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Arthur Benzaquen, président de Ken Group : « Les aides du gouvernement n’étaient pas des aides pour des entreprises comme la nôtre »

Arthur BenzaquenSource : GettyImages

Les salles de sports comptent parmi les secteurs les plus impactés par le confinement. La réouverture de ces lieux de convivialité est prévue pour le 9 juin prochain, avec des protocoles sanitaires renforcés. Nous avons demandé à Arthur Benzaquen, président de Ken Group, qui vient de racheter, avec son frère Frank-Elie, les Club Med Gym et de faire entrer le groupe Accor à son capital, de nous dire comment il avait traversé cette terrible période et préparé la réouverture.

 

Comment avez-vous traversé cette période ?

Arthur Benzaquen : Dés la fermeture du 15 mars 2020, on a mis un coup de boost car j’ai compris très vite qu’il fallait continuer à être présent. Donc que l’on parle avec la presse, nos équipes, nos clients, et avec les pouvoirs publics. C’est comme ça que dés le 16 mars, nous avons lancé les cours en ligne sur Instagram et Facebook. On est arrivé très vite à 10 cours par jours. Une prouesse technique et logistique.

 

Pourquoi cette précipitation ? Une question de survie ?

A. B. : Pour être franc, c’était un réflexe bêtement civique. Il y avait dans tout le pays des élans de solidarité et nous devions participer à ce mouvement. Nous avons arrêté immédiatement tous les prélèvements de nos clients, écrit aux abonnés pour leur préciser que leurs abonnements étaient gelés pendant la durée du confinement. Nous étions d’ailleurs les seuls, dans la profession, à pratiquer cela. Pour nous, c’était une évidence mais on a compris par la suite que tout le monde ne partageait pas cet avis. Et nous avons demandé à tous nos collaborateurs de rentrer chez eux.

 

Et pour en revenir aux cours à distance, pourquoi avoir lancé cela ?

A. B. : D’abord la crainte de la sédentarité pour nos clients et d’autres puisque les séances étaient ouvertes à tous. Ensuite, pour soutenir nos coaches, qui se retrouvaient sans revenus du jour au lendemain, étant presque tous indépendants. Grâce à ces cours, ils pouvaient à nouveau facturer quelques milliers d’euros et développer leur notoriété personnelle qui constitue leur capital. On a, en quelque sorte, agi en incubateur. On n’avait pas de business model dans cette opération mais on a simplement répondu à une demande évidente. On a dépassé les 10 millions de vues pendant le confinement ! En parallèle, nous avons contracté un partenariat avec l’APHP pour collecter des dons sur la base du volontariat des participants aux cours qui étaient gratuits. On a réuni 100 000 euros grâce à cette cagnotte qui a financé une data room qui n’existait pas à l’APHP.

 

 

Comme vous n’êtes pas une association humanitaire, pouvez-vous nous expliquer en quoi ces cours à distance ont soutenu votre business ?

A. B. : Je ne sais pas. On n’a d’ailleurs pas besoin d’en faire tant que ça. A Blanche, par exemple, nous sommes en permanence en file d’attente. Dans ce quartier, nous sommes quasiment les seuls à proposer ce type d’installation. Si lors des travaux, nous avons décidé de faire ce genre de finitions, c’est parce qu’on voulait proposer quelque chose d’exceptionnel. C’est comme ça que je vois les choses. Mais ça n’était pas nécessaire pour remplir.

 

Je vais vous aider alors : ces cours vous ont permis d’obtenir de la presse, donc de conforter votre image, de maintenir un lien avec vos clients, de développer les prospects puisque vous les avez ouverts à des non-membres…

A. B. : …Vous avez raison à 100%. Mais j’insiste, nous faisons partie d’un secteur en croissance donc nous pouvons faire des choses pour le plaisir. Dans le passé, j’ai travaillé dans la musique (NDLR : directeur artistique chez EMI) à un moment où ça allait très mal. On sortait le tableau Xcel pour tous les projets ! Là, quand on ouvre un beau club de sport dans une zone qui en manque, ça marche tout seul. La demande est énorme ! Quand  on ouvre un club aujourd’hui, ma seule question est : dans combien de temps je serai en liste d’attente ? Ici, cela a mis trois mois. Ce confort me permet de travailler avec des artistes, d’injecter de la culture dans mes lieux -ici, à Blanche, j’ai créé une salle de cinéma qui est ma passion. 

 

Vous êtes, en quelque sorte le Bourgeois gentilhomme des affaires, vous en faites sans le savoir…

A. B. : Oh, je n’irai pas jusque là… Je partage votre analyse sur la nécessité, pendant cette période de confinement, de rester en haut de l’affiche. Mais moi, par exemple, sur la communication, je demande à mon agence de tout faire pour que l’on reste toujours la tendance numéro un. On doit maintenir une position préférentielle en permanence dans le paysage du sport à Paris mais comme toutes nos salles sont pleines, notre intérêt est indirect.

  

 

Au niveau financier, les aides du gouvernement vous ont-elles permis de rester à flots ?

A. B. : Dans un premier temps,  on a trouvé que le chômage partiel qui nous permettait de conserver nos équipes, ou le PGE, c’était très positif. Il y avait une qualité d’écoute du gouvernement. Sauf que le confinement n’a pas duré un, deux ou trois mois mais plus d’un an. Or, on n’avait pas droit aux subventions indexées sur le CA parce que nous sommes un groupe. Après quelques temps, on a compris que ces mesures n’étaient pas des aides. On l’a d’ailleurs déclaré dans les médias et dit, directement, à Bruno Le Maire, lors d’un débat télévisé. On évoquait les loyers. Il disait : « Il faut négocier avec le bailleur de gré à gré ». C’était impossible. Il fallait couper les loyers puisqu’on ne nous laissait plus faire le moindre chiffre d’affaires, cela m’aurait paru logique.

 

Vous avez eu le sentiment que les salles de sport ont été plus fortement impactées que les autres pendant cette crise sanitaire ?

A. B. : Absolument. Alors que nous n’avions jamais eu le moindre cas de Covid dans nos salles et qu’il n’y en avait pas non plus chez les confrères ! On a demandé les chiffres à l’Autorité Générale de la Santé (ARS), on ne les ai jamais obtenus.

 

Comment avez-vous affronté les difficultés, du coup ?

A. B. : Eh bien j’ai dû faire des arbitrages, vendre des clubs, annulé des travaux, etc. On venait de racheter les Club Med Gym, on a été obligé de modifier notre plan de rénovation. Heureusement, dés fin mai 2019, nous avons fait rentrer Accor dans Ken Group, et nous avions changé la politique tarifaire des salles, ce qui a boosté fortement les adhésions, jusqu’à la fermeture de mars 2020.  Nous devions par ailleurs, selon notre plan de restructuration, vendre certaines salles CMG, sauf qu’avec le Covid, les acheteurs se sont évanouis dans la nature… Acheteurs qui ne se sont reveillés que depuis un mois avec les annonces de réouverture.

 

Pourquoi vous dites que le chômage partiel n’est pas une aide aux entreprises ?

Parce qu’il s’agit d’une aide aux salariés, une aide sociale. Sans lui, nous aurions licencié tout le monde et les gens seraient au chômage, voilà tout. Cela a permis au gouvernement de limiter la baisse du chômage et c’est très bien. Mais ça n’est pas une aide aux entreprises. Quand au PGE, on va devoir commencer à rembourser d’ici à 6 mois et on parle de prêt de 4 ans, avec des grosses mensualités, pas des prêts façon immo sur 20 ans. Pour être franc, nous avons des aides véritables calculées sur le CA négatif depuis janvier 2021.

 

Comment préparer-vous la réouverture des salles, notamment sur le plan sanitaire ?

A. B. : Avec toutes les précautions imaginables. On a travaillé avec notre partenaire Accor qui bénéficie de toute l’expérience hôtelière en la matière, on a pris le Bureau Veritas pour réaliser nos protocoles sanitaires. Pour le reste, rien n’a changé. Nous ne sommes pas concernés par les jauges qui ont été imposées pour les low cost où les membres peuvent être les uns sur les autres. Nous, nous limitons à 2000 abonnés dans un leu qui pourrait en compter quatre fois plus. Donc les distances sociales sont naturellement respectées dans nos salles. Par ailleurs, les membres doivent désormais réserver leur créneau lors des cours collectifs. Grosso modo, nous avons maximum 200 personnes en même temps sur 3000 m2, ce qui donne en moyenne une personne tous les 15m2, ce qui est largement dans les clous.

 

Vous êtes heureux de rouvrir vos salles le 9 juin ?

A. B. : Très sincèrement, oui et non. En fait, la véritable immunité collective aura lieu en septembre. Peut-être que les gens pourront se balader dans les clubs sans masque avec une vraie sensation de liberté. Et pour nous, les mois de juillet et août sont traditionnellement des mois creux. Rationnellement, il aurait été préférable pour nous de décider une réouverture en septembre. On se console en se disant que cela nous fait un bon rodage avant la vraie rentrée.

 

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