La rentrée économique et sociale sera difficile. Depuis le début de l’année, le nombre de plans sociaux a plus que doublé par rapport à 2019 sur la même période, témoignant de l’impact de la crise du Covid-19 dont les effets les plus importants seraient encore à venir. Mais d’autres dispositifs prévus par la Loi pourraient être mis en œuvre par les entreprises en capacité de le faire pour éviter d’importantes vagues de licenciement. Maître Florence Aubonnet, avocat associée au sein du cabinet Flichy Grangé Avocats, répond à nos questions.

 

La crise du Covid-19 a mis en avant de nouvelles formes de relation entre managers et employés, on l’a vu notamment en matière de télétravail. A quelles suites peut-on s’attendre ?

Il semble effectivement que, côté salariés, des attentes nouvelles en matière de télétravail ont été révélées par la crise sanitaire. L’expérience du télétravail pendant le confinement a également pu, côté entreprise, ouvrir des perspectives. Cela reste encore à confirmer. Mais si tel est bien le cas, certaines entreprises vont probablement réfléchir aux possibilités d’économies liées à une reconfiguration de leurs locaux du moins dans leur disposition actuelle, si une grande partie des collaborateurs effectuent leurs tâches à distance.

Et du point de vue juridique ?

Le télétravail est déjà encadré par la Loi. Il peut être mis en œuvre sur la base du volontariat par l’intermédiaire d’un accord collectif ou d’une charte. La question est de savoir si, en dehors de circonstances exceptionnelles liées notamment à une menace d’épidémie (circonstance prévue par le code du travail) justifiant un tel aménagement, le télétravail à plein temps peut être imposé au salarié qui dans son contrat dispose d’un lieu au sein des locaux de l’entreprise pour réaliser ses missions. Je ne le pense pas. Une telle modification du contrat de travail, requiert, à mon sens, le consentement du salarié.

On annonce une crise économique qui va être sévère avec de nombreux licenciements à la clé. Quels retours avez-vous de vos clients entreprises ?

Pour les sociétés qui étaient déjà en difficulté avant la période, le Covid-19 a eu pour conséquence d’aggraver encore davantage leur situation. Mais la crise sanitaire fait également souffrir de nombreuses structures qui étaient, auparavant, en bonne santé. Tel est bien sûr le cas de tous les secteurs confrontés à une fermeture administrative comme les restaurateurs, mais aussi aux entreprises du secteur de l’événementiel, aux fournisseurs des restaurateurs ou partenaires de l’industrie du tourisme qui ont été confrontés à des baisses pouvant atteindre jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires, avec des perspectives de reprise qui paraissent assez incertaines. Quand elles s’adressent à notre cabinet avec comme projet des licenciements économiques, notre rôle est d’ouvrir « la boîte à outils » et d’examiner avec elles les alternatives possibles proposées par la Loi. Depuis les ordonnances Macron de 2017, il est possible de déroger aux dispositions de la convention collective via un accord d’entreprise si les partenaires sociaux y consentent. Cela peut par exemple aboutir à la suppression de certaines primes prévues par la convention collective applicable, par exemple une prime d’ancienneté ou un 13e mois. A cet égard, nous sommes sollicités en ce moment pour explorer l’opportunité de conclure des accords de performance collective pour réduire les salaires contractuels ou aménager la durée du travail sans s’exposer à devoir licencier pour motif économique les salariés s’opposant au changement, pour une durée temporaire ou indéterminée. Une autre piste consiste en la mise en œuvre du nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée qui, après la signature d’un accord collectif, permet à l’entreprise qui l’a mis en place d’être partiellement financée par l’Etat en contrepartie de certains engagements dont le maintien de l’emploi. Nous restons aussi sollicités au sujet des PSE ou plans de départ volontaire sous différentes formes. Une chose reste certaine : à la rentrée, le front de l’emploi va connaître de nombreuses turbulences.

Votre cabinet est également spécialisé dans les aspects sociaux des fusions et acquisitions. Après un premier semestre très calme de ce point de vue, comment se présente le reste de l’année 2020 ?

Mes confrères de cabinets de fusions acquisitions me signalent que cela commence à repartir. Je traite actuellement moi-même plusieurs dossiers d’acquisition ou de rapprochements sous forme de joint venture. De plus, le Covid-19 peut présenter des opportunités de croissance externe aux groupes disposant de capitaux propres suffisants qui pourraient être tentés par la reprise d’entreprises fragilisées par la crise sanitaire. La fin du second semestre 2020 pourrait donc être marquée par des mouvements de concentration.