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Digicratie Populiste Ou l’Impérieuse Nécessité d’Une Utopie Economico-Ecologique !

La mondialisation amorcée depuis 30 ans s’est organisée de manière Top Down – les traités internationaux, les groupes mondiaux avec leurs corollaires :  le capital étant mobile, les centres de production se sont déplacés là où la main d’œuvre était la moins coûteuse.

Dans sa première phase, cette globalisation a été largement profitable aux pays développés comme aux pays en voie de développement : l’exportation de biens d’équipements, d’usines clés en mains, la construction d’infrastructures dont bénéficiaient les deux blocs. La deuxième phase, s’est clairement faite au détriment des pays occidentaux en pleine schizophrénie : acheteurs de produits de masse aux plus faibles coûts ; producteurs qui délocalisaient leurs emplois. Cette seconde phase s’est souvent faite au détriment des pays émergents eux-mêmes : le travail dans des conditions inhumaines ; la mise en danger de l’écosystème environnemental et social.

La globalisation a ainsi permis à plus d’un milliard de personnes d’accéder à un niveau de vie correct, mais elle s’est aussi traduite par la paupérisation des classes moyennes en Occident. La relance du pouvoir d’achat amorcée par l’administration Clinton en 1995 via la création de l’hypothèque rechargeable, après avoir fonctionné pendant 10 ans, s’est terminée par la crise des sub-primes et la crise mondiale que l’on connait…. Et l’élection de Trump en 2016.

La croissance qui s’était toujours accompagnée par une amélioration générale du niveau de vie s’est traduite depuis plusieurs décennies par une augmentation inédite des écarts entre mondialisateurs et mondialisés mais surtout par une dégradation des niveaux de vie (perçus ou réels) des mondialisés alors que les mondialisateurs captent l’essentiel de la richesse.

La paupérisation des classes moyennes se traduit logiquement par la montée du populisme … de droite comme de gauche, le repli sur soi, la stigmatisation de « l’autre », du « nanti au chômeur profiteur d’un système perverti et injuste »… au mieux le retour en force de la doctrine Monroe (l’Amérique au Américains), au pire le national-socialisme.

L’élection de Trump comme le rejet d’Hillary Clinton est la version originale américaine de ce que nous vivons en France depuis quelques mois : l’éviction des grands partis républicains historiques de la campagne présidentielle française ; aux Etats Unis, l’élection d’un chef d’entreprise s’inscrit dans la droite ligne d’une tentative désespérée d’un phœnix du rêve américain. Un chef d’entreprise n’aime pas l’administration, les impôts,  la concurrence, la redistribution et aime bien les grands investissements…En France, historiquement entre les deux tendances « pro-américaine et pro-soviétique », on retrouve ce clivage entre l’émergence d’Emmanuel Macron et les deux partis populistes d’autre part. 

Heureusement, depuis quelques années la révolution du numérique fait son apparition et pourrait bien inverser positivement cette dégradation économique, sociale et politique en Occident. La digicratie s’installe à grande vitesse et repose sur des concepts radicalement différents :

  • La mondialisation devient bottom-up : l’initiative individuelle se déploie mondialement. C’est la caricature du créateur de start-up dans son garage et la réalité de Uber.
  • La demande qui façonne l’offre : la personnalisation par le client existe déjà dans les médias (musique, film via le cloud et VOD) ; les services définis par les clients ; la manufacture locale grâce à l’imprimante 3D, précurseur de développements locaux via de petites unités de production et de services ; le « costume sur mesure » devient également créateur lui-même de nouveaux biens et services.
  • La primauté du travail à forte valeur ajoutée (la quote-part du travail à faible valeur ajoutée dans les nouveaux produits et services est faible : par exemple le smartphone avec ses applications embarquées) qui question l’utilité de  la délocalisation de la production si la quote-part du travail à faible valeur est marginale.
  • Une intensité capitalistique faible sur des horizons de temps courts.

La digitalisation, cet ennemi qui vous veut du bien, repose donc sur l’association des technologies et des services rendus localement, ce qui enclenche un mouvement de fond de relocalisation et d’évolution des métiers. Nous passons de l’usine à l’application, des initiatives organisées « par le haut » aux initiatives entropiques, du groupe à l’individu et de la propriété à l’usage : Uber et ses chauffeurs, Airbnb et les propriétaires individuels, Blablacar et son covoiturage… pour n’évoquer que les disrupteurs les plus établis.

Une mondialisation bottom-up où le centre est partout, la ressource primaire devient intangible et la domination n’est plus uniquement liée à la capacité d’appropriation mais appartient à l’initiative du sachant.

De tout temps le prolétariat a existé : le paysan jusqu’au XIXème siècle, le mineur au XIXème, l’ouvrier au XXème, les services low cost font leur apparition au XXIème siècle. Il est clair que les technologies digitales facilitent la réappropriation de la connaissance des besoins et des objectifs des clients à travers le big data et le dialogue qui s’établit en direct. Elle permet ainsi de proposer des solutions personnalisées, produites de manière industrielle en termes d’efficacité, de coûts et d’efficacité écologique (moins de gaspillages, économie circulaire, moins de transports…).

Sur le plan de l’organisation sociale du travail, elle remet profondément en cause le système top down pyramidal antérieur, la valeur ajoutée pouvant se créer à partir d’une initiative quasi-individuelle de l’entrepreneur, de l’intrapreneur, du corporate hacking ou de l’association avec les entreprises issues du monde de la technologie.

D’un monde organisé fonctionnant avec une intensité capitalistique forte, une gouvernance linéaire sur du temps long, nous passons à un monde plus collaboratif où la problématique des brevets prévaut sur l’intensité capitalistique et où l’exponentiel est la règle.

En pure théorie, cette 4° révolution industrielle doit permettre de résoudre une grande partie des problématiques économiques et sociales issues de la globalisation : relocalisation, développement des services, réconciliation entre les « travailleurs à forte valeur ajoutée et les low costs » de par la complémentarité naturelle qui s’opère.

Les freins à cette évolution sont cependant nombreux. Cette révolution est vécue comme l’arrivée d’un virus dans un corps social déjà bien malmené par 30 années de globalisation et le système immunitaire est largement réfractaire.

Les grands groupes cherchent tous à digitaliser leurs process mais se heurtent aux résistances internes : que fait-on des réseaux physiques si la relation digitale avec le client est moins chère et/ou plus efficace, pour ne citer que le cas le plus souvent évoqué des réseaux bancaires.

L’arrivée annoncée des robots remplaçant l’homme est perçue comme un asservissement supplémentaire potentiel, une augmentation des inégalités et une menace additionnelle sur l’emploi et non pas comme un moyen de rapatrier du travail et d’accroissement de la productivité au profit de la communauté.

Au total, entre cette 4° révolution industrielle (et la digicratie qui la sous-tend) et le populisme croissant, c’est bien l’avenir de l’Occident qui est en train de se jouer en ce moment ; autrement dit deux formes radicalement différentes de démondialisation. L’une, violente, du repli sur soi et l’autre porteuse d’un développement des aménités de la vie : plus de libertés car un accès au travail plus facile, plus d’équité et surtout plus de dignité.  

Après le Brexit et Trump, les élections françaises présentaient un enjeu qui dépassaient largement le cadre national. A l’exception d’Emmanuel Macron, les candidats du premier tour affichaient juste des degrés de populisme différents : l’extrémiste à droite propose d’éradiquer les étrangers, les profiteurs fainéants et l’Europe alors qu’à gauche on propose le grand soir soixante-huitard et les deux partis « républicains » se proposent de réduire les inégalités en mobilisant les forces vivent d’une nation qui se replie sur elle-même face à la montée bien réelle du populisme dans les autres pays ; une simple question de degré et de modalités sur des idéologies du début du XX° siècle.

Ce changement de paradigme auquel nous participons conduira à une remise en cause de l’histoire et de la géographie dans le sens où le hacking de l’industrie par la digitalisation conduira à l’émergence de nouveaux centres de métiers dans des pays à priori improbables. La création positive par une démarche bottom-up peut changer le cours de l’Histoire via le déploiement global des initiatives rendu possible par la digitalisation. 

Alors, espérons que la digicratie l’emportera sur le populisme et que la phrase de l’ancienne patronne du Medef Italien « Quand il y a une innovation, les Américains en font un business, les Chinois la copient et les Européens la règlementent » soit à reléguer dans les livres d’histoire.

Cet espoir d’une révolution économico-écologique est aussi, comme le dit Jean Viard, l’impérieuse nécessité d’une utopie collective, faute de quoi l’Europe et l’Occident tomberont dans le populisme, le repli sur soi avec une démondialisation  incontrôlable et au total le chaos.

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