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Florian Douetteau, CEO de Dataiku : « Les acteurs français du logiciel doivent se forcer à adopter un modèle qui s’exporte très vite à l’international »

Florian Douetteau, CEO et cofondateur de Dataiku.Florian Douetteau, CEO et cofondateur de Dataiku.

La plateforme française d’aide au développement de projets d’IA (intelligence artificielle) a très vite accédé au rang de licorne. L’année dernière, Dataiku bouclait un nouveau tour de table à hauteur de 400 millions de dollars et portait ainsi sa valorisation à 4,6 milliards de dollars. Son CEO et cofondateur, Florian Douetteau, a accepté de nous en dire plus sur la méthode ayant servi à l’ascension de Dataiku. Un exemple à suivre qui permettrait à l’écosystème du logiciel français de se démarquer sur le marché international.

Un nouveau client arrive chez vous, quelles sont les premières étapes pour que la mise en production de son projet data se passe pour le mieux ?

Notre démarche est toujours de construire des solutions au fur et à mesure de nos échanges avec nos clients, tout au long du cycle de vente. Quand un client souhaite mettre en place un programme ambitieux en matière de data et d’IA, il a à la fois des projets business spécifiques en tête mais aussi une vision plus large sur la manière de travailler en entreprise. Cela revient à fournir la capacité en interne de mieux maîtriser les données et donc des technologies plus avancées.

Est-ce que les équipes IT sont les principaux interlocuteurs ?

Ce n’est pas simplement l’IT en tant que tel, il y a aussi les Chief data officers (CDO) ou encore les responsables de l’innovation qui s’impliquent dans la construction de la roadmap. Si le programme concerne l’ensemble du groupe, l’échange se fait aussi auprès de la direction générale. Et si cela implique la transformation d’une business unit en particulier, cela est piloté par l’équipe en question. Chez Dataiku nous avons très tôt prévu des employés spécialisés dans l’articulation du succès auprès des clients et l’aide au déploiement des usages data.

Les entreprises de taille moyenne font-elle aussi partie de vos clients ?

Nous avons effectivement des clients de tous types et notre logique est de décliner notre stratégie selon les besoins du secteur adressé. Une grande entreprise a de toute manière en possession de grands jeux de données – de par la nature même de son activité et la diversité des business qu’elle couvre. De son côté, l’entreprise de taille moyenne a une appétence plus ou moins élevée à la data selon son secteur. Si elle est purement technologique, il est évident qu’elles sont plus sensibilisées à ces enjeux.

Sentez-vous un élan de maturité ces dernières années sur la data ? Est-ce que les entreprises de taille moyenne ont aussi compris l’intérêt d’une bonne stratégie data ? Font-elles aussi partie de vos clients ?

Nous assistons à un nouveau stade qui est davantage marqué par l’action et c’est lié à une période d’activité des entreprises dans leur transformation essentiellement technique. Ces dernières années, elles ont directement contribué à une meilleure accessibilité des données et la mise en place de solutions dans le cloud.

À l’heure actuelle, une grande majorité des organisations sont dans une logique de création de leur entrepôt unique de données. Contrairement aux années 1990 et 2000 où l’écosystème passait essentiellement par des offreurs comme Microsoft ou SAP, l’univers du cloud est aujourd’hui plus riche – avec notamment une grande diversité d’acteurs en SaaS. Le coût d’accès et de traitement des données a progressivement baissé.

Ces nouveaux entrepôts rendent l’accès aux données plus simple et permettent de travailler à la création de valeur. Nous sommes aujourd’hui dans une logique de valorisation de ces données sur étagère et c’est en partie grâce à des organisations pionnières qui ont très vite montré la voie.

Qu’espérez-vous voir émerger sur le marché français et européen de l’IA ?

Le marché de la data et l’IA en France et en Europe devient plus mature et ces sujets ne sont plus exclusivement réservés aux experts. Il y a une opportunité pour qu’il ne soit plus seulement dirigé depuis la Silicon Valley comme c’est le cas pour le marché du logiciel. La manière de produire et vendre du logiciel a changé et nous pouvons créer nous aussi des pôles technologiques majeurs et influents en France, avec des modes de gouvernance décentralisée.

Pour y parvenir, je suis convaincu que les acteurs français du logiciel doivent se forcer à adopter un modèle qui s’exporte très vite à l’international. Ce n’est malheureusement pas un réflexe français et nos entreprises se mettent souvent des barrières notamment avec une crainte de perte de souveraineté. Mais celle-ci n’arrive réellement qu’au moment où les concurrents prennent le dessus.

Si nous aspirons à créer un écosystème européen riche en matière de data et d’analytics, il faut dès à présent créer des acteurs forts qui vendent sur les plus grands marchés du monde – et force est de constater que les acteurs mondiaux qui ont les plus grands budgets technologiques sont majoritairement originaires des Etats-Unis.

C’est aussi l’occasion de créer un écosystème avec une autre vision de la vente du logiciel et qui réinvente la manière d’opérer dans le B2B. Il y a une histoire à raconter pour se différencier : comprendre très tôt qu’il faut se rapprocher des acteurs les plus gros pour se montrer, tout en conservant le développement de ses technologies dans son lieu d’origine.

Ce discours va un peu à rebours avec le discours ambiant dans la French Tech qui considère que nous devons créer notre propre Silicon Valley, non ?

Oui et je pense que cela est un faux sujet car pour reproduire la Silicon Valley cela prendrait 10 à 20 ans. La richesse de ce type de pôle est déjà que tout le monde se trouve au même endroit et plusieurs générations d’acteurs technologiques ont précédé les géants que nous connaissons aujourd’hui.

Au fond, je ne pense pas que nous ayons la culture pour y parvenir et ce n’est pas l’âme de l’Europe de le faire à l’identique. Encore une fois, s’exporter rapidement est essentiel tout en gardant une certaine manière de gérer ses talents, sa créativité en local.

Comment assurer une cohérence de votre activité malgré votre déploiement à travers le monde ?

Nous n’avons en réalité pas de grande diversité dans notre activité et nous rencontrons les mêmes enjeux à travers le monde. Ce sont souvent les mêmes acteurs du cloud, les mêmes industries, les mêmes jeux de données et les problématiques restent les mêmes – notamment sur la question du gap de talents.

La data fait l’objet de plus en plus de cadres réglementaires stricts notamment en Europe et aux USA… Est-ce que cela vous complique la tâche ?

L’aspect juridique est un point sur lequel toutes les organisations sont attentives et elles ont besoin de structurer leurs données en conséquence. Cela peut marginalement ralentir certains projets mais le constat est plutôt uniforme car dans tous les pays certains secteurs sont plus régulés que d’autres comme la finance, la santé et plus largement la donnée utilisateur en Europe. Mais ce sont des contraintes avec lesquelles les entreprises ont facilement appris à vivre.

La réglementation plus forte sur les données en Europe s’impose de toute façon aussi à l’international. Les acteurs américains sont tout aussi sensibles à leur propre législation qu’à leur conformité au RGPD.

À quel point la digitalisation de la supply chain est devenue pressante depuis l’irruption des crises sanitaire et ukrainienne ?

Il y a effectivement une demande de plus en plus forte sur la digitalisation de la supply chain. Les pôles dans la logistique expriment un besoin naturel en termes de meilleure utilisation des données en interne et en externe pour être capables d’opérer à la fois la planification et l’anticipation de la demande.

Hormis peut-être les acteurs financiers – et encore – toutes les industries ont des considérations de supply chain en ce moment. Une chaîne logistique moderne correspond au fait d’assurer que chaque acteur peut garantir la capacité de l’écosystème à s’auto réparer et prendre en compte les faiblesses possibles des différents fournisseurs. Cela suppose donc une analyse proactive de ces faiblesses avant même qu’une rupture logistique n’arrive.

Il faut prévoir toutes les crises possibles car il existe forcément de la variabilité et une différence de robustesse selon l’acteur de l’écosystème. La donnée permet d’appréhender les différents scénarios possibles, les comprendre et potentiellement détecter les défaillances au plus tôt.

Avez-vous d’autres projets récents dont vous voudriez parler ?

Nous n’avons pas de projets récents particuliers mais nous sommes en revanche ravis de pouvoir recommencer les événements physiques. Nous allons réunir fin octobre une bonne partie de l’écosystème français à Paris afin de faire parler nos clients et nos partenaires.

 

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