire

Pour mettre au point notre modèle, nous avons dû prendre en compte les deux éléments principaux qui différencient une œuvre d’art d’un actif financier courant. La première différence étant le type de rémunération et la seconde le coût de transaction.

Tout d’abord, en matière d’œuvre d’art, le « dividende » perçu est plus émotionnel que financier. La valeur d’une œuvre pour son propriétaire dépend donc très fortement de ses goûts personnels. Pour l’investisseur, le principe est, par conséquent, bien différent de celui qui consiste à percevoir des dividendes, ou les loyers d’un investissement immobilier.

Ensuite, il faut savoir que la vente d’œuvres d’art implique des coûts de transaction élevés. Les maisons de ventes aux enchères facturent des frais à hauteur de 25 % sur le prix « au marteau » pour les œuvres d’art dont le prix de vente n’excède pas 200 000 $. Cette redevance tombe à 12 % environ pour les œuvres plus chères. La fréquence avec laquelle une œuvre d’art est revendue est donc bien plus basse que celle d’un actif financier.

Les trois types d’acheteurs d’art

Il existe trois types d’acheteurs d’art : les collectionneurs, les « art flippers » et les investisseurs. Dans notre modèle, nous avons pris en compte un autre facteur. Il faut, en effet, ne pas perdre de vue une caractéristique importante : une œuvre d’art de valeur a une durée de vie souvent plus longue que celle de son propriétaire, lequel finira par la revendre un jour ou l’autre (ou à défaut, ses héritiers). Ainsi, nous avons identifié trois types de comportements sur le marché de l’art. Les collectionneurs dépensent généralement de grosses sommes d’argent pour acquérir l’œuvre dont ils rêvent. Ils conservent leur bien sur une longue période et ne s’en séparent que lorsqu’ils y sont obligés. La plupart du temps, ils vendent donc à perte.

Il y a ensuite les « flippers » : ils n’achètent que des œuvres d’art bon marché dans le but de les revendre rapidement en réalisant un profit. Entre ces deux extrêmes, on trouve les investisseurs. En général, ces derniers achètent un bien à prix raisonnable et ne le revendent que si les conditions économiques sont suffisamment bonnes.

Votre comportement (celui de collectionneur, flipper ou investisseur) dépend de l’intérêt que vous portez à une œuvre par rapport à la sensibilité moyenne de la population.  Les collectionneurs sont ceux qui affectionnent  le plus les œuvres qu’ils achètent et les flippers sont ceux qui s’y attachent le moins.

Les différences de rendement dans les investissements artistiques

Conformément à nos hypothèses, nous constatons que les profits réalisés lors de la vente d’œuvres d’art sont plus élevés lorsque les œuvres sont revendues dans un délai d’un à deux ans. De telles ventes aux enchères sont initiées par les « art flippers », des propriétaires qui ont eu la possibilité d’acheter à très bon prix, qui n’affectionnent pas ces œuvres et les revendent donc rapidement.

Plus la période de possession est longue,  plus le rendement est faible. On observe, dans ce cas, des prix d’achat généralement plus élevés et  des prix de revente plus faibles. Ceux qui conservent leurs biens sur de longues périodes sont ceux que nous qualifions de collectionneurs.
S’ils revendent souvent à perte, c’est bien eux  qui perçoivent les « dividendes émotionnels » les plus élevés.

Applications

Notre travail de recherche envoie un message simple à quiconque considère l’art comme une stratégie d’investissement. Investir dans des œuvres d’art n’est généralement pas une bonne idée, sauf si vous êtes en mesure d’acheter à un prix avantageux. Si vous appréciez un tableau, allez-y, mais sachez que vous le paierez en conséquence, et qu’il est peu probable que vous en retiriez un profit à la revente. Si vous n’aimez pas un tableau, évitez de surenchérir car il risque de vous rester sur les bras pendant longtemps… Soyez prudent si vous tentez de valoriser  une toile en vous référant au prix de vente d’un tableau similaire, car, pour un tableau vendu, il y en a d’autres similaires qui n’ont pas trouvé acheteur. Votre bien risque donc d’être surévalué au moment d’une éventuelle mise en vente.

 

Méthodologie

Nous avons conçu un modèle théorique de vente aux enchères dédié au négoce d’œuvres d’art. Nous avons ensuite testé les prévisions issues de notre modèle sur des données provenant de ventes aux enchères sur une période de quarante ans. Cet article est basé sur les travaux de recherche de Stefano Lovo et de Christophe Spaenjers, professeurs de finance à HEC Paris : « Un modèle de négoce sur le marché de l’art » (A Model of Trading in the Art Market, American Economic Review, vol. 108, n° 3, mars 2018).  https://ssrn.com/abstract=2404339

 

 

Par Stefano Lovo et Christophe Spaenjers, professeurs de finance à HEC Paris.

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