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En intégrant les systèmes cognitifs à l’IA,  la recherche française vise la tête de la compétition internationale

@Gettyimages

Développer une IA « human-centric » est l’un des chevaux de bataille décisif pour dépasser les limites des systèmes actuels. L’une des clés étant l’alliance fondamentale entre informatique, sciences humaines et sciences de la vie.  

 

Le récent buzz autour du potentiel de ChatGPT est révélateur des progrès et des défis de l’IA en ce début 2023. Cet outil qui permet de répondre à n’importe quelle question par un texte cohérent en tenant compte du contexte, illustre les dernières avancées des programmes de traitement automatique du langage naturel. Pour autant, les experts s’accordent sur le fait qu’il n’est pas encore capable de remplacer complètement l’analyse humaine. Si les réponses qu’il produit sont plausibles, elles manquent parfois de robustesse et de discernement (du fait de sources non vérifiées), d’émotions et d’originalité…

 

La clé pour y remédier ? L’intégration de la dimension cognitive aux algorithmes d’IA. C’est elle qui fera la différence entre les différentes innovations mises au point à l’échelle mondiale. Le produit le plus innovant sera celui qui prendra le mieux en compte et saura reproduire les comportements, les appréciations, les sentiments, les capacités d’interaction propres à l’être humain. C’est là que se joue la course à l’innovation pour les années à venir.

 

Une suprématie des approches statistiques

Pour l’heure, l’intelligence artificielle repose sur la révolution algorithmique du calcul aléatoire et neuronal, révélée grâce à l’énorme quantité de données brutes disponibles et exploitables et à la puissance des processeurs. La conception de moteurs d’IA repose pour une large part sur les modèles d’apprentissage profond (deep learning) associés à divers paradigmes d’apprentissage (supervisé, non-supervisé, par renforcement…) et les données d’apprentissage. Il en résulte une suprématie des approches statistiques, où les États-Unis et la Chine se démarquent régulièrement et ont acquis un peu d’avance.

 

Cependant, ces approches posent notamment trois problèmes ou limites.

  • Les systèmes qui en sont issus fonctionnent comme des boîtes noires, ce qui pose des défis en termes d’explicabilité, de confiance et d’éthique.
  • De plus, ils souffrent d’un « confinement technique » : un système développé pour une application donnée n’est pas aisément transférable à une autre application
  • Enfin, ils exploitent des données massives ; or ne doivent pas être oubliés ou exclus les nombreux domaines où les données sont moins nombreuses, difficiles voire impossibles à obtenir.

 

Il semble donc tout à fait illusoire de pouvoir déterminer le comportement d’une machine exclusivement d’après des données analysées et apprises, sauf à laisser à l’humain cette part de décision en cas de situation incertaine.

 

De la nécessité de développer intelligence artificielle cognitive

Ce qui fait la force du raisonnement et de l’analyse humaine est sa capacité à agir sur la base d’un va-et-vient constant entre ce qui est appris et ce qui est issu d’un processus de raisonnement (conscient ou non). Elle pallie l’absence de plan d’action préconstruit par apprentissage. Elle sait prendre des décisions appropriées sur la base des expériences. Elle sait transférer une connaissance acquise vers d’autres domaines d’application, et générer des savoirs transversaux extrêmement puissants.

 

L’intégration de la dimension cognitive à l’intelligence artificielle va donc permettre de dépasser les limites des approches purement algorithmiques. Elle va notamment privilégier :

–    des règles de raisonnement générales intégrant divers résultats issus des sciences cognitives (analyse du langage, des émotions, du raisonnement intuitif, des mécanismes d’analyse de scènes complexes, de décision sous stress, des influences des autres sur nous-mêmes, etc.) pour contourner le manque de données,

  • l’étude (dans le domaine des neurosciences computationnelles) de types de réseaux à base de spike, biologiquement plus crédibles, calculant et apprenant plus vite, tout en nécessitant moins de données et en consommant moins d’énergie
  • le développement de modèles hybrides mêlant apprentissage et raisonnement pour s’affranchir du manque d’explicabilité des modèles à base d’apprentissage.

 

Une intelligence artificielle « cognitive » requiert l’alliance fondamentale entre informatique, sciences humaines et sciences de la vie. Elle s’irrigue d’une démarche expérimentale essentielle, en allant interroger l’intelligence humaine et ses capacités sensorielles, motrices, langagières, sociales. Elle irrigue en retour les sciences humaines et sociales et sciences de la vie en les dotant de modèles et d’outils essentiels à leurs développements.

 

La France à la pointe des technologies d’IA et de cognition

La France a de grandes forces dans ce domaine et sait miser sur la carte de l’interdisciplinarité. Ses informaticiens, psychologues et neuroscientifiques savent travailler ensemble depuis de nombreuses années. Elle peut compter sur les meilleures universités et organismes dans ce domaines (CNRS, INRIA, INSERM, CEA, etc.) et sur une tradition et une pratique de la modélisation et de l’évaluation expérimentale.

 

Par exemple, les 1800 chercheurs des 22 laboratoires de recherche de l’Institut Cognition (CHArt, Centre BORELLI, LaPEA, ENSADLab, Gipsa Lab, IJN, IMS, CeRCA, IRIT CRCA, LEAD, LIA, LNC, LPL, LIG, LPNC, LISN, LPC, LSP, LSCP, ScaLab) travaillent sur des thématiques aussi variées que les technologies d’augmentation cognitive, les évaluations comportementales cognitives, la cognition collective ou encore cognition et langage, ce qui constitue de véritables sources d’innovation pour l’innovation compétitive des entreprises.

 

En défendant et en misant sur la valeur ajoutée technologique non pas exclusivement de l’algorithme et des traitements, mais aussi pour l’humain, la France sera en mesure de revendiquer un positionnement très concurrentiel. Sa maîtrise des principes cognitifs et des technologies cognitives sous-jacentes peut lui permettre de retrouver un rôle de pionnier dans le domaine de l’IA et d’émulateur au niveau mondial.

 

Les systèmes cognitifs représentant l’avenir, c’est à dire « le coup d’après », celui du futur de l’intelligence artificielle et de sa réelle adaptation aux besoins humains, pour répondre aux enjeux technologiques et sociétaux du monde de demain. Ils augmentent la valeur ajoutée des produits et services, en tenant compte de l’utilisateur, de son environnement et des modes d’interaction en jeu. Notre pays a toutes les cartes en main pour construire le numérique de demain et retrouver une place de 1er rang international en matière de recherche et d’innovation en IA.

Tribune rédigée par Célestin SEDOGBO, Directeur de l’Institut Carnot Cognition

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