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Axelle Lemaire : « Le Brexit Ferme Les Portes A L’Avenir »

© Getty Images

La secrétaire d’Etat au numérique et à l’innovation revient sur l’adoption, à l’unanimité, de la loi pour une République numérique et met en garde contre les possibles conséquences, pour les entrepreneurs français, de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le texte de loi relatif à une « République numérique » est le premier projet de loi que l’on pourrait qualifier de participatif. Une consultation inédite. Pensez-vous que le numérique, via différents outils et plateformes pourrait revitaliser le débat démocratique ?

Il le peut. Un exemple : lors du forum « Civic Tech » que j’ai organisé le 8 octobre dernier, des start-ups ont pu présenter leur savoir-faire à des élus locaux, à des collectivités locales mais également à des administrations afin de mettre en lumière le potentiel du numérique pour renouveler le dialogue démocratique. Le monde politique peut parfois donner l’impression d’être coupé des citoyens que nous sommes censés représenter et au nom desquels nous décidons. Le défi est de maintenir et renforcer la légitimité du système de démocratie représentative qui est le socle sur lequel repose la démocratie française, au moyen du numérique. L’objectif est d’essayer de reconquérir une partie de l’électorat. Pas à des fins politiciennes, mais dans le but de faire prendre conscience que la politique est l’affaire de tous. Je pense notamment aux plus jeunes qui savent manier les outils numériques, et qui peuvent donc s’en servir pour faire entendre leur voix.

Vous vous félicitiez de l’introduction dans ce texte du principe « d’open data par défaut ». Vous êtes-vous heurté à certaines réticences, disons culturelles, notamment sur ce principe d’ouvertures des données, mais qui est un atout considérable pour les start-ups ?

« L’open data par défaut » est, en effet, incontournable pour les start-ups qui travaillent à partir de cette matière première. Cette ouverture par défaut, constitue un vrai changement culturel pour de nombreuses administrations. J’ai également dû batailler pour convaincre  que ce principe de partage de données pouvait être étendu à des acteurs économiques privés, mais qui poursuivent des missions de service public. C’est logique, quand il s’agit de réviser des notions définies au siècle dernier, comme le droit à la propriété industrielle ou de remettre en cause le secret entourant certaines correspondances administratives. Ces notions doivent être amenées à évoluer au regard de la place désormais acquise par le numérique dans l’économie. Il a fallu faire preuve de persuasion, et le travail continue puisque tout le monde n’est pas encore convaincu. Nous nous devons d’accompagner ces mutations profondes. Il ne suffit pas d’insérer des nouvelles obligations dans un texte de loi pour considérer que le basculement dans une « société de la donnée » est entériné. Nous n’en sommes qu’aux prémices mais je pense que la France a déjà hissé la barre très haut en matière d’open data par défaut. Nous avons été plus loin que ce que nous demandait le texte européen sur cette question. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une petite révolution culturelle.

Pensez-vous justement que ces velléités d’émancipation des jeunes entrepreneurs français puissent être contrariées par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ?

La logique de fermeture à l’œuvre avec le Brexit est un contresens historique. Dans une économie qui repose sur le principe d’innovation ouverte où plus que jamais les femmes et les hommes qui sont les innovateurs doivent pouvoir circuler avec leurs idées, je peine à comprendre cette réponse politique qui consiste à fermer les frontières et donc fermer la porte à l’avenir. Le risque de régression qui l’entoure est bien réel, d’autant plus que le Royaume-Uni fait partie aujourd’hui des pays les plus innovants du monde. A l’inverse, le gouvernement français a réussi à maintenir ce compromis, très difficile à trouver, entre la protection des Français dans un environnement très menacé et le principe de libre circulation des personnes et des talents en Europe. Car il s’agit non seulement d’un idéal fondateur de l’Union européenne, mais aussi une nécessité économique dans le monde d’aujourd’hui .

Après la déflagration qu’il a engendrée, le Brexit a toutefois quasiment disparu du débat politique à six mois de l’élection présidentielle. Le regrettez-vous ?

Au contraire, ces mêmes questions qui ont bousculé les fondamentaux de la Grande-Bretagne, ont rythmé une présidentielle américaine marquée  par l’élection de Donald Trump sur un programme isolationniste, populiste, nationaliste. Je pense que ce même débat entre ouverture et fermeture sur le monde va assurément donner le tempo de la campagne présidentielle française. Cela a déjà commencé dans le cadre de la primaire à droite où certains candidats se rapprochent des positions de l’extrême-droite sur le sujet. Dans ce contexte, la question de la libre circulation des talents dans un monde innovant est l’une des plus importantes qui soit. Il faut réussir à conserver un dialogue, dans ce domaine, entre le Royaume-Uni et la France afin de maintenir un agenda commun d’innovation.

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