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Interview Du Fondateur De Dooweet, Christophe Sousa

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Quel est votre parcours ?

Je suis issu d’une famille ouvrière et d’un milieu modeste. Ma mère est gardienne d’immeuble et mon père maçon. En les observant, j’ai appris la valeur du travail et le fait de « ne pas compter les heures » comme ils disent. Extrêmement mauvais élève, avec un parcours cahoteux, je suis d’abord allé au collège Bergson dans le 19e arrondissement de Paris, là où toutes les communautés se rencontrent.

J’ai ensuite intégré le prestigieux lycée Charlemagne. J’y ai fait deux classes de seconde et deux de terminale car chaque année, j’arrivais à décrocher la palme des cinq élèves les plus mauvais. Le pire, c’est que je n’ai gardé aucune amertume vis-à-vis de cet établissement. Je crois même que j’ai un petit faible pour lui… Mais bon, pour quelqu’un qui aurait dû être changé de bahut en raison de ses résultats scolaires au-dessous de tout, je trouve que je m’en suis pas mal sorti. Persuadé d’être recalé au bac, je ne prends même pas la peine de m’inscrire sur post-bac. Et là, surprise du siècle : je décroche le bac-ca-lau-ré-at ! Me voilà avec un beau diplôme en poche, mais… nulle part où continuer mes études. Je me suis senti pousser des ailes, me disant que finalement, les études, c’était peut-être fait pour moi. Après, je reconnais m’être enflammé un peu vite, parce que mon bac, je l’ai eu de justesse avec la moyenne.

À l’époque, je jouais un peu de batterie, enchaînant les mauvais groupes de musique tout en étant convaincu d’avoir du talent. C’est alors que je me tourne vers une école de musique pour devenir batteur professionnel. Une fois de plus, je me rends compte que je ne suis pas bon dans ce domaine et je sèche tout naturellement l’ensemble des cours, sauf ceux destinés au business musical. En parallèle, je tente une licence d’anglais, une d’espagnol, un BTS informatique sans obtenir aucun diplôme supplémentaire.

 

Comment est née l’idée de Dooweet ?

Comme pour pas mal d’étudiants, les petits boulots se sont succédé, et ce, dès le lycée : baby-sitter, équipier chez McDonalds, distributeur de journaux (Metro) dans la rue. Et assez rapidement, les grosses entreprises m’ont délégué de petites responsabilités car j’étais un bosseur. Je me suis très vite rendu compte sur le terrain de la valeur du travail et du sens réel de l’asservissement dans les grandes entreprises. En plus d’être mauvais dans pas mal de domaines, j’étais une vraie tête de mule. Je pense être l’un des rares à avoir été licencié de la restauration rapide pour faute grave : je me suis battu avec un client (à cause d’un sachet de mayonnaise).

Tout ceci m’a ouvert les yeux : être mauvais dans un domaine, passe encore. D’ailleurs, j’étais déjà très heureux à l’époque et je ne me suis jamais plaint de mon sort. Être tête de mule, passe aussi, mais les deux à la fois ne font pas bon ménage. À l’occasion de certaines études « hasardeuses », j’ai été repéré par la Cité de la Musique de Paris qui m’a proposé un poste. Au début, j’ai vu ça comme une roue de secours, mais très vite, je me suis dit : « Ça, c’est un poste auquel il va falloir t’accrocher, comme si tu bossais à La Poste ou à la SNCF ».

Je pense que j’avais un profil intéressant : je jouais d’un instrument, j’avais des bases dans le business musical et je touchais à l’informatique. J’y ai découvert une vraie famille, les équipes m’ont appris énormément de choses, aussi bien sur le plan humain que professionnel. J’ai adoré y travailler. À côté, j’avais monté ma petite association loi 1901, Dooweet, qui faisait bénévolement la promotion de formations musicales émergentes. Je suis resté deux ans à la Cité et ça a été un réel déclic pour moi. À la fin, avec l’arrivée de la

Philharmonie, la Cité de la Musique a eu une politique de non-renouvellement de postes. Ils m’ont suggéré de démissionner, de devenir auto-entrepreneur et de les facturer. Comme ma petite « assos’ » loi 1901 était en train de faire un beau buzz sur Internet, je me suis dit : « Quitte à repartir de zéro, autant voir les choses en grand. » En 2015, j’ai donc liquidé l’association, monté une SAS du même nom, mis toutes mes économies là-dedans et le projet à commencer à être poussé vers le haut.

 

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Pouvez-vous me parler de Dooweet ?

À l’origine, l’idée était de monter une structure qui accompagnerait les artistes dans leur développement. Dooweet a mis un réel coup de pied dans la fourmilière de la promotion musicale. Nous n’étions que deux à l’époque avec Sarah qui est toujours une très proche collaboratrice. Le concept novateur a pas mal agacé la concurrence. Une personne haut placée dans ce milieu nous a invité à dîner chez elle pour nous dire : « Il va falloir arrêter de faire notre boulot gratuitement. » Cette personne avait raison : les groupes de musique se bousculaient au portillon, car à force d’huile de coude et de vingtaines d’heures quotidiennes de travail, on a obtenu au moins autant de résultats auprès des médias nationaux que les grosses agences de l’époque.
Dooweet a organisé des concerts, d’abord pour 50 personnes puis jusqu’à 1 200 spectateurs, et même un festival sur deux jours. On s’est occupés d’artistes qui aujourd’hui font des tournées mondiales et qui à l’époque étaient complètement inconnus, sans structure ni label.

Depuis 2016, la société ne cesse de grossir, avec une franchise à New York et deux agences en France, l’une à Paris et l’autre qui a ouvert en 2018 à Montpellier. Nous avons la volonté de décentraliser notre activité afin de toucher l’ensemble des médias locaux alors que les agences classiques se concentrent sur Paris. L’objectif actuel est d’ouvrir d’autres franchises, notamment en Europe du Nord et en Chine, où de nombreux pourparlers sont déjà bien engagés. Nous sommes sur le point de doubler notre chiffre d’affaires pour 2019, ce qui prouve que pour le moment, notre stratégie est payante.

Enfin, je reste toujours animé par la même passion car le jour où celle-ci s’éteindra, j’ai aucun mal à affirmer que je changerai de métier. Aujourd’hui, notre agence comprend des attachés de presse musique, des responsables marketing dans la musique, des graphistes… nous avons différents profils qui se complètent.

 

Comment faites-vous pour concilier vie professionnelle et vie personnelle ?

C’était difficile à une époque de concilier les deux, mais aujourd’hui, l’entreprise est bien ancrée et cela fait deux ans que j’ai pu assainir ma vie. J’ai repris le sport, ce qui m’aide beaucoup à me canaliser. J’ai fait aussi des choix qui peuvent paraître anodins, mais qui sont réellement importants, par exemple avoir un téléphone professionnel et un téléphone personnel. Jamais aucun de mes clients n’a eu ni n’aura mon numéro perso (rires). Nous évoluons dans un environnement majoritairement B2C.

Lorsque nous sommes au bureau, en journée et en semaine, les musiciens amateurs sont également en train de travailler. Ils vivent leur passion musicale en soirée et durant les week-ends. Une grande partie de notre métier consiste justement à leur expliquer que, bien que nous soyons nous aussi des passionnés, notre travail s’exerce pendant les heures de bureau, tout comme pour eux. Vous n’imaginez pas le nombre d’artistes qui tentent de nous appeler les samedis et dimanches, ou qui nous envoient des textos. Si on ne sait pas y mettre un frein, cela devient carrément insupportable, d’autant que certains ne sont pas à prendre avec des pincettes. On a quand même un gros travail de pédagogie à faire avec ces musiciens, car nous sommes souvent la première marche vers leur professionnalisation. Heureusement, les cas sont rares, mais ces quelques personnes peuvent vite devenir intrusives.

La chance que j’aie aujourd’hui est de travailler avec mon épouse qui a rejoint Dooweet en 2018. Nous travaillons en duo, un vrai binôme et nous discutons de toute la stratégie de la société, des investissements, des placements ensemble. Depuis qu’elle nous a rejoint, la structure ne cesse de grandir, se développer, se structurer voire se professionnaliser dans les moindres détails. On forme un duo redoutable (rires).

 

Quelle ont été vos plus grandes difficultés ?

Je pense que mon côté autodidacte a été aussi bien une force qu’une faiblesse. J’ai fait des erreurs que d’autres entrepreneurs chevronnés ou jeunes diplômés sortant d’écoles supérieures n’auraient pas faites. J’ai dû tout apprendre : la rédaction et la réalisation de contrats, un peu de comptabilité et, du fait qu’à l’époque je n’avais pas les moyens de rémunérer un développeur, la création de sites web… En bref, j’ai non seulement appris mon métier de chargé de promotion et d’attaché de presse, mais en plus, j’ai dû également apprendre tout ce qui concerne la création d’entreprise, la gestion de celle-ci et la fiscalité. Actuellement, j’écris un livre sur la promotion musicale qui devrait être publié en 2020, c’est également une vraie épreuve de patience pour moi !

 

Pourquoi vous êtes-vous lancé à l’international ?

La France reste un territoire important, mais minoritaire et j’ai toujours aimé les challenges. Je n’ai jamais voulu être un attaché de presse indépendant ni avoir le statut d’autoentrepreneur. Chaque fois, j’ai essayé d’aller un peu plus loin. Pour moi, l’international est devenu rapidement une évidence pour développer la force de frappe de notre structure.

 

Quel serait le conseil que vous pourriez donner aux jeunes entrepreneurs ?

Le conseil que je pourrais donner aux entrepreneurs et le même que je donne aux musiciens : ne suivez pas les codes, ne vous conformez pas aux règles établies. Si vous essayez de créer ou copier quelque chose qui existe déjà, il vous sera très difficile de vous démarquer.

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