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L’Impossible Équation Des PME Françaises A La Rentrée

pmeFemale professional talking with colleague with a sneeze guard between them. Businesswomen wearing protective face masks for protection against virus while working in office.

Le tour de France s’élancera le 29 août prochain de Nice. Mais à quelques semaines d’un départ sous haute tension du fait des circonstances sanitaires qui prévaudront lors de cette 107ème édition, les coureurs ne seront pas les seuls à avoir le nez dans le guidon et le vent de face.

Les dirigeants de PME souffrent déjà avec leurs collaborateurs. Ils devront aborder une rentrée à haut risque, marquée par des défis de très court terme à relever tout en préparant un avenir plus que jamais incertain.

Tout le monde compte sur eux, car c’est en grande partie de leur leadership que dépendra le rebond de notre économie, durablement affaiblie par la pandémie de covid-19. Les patrons de TPE et de PME mouillent le maillot depuis des semaines, débordant d’énergie et de volonté pour animer la reprise d’activité dans le commerce, l’industrie et les services.

Rien ne semble a priori les effrayer. Pas même les cols infranchissables. Interrogés fin juin dernier par la Fondation d’entreprises MMA des entrepreneurs du futur, ils étaient 44% à prévoir d’écourter leurs vacances cet été, voire de les annuler ou de les reporter. Un état d’esprit exemplaire. Une mobilisation formidable de ces guerriers entrepreneurs que les pouvoirs publics soutiennent à bout de bras depuis le confinement.

Beaucoup sont à la fois conscients des responsabilités qui sont les leurs pour faire redémarrer notre économie et aussi des moyens exceptionnels déployés par l’Etat pour leur venir en aide. Récemment encore, eux-mêmes et leurs représentants patronaux ont réagi positivement lorsque le gouvernement a annoncé des mesures de soutien complémentaires, comme l’aide de 4 000 euros pour l’emploi d’un jeune pour un contrat (CDI ou CDD) conclu entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021. Ils ont aussi manifesté leur intérêt de bénéficier d’une baisse des impôts de production, qui interviendra à hauteur de 10 milliards dès l’année prochaine.

Rien ne semble pouvoir entamer le moral des chefs d’entreprises. Interrogés par BPI France en juillet dernier, une majorité d’entre eux affichait même une certaine confiance dans la capacité de leur entreprise à se relever malgré la crise et bien que s’attendant en moyenne à une chute de 15% de leur chiffre d’affaires. Est-ce que leur trésorerie tiendra malgré l’affaiblissement des commandes et des délais de paiement dégradés de leurs clients ? La moitié des 5 556 dirigeants interrogés par le bras armé financier de l’Etat assurait que « oui », 39% estimant que les difficultés qu’ils rencontraient ou allaient rencontrer étaient « surmontables ».

Tant d’optimisme dans la tempête force le respect. Car derrière cette volonté à toute épreuve affichée par le plus grand nombre se cachent de plus en plus difficilement les preuves d’un raz-de-marée économique, qui pourrait déferler sur notre pays dès l’automne. Ralentis dans un premier temps par la fermeture des tribunaux de commerce et les « perfusions » posées par l’Etat (fonds de solidarité, prêt garanti par l’Etat, chômage partiel…), les faillites devraient se multiplier, les 275 plans sociaux enregistrés sur cinq mois (entre mars et le 19 juillet dernier) ne constituant qu’une première vague relativement contenue.

D’autant qu’avec la remontée des cas de covid-19 depuis quelques semaines, les incertitudes qui en résultent n’aideront pas les employeurs à mobiliser leurs troupes dans le cadre de la reprise. Car les entreprises vont se retrouver dès la rentrée face à une injonction paradoxale : avec des boulets sanitaires aux pieds (tel que le port du masque systématisé dans « tous les espaces clos et partagés » qu’a annoncé mardi 18 août la ministre du Travail), devoir « protéger » et, en même temps, se relever et courir un marathon pour échapper à très court terme au risque de défaut, mais aussi se moderniser dans la durée. Ce qui va nécessiter une capacité d’adaptation inédite pour employeurs et salariés.

Alors, en postulant qu’une décision proportionnée a été prise hier concernant les règles sanitaires, sur quels moyens les PME françaises vont-elles vraiment pouvoir compter pour se relever et « courir » ainsi sans trébucher ?

Les annonces en milliards succédant aux annonces en milliards, il est bien difficile pour nombre d’entrepreneurs de s’y retrouver et de comprendre ce qui leur reviendra. Lorsque Bruno Le Maire a laissé entendre le 12 août dernier que 3 milliards seraient affectés au financement des entreprises, et plus particulièrement aux PME, son ministre délégué aux PME, Alain Griset, s’est empressé de prendre le micro pour ajouter que les moyens alloués aux entreprises de moins de 250 salariés, elles qui représentent plus de 95% de notre tissu économique, ne se limiteraient pas à 3% de l’enveloppe globale du plan de relance…

Dont acte. Mais de combien au juste les PME françaises vont pouvoir en disposer et pour quoi faire ?

Car c’est bien de la question des besoins qu’il faudrait partir pour déterminer l’enveloppe et se livrer ensuite à des annonces à la fois adaptées et lisibles pour l’écosystème entrepreneurial…

Une logique qui suppose de distinguer entre les besoins de très court terme et ceux dédiés à la poursuite de l’effort de développement des entreprises.

S’agissant des besoins de très court terme, c’est la question de la trésorerie – c’est-à-dire du fameux « besoin en fonds de roulement » des PME- qui est posée. Or la réponse à ce besoin immédiat est déjà en grande partie prise en charge par les mesures de soutien qui ont visé depuis mars dernier à éviter à notre économie de s’effondrer. S’y logent en particulier les moyens engagés dans le cadre du prêt garanti par l’Etat (PGE), le fonds de solidarité qui a permis d’aider les plus petites entreprises ou encore les moyens engagés dans le cadre du financement du chômage partiel.

Problème : les difficultés de cash des entreprises ne vont pas disparaître subitement. On estime qu’elles pourraient durer plusieurs années, d’autant que le ralentissement d’activité a touché des entreprises déjà très endettées et qui vont devoir, pour celles qui en ont bénéficié, commencé à rembourser dès le printemps prochain un PGE à des taux sécurisés seulement pour la première année. Raison pour laquelle, le gouvernement travaille actuellement auprès des acteurs bancaires pour que les taux d’intérêt pratiqués restent des plus bas, et que les dispositifs tels que le financement du chômage partiel fassent l’objet d’une prolongation pendant de longs mois, ce qui est désormais acquis. Raison pour laquelle également toutes les entreprises qui le peuvent (59% de celles interrogées en juillet par BPI France) ont mis de côté leur PGE pour n’avoir à le mobiliser que lorsqu’il leur sera absolument indispensable d’ici quelques mois…

L’équation est cependant beaucoup plus complexe encore. Car nos entreprises ne vont pas pouvoir se contenter de « survivre ». Pour tenir le choc du nouvel environnement technologique et commercial mondial, nos PME vont devoir accélérer leur travail d’adaptation. Or, beaucoup d’entre elles partent encore de très loin. Sur le seul terrain de la digitalisation, une enquête réalisée l’an dernier par BPI France montrait ainsi que 87% des dirigeants sondés n’avaient toujours pas érigé la transition numérique en priorité stratégique dans leur entreprise. Un retard qui se retrouve dans une autre donnée alarmante pour nos PME : moins d’une sur six (15% précisément) vend actuellement en ligne, selon une étude d’IPSOS pour Facebook.

Ce qui est frappant, plus globalement, c’est le retard d’investissement accumulé par les entreprises tricolores ces dernières années. Un retard à mettre sur le compte à la fois de leur déficit en fonds propres et du ralentissement de leur dynamique d’investissement, durablement affaiblie dans les années qui ont suivi la crise financière de 2008-2009.

Or, il y a toutes les raisons de penser qu’avec l’affaiblissement supplémentaire de la rentabilité des entreprises induite par la présente crise, c’est bien vers une « perte durable des capacités d’investissement des entreprises françaises » (Rexecode) qu’on se dirige.

De quoi expliquer la mobilisation actuelle du gouvernement pour aider les entreprises les plus fragiles – comprendre les plus endettées- à reconstituer leurs fonds propres. Et l’annonce faite par Bercy il y a quelques jours de la possibilité qu’auront celles en ayant le plus besoin de disposer d’une batterie d’instruments, dont les obligations convertibles et des prêts participatifs. Peu utilisées jusqu’à présent par les TPE et les PME, les obligations convertibles correspondent à des prêts obligataires présentant l’avantage d’être convertis, une fois arrivés à échéance, en actions de la société qui a souscrit le prêt…

Encore faut-il que les petites et moyennes entreprises mordent à ce nouvel appât lancé par l’Etat pour combler leur déficit en fonds propres. Rien n’est moins sûr quand on connaît, plus globalement, la réticence des dirigeants de PME à ouvrir leur capital. L’étude réalisée par BPI France le mois dernier laisse assez circonspect de ce point de vue : seuls 17% des dirigeants interrogés par l’opérateur public envisagent d’ouvrir leur capital dans l’hypothèse où le niveau de leurs fonds propres représenterait une contrainte forte pour la reprise. Il y a ainsi un travail d’« éducation financière » important à effectuer auprès des dirigeants et managers des entreprises de moins de 250 salariés, pour que ceux-ci fassent évoluer leur représentation culturelle en matière de ressources financières. Ouvrir son capital ne signifie ainsi pas « perdre le contrôle », mais avant tout développer ses ressources au service d’un projet et s’enrichir d’une vision extérieure nouvelle -amenée par les nouveaux actionnaires- amenant à gagner en performance stratégique, commerciale et financière.

On ne sait pas vraiment le montant exact dévolu par le plan de relance aux PME.

L’enveloppe accordée aux entreprises est très diluée : entre la partie financement (3 milliards), la partie « relocalisations industrielles » (1 milliard), la partie « compétences » (20 milliards) ou même la partie « écologie » (30 milliards), les petites et moyennes entreprises peuvent espérer être éligibles à une partie importante de chacune de ces dotations.

Le plus urgent n’est pas de compter les milliards ! Il est de comprendre que si l’on veut aider nos entrepreneurs à se relever très vite de la crise et à prendre les dispositions nécessaires pour accélérer leurs transformations (numérique, financière, sociale…), leurs entreprises devront pouvoir continuer à exercer leur activité sans que l’objectif de protection sanitaire -évidemment légitime- ne vienne les entraver davantage. Elles devront aussi pouvoir compter sur une présentation très pédagogique des cibles visées par le gouvernement dans le cadre du plan de relance à paraître le 25 août prochain. Mais aussi de modes opératoires simplifiés pour accéder aux aides. Le lancement d’un « appel à projet de soutien à la résilience de l’industrie » annoncé il y a six jours par les ministres Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher va dans ce sens, avec la possibilité d’ores et déjà indiquée aux entreprises de pouvoir déposer un projet de relocalisation à compter du 31 août prochain.

 

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