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 Exclusif | Victor Wembanyama en route vers la NBA : « Je gère tous les aspects de ma carrière comme un entrepreneur »

Annoncé comme premier choix de la draft NBA 2023, le prodige de Boulogne-Levallois, Victor Wembanyama, a officialisé son inscription. À 19 ans à peine, celui que la planète basket surnomme déjà Wemby est un phénomène hors norme. Par sa taille, 2,21 m, et par son talent, qui devrait en faire le prochain numéro un de la draft en NBA. Dans cette interview exclusive, le joueur des Mets de Boulogne-Levallois, déjà pilier de l’équipe de France, démontre une maturité et une détermination qui ne sont pas sans rappeler celles de son grand frère en foot, Kylian Mbappé. Les lancers sont francs et les dribbles audacieux… Propos recueillis par Yves Derai.

 

Vous êtes au centre d’un maelström sportif et médiatique depuis plusieurs mois mais vous restez zen. Comment fait-on, si jeune, pour garder son calme dans de telles circonstances ?

Victor Wembanyama : J’ai des certitudes personnelles, une sorte de force intérieure. C’est ma personnalité.

 

Il n’y a pas un coaching particulier ?

V.W. : Non, non. Même si je suis aidé par un environnement très stable.

 

Même Tony Parker, au plus fort de sa carrière, n’a pas vécu cela. Le seul sportif français qui a connu cet engouement, c’est sans doute Kylian Mbappé dans le foot. On vous compare d’ailleurs souvent à lui…

V.W. : Je ne saurais pas faire la comparaison avec Mbappé parce que le monde du foot est très différent du mien.

 

Vous êtes deux talents exceptionnels et très précoces, reconnus sur le plan international. La différence, c’est qu’à votre âge, il était champion du monde.

V.W. : À mon âge ? Ah oui. Si je deviens champion du monde cet été et champion olympique en 2024, là, on pourra vraiment comparer alors.

 

Avez-vous parfois peur de décevoir ? De ne pas satisfaire les attentes énormes que vous avez suscitées ?

V.W. : Ça ne me traverse jamais l’esprit. La seule attente qui m’importe, c’est la mienne. Pas celle de la presse ou du public. Et je sais que je ne vais pas me décevoir car j’ai des certitudes depuis trois ans qui se sont avérées justes.

 

Lesquelles ?

V.W. : Sur mon niveau de jeu, je m’attendais à être là où j’en suis aujourd’hui.

 

Et en termes d’objectifs sportifs ?

V.W. : Je vais aborder la NBA la saison prochaine avec beaucoup d’humilité car je sais que c’est une autre dimension. Je me prépare techniquement et psychologiquement, notamment en regardant les matchs et mes futurs adversaires. Je ressens beaucoup d’excitation à l’idée de jouer face aux Durant, Curry, LeBron, etc. Je les admire depuis longtemps et j’ai hâte de les affronter. Aucune appréhension, j’ai envie de dépasser mes modèles.

 

C’est important pour vous de devenir numéro un de la draft [la sélection des nouveaux entrants de la ligue NBA] ?

V.W. : Oui, bien sûr. Il y a une fierté à arriver premier dans un tel classement. C’est comme gagner une compétition. Je ne participe pas à une course si je n’ai pas l’ambition d’arriver premier, c’est mon tempérament.

 

On vous oppose un rival, Scoot Henderson, un jeune meneur américain…

V.W. : Non, je n’ai pas de rival.

 Que pensez-vous du système de recrutement de joueurs en NBA ?

V.W. : Il est très bien. Parce que les clubs les plus riches ne sont pas forcément avantagés par rapport aux autres. Il n’y a pas de transfert avec des sommes colossales, on échange des joueurs, les clubs les plus mal classés ont accès aux meilleurs de la draft, ce qui équilibre la ligue.

 

Mais les joueurs n’ont pas de choix…

V.W. : C’est vrai, au départ, on est choisi. Mais à la fin du premier contrat, on peut décider de prolonger ou partir.

 

Quel est le club de vos rêves ?

V.W. : Je n’en ai pas. La NBA, c’est très différent du foot. Une équipe de bas de tableau pendant deux ans peut se retrouver en tête l’année suivante. Il n’y a pas de gratin immuable comme au foot où une dizaine de clubs européens se retrouvent toujours dans le dernier carré.

 

Dans quel domaine avez-vous le plus de marge de progression ?

V.W. : J’ai besoin de découvrir le style de jeu NBA pour répondre précisément à cette question. Mais ce que je sais déjà, c’est que les matchs sont plus longs de 15 minutes. Il faudra donc que je progresse en conditionning pour être bon sur la durée des matchs et sur 80 rencontres par an.

 

Et techniquement ?

V.W. : Rien de particulier. Dès le début de ma formation, j’ai appris à tout faire. Je devrais progresser dans tous les secteurs du jeu.

 

L’argent compte beaucoup pour vous ?

V.W. : Franchement, non. J’ai beaucoup réfléchi car je sais depuis longtemps que je risque d’en gagner pas mal. Je n’aime pas le principe de l’argent parce que je n’aime pas l’impact qu’il a sur les gens, sur les relations humaines. Je trouve ça malsain mais je n’ai pas de solution alternative. Cependant, j’ai envie d’en avoir quand même parce que je ne veux pas être embarrassé par les tracas matériels.

 

Vous craignez que l’argent pervertisse vos relations avec vos proches ?

V.W. : Ma famille ne changera pas. Pour le reste, on verra. J’imagine que ce genre de mésaventure doit arriver avec un entourage moins proche. Je saurai prendre du recul par rapport à ça.

 

Êtes-vous sensible aux records dans ce domaine ? En clair, est-ce que ça vous plairait de devenir le sportif français le mieux payé au monde ?

V.W. : Je suis sûr de réussir à côtoyer ce record mais ça n’est pas ce qui me motive. Je suis plus intéressé par des sujets qui ont un impact sur le monde, le caritatif, l’éducation, la jeunesse…

 

Pardon d’y revenir mais on se demande vraiment d’où vous vient cette maturité précoce !

V.W. : Depuis tout petit, j’essaye d’être pragmatique et objectif dans mes réflexions. Je sais que c’est étrange mais c’est comme ça.

 

C’est peut-être lié à vos lectures ?

V.W. : Non. Je lis surtout des romans. Joseph Delaney, par exemple [un écrivain anglais qui a rencontré le succès avec la série L’Épouvanteur]. Je sais que mes goûts évolueront avec l’âge.

 

Vous suivez l’économie, la finance, en prévision de vos gains futurs ?

V.W. : Un peu. Mais je veux garder de la distance avec ça car l’argent ne me passionne pas comme je vous l’ai dit. Aujourd’hui, investir, par exemple, ça n’est pas mon truc. Je ne veux pas me détourner de mes objectifs sportifs. Mon entourage prend des précautions pour moi et je m’implique au minimum.

 

Êtes-vous cependant amené à jouer au chef d’entreprise pour gérer votre carrière, le marketing, la communication ?

V.W. : Oui, tout à fait. Je dois être au niveau dans tous les domaines. Quand il y a des réunions, je participe, j’écoute et je tranche. J’aime bien prendre les décisions importantes pour mon avenir. Certaines peuvent orienter ma vie elle-même.

 

Votre passage en NBA va vous amener à étoffer votre équipe ?

V.W. : Je compte bien rester avec les gens en qui j’ai confiance et qui sont compétents. Deux points sur lesquels je suis intransigeant. Je garderai cette base mais je collaborerai sans doute avec de nouvelles personnes. Je suis l’objet de beaucoup de sollicitations.

 

Y a-t-il des choses que vous aimeriez voir changer dans le basket français ?

V.W. : Oui, bien sûr. Certaines choses peuvent et doivent changer. Dans nos clubs, une part de professionnalisme me semble insuffisante pour atteindre le sommet européen. L’éducation basket, dès l’école, formate trop les jeunes. Notre philosophie de jeu est trop axée sur le physique, pas assez sur la technique. C’est la raison pour laquelle, à mon avis, on perd toujours contre l’Espagne. Quand on voit comment ils se passent la balle, rien à voir avec nous. Cette carence explique, entre autres, pourquoi j’ai décidé de rester à Nanterre et de ne pas rejoindre l’Insep. Je ne voulais pas que mon jeu soit trop normé par la fédération. À Nanterre, j’ai bénéficié d’une grande liberté. Il m’a fallu beaucoup de volonté pour ne pas être formaté.

 

Quelles sont les difficultés liées à votre jeunesse, dans le basket et hors basket ? Être pris au sérieux ?

V.W. : Dans mon sport, comme les performances sont là, il y a le respect qui va avec. Ça facilite les choses quand on est jeune et ambitieux. Pour le reste, il faut savoir se montrer patient pour ne pas être frustré. On ne va pas tout nous donner tout de suite. Moi, je suis un cas à part car j’ai commencé à être performant à 16 ans. Ce qui me frappait au lycée, c’était de voir autant de jeunes qui traînaient sans savoir ce qu’ils allaient faire de leur vie. Ils séchaient les cours pour ne rien faire. Ça m’attristait. Quand je serai légitime pour ça, j’aimerais transmettre mon expérience. Là, c’est encore un peu tôt.

 

Vous avez un bac scientifique. Vous comptez poursuivre un cursus universitaire ?

V.W. : Pour l’instant, j’apprends tous les jours sans passer par les études. J’ai une soif d’apprendre. Mais je suis sûr que je compléterai tout ça par un diplôme le moment venu, notamment dans le domaine des langues.

 

Vous avez une chance de devenir champion du monde cet été ?

V.W. : Si tout va bien, j’y serai, et bien sûr qu’on a une vraie chance !

 

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