logo_blanc
Rechercher

Candidats À La Présidentielle : L’Avenir De L’Agriculture N’Est Plus Agricole !

Source : Pixabay

Chers Candidats à la présidentielle… La campagne actuelle ne se préoccupe pas du secteur de l’agriculture qui subit depuis des années une crise profonde et qui risque de disparaître.

Allez-vous continuer à suivre la politique de l’autruche, d’embrasser chaque année une vache au Salon de l’Agriculture ou prendre enfin les actions nécessaires pour faire entrer ce secteur dans le 21ème siècle ?

 

Ne vous trompez-pas, notre agriculture s’est modernisée : des tracteurs sans conducteur, des drones qui surveillent la rentabilité des champs, des vaches connectées, des cueilleurs robotisés, des systèmes d’arrosage intelligents… l’innovation agricole ne manque pas d’applications et nos ingénieurs de l’AgriTech et du FoodTech travaillent sans répit sur ces nouvelles technologies. De votre côté, vous politiciens, vous avez lancé en vain de grands programmes d’aides pour sauver ce secteur mais sans résultat probant.

Après avoir passé des dizaines de jours dans différentes exploitations : une ferme qui produit 1 million de salades par an, une autre gérant 500 vaches, un vignoble totalement mesuré par des objets connectés… Et la modernisation d’un abattoir, j’ai compris que le futur de l’agriculture ne passe plus par l’agricole.

 

Informatisation de nos fruits

Quelques chiffres

Le secteur représente :

  • Production animale : 27 milliards d’€
  • Production végétale : 40 milliards d’€
  • 950.000 emplois (sans compter les 588.000 emplois dans l’agroalimentaire)
  • 18% de notre PIB

C’est un secteur de taille que nous ne pouvons pas négliger !

 

Une défaillance institutionnelle

Il faut dire que la crise actuelle n’est pas la faute du petit agriculteur ou éleveur. Ce n’est pas lui qui peut avoir connaissance du regroupement des exploitations au Danemark, de l’augmentation annuelle de la production par vache laitière aux Pays-Bas (à cause des produits injectés ?), de la focalisation de l’Italie sur l’élevage, des formules intéressantes d’accès aux crédits en l’Irlande et de l’application par l’Allemagne d’une convergence à 100 % avec majoration des 46 premiers hectares. Bref… Ceci se détecte au sommet de l’Etat et non en bas. Ce n’est pas notre agriculteur qui peut détecter que de nouveaux business models s’implémentent un peu partout en Europe… Sauf en France.

Je conviens que certaines décisions politiques comme l’embargo Russe (impactant fortement le secteur de la viande) et la fin des quotas laitiers européens (surcapacité laitière) aggravent la situation mais ceci n’explique par la mauvaise posture de l’agriculture française.

C’est à notre gouvernement, à ses experts et aux multiples pôles de compétitivité d’informer et d’orienter le secteur. Mais non, notre gouvernement n’a pas envie de créer une vision du futur pour ce secteur historique et critique. Il a fait le choix facile de l’attribution de subventions (qui viennent de la plupart des cas de l’Europe et pas de la caisse nationale) et de prêts impossible à rembourser. Tout est fait pour faire taire les contestations en condamnant nos secteurs laitiers, nos céréaliers et nos éleveurs. Peut-être s’agit-il pour notre gouvernement d’un secteur sans valeur ?

D’autre part, nous sommes très choqués quand la Chine commence à acheter nos terrains agricoles.

Comment est-ce possible que les Chinois voient dans nos terres une richesse quand nos instances gouvernementales n’en trouvent pas ? 

Bizarre non ? Il est temps d’ouvrir les yeux.

Dans son livre « Notre Agriculture est en danger », Xavier Beulin, président de la FNSEA a expliqué que la France n’a pas de politique agricole efficace, comme l’Allemagne ou l’Irlande qui ont réussi à gagner des parts de marché.

« On n’a pas de politique agricole efficace car on est mal à l’aise par rapport à l’agriculture française qui est diverse. »

 

Chaque industrie est obligée de se transformer un jour…

Tout secteur subit un jour des transformations fondamentales. Les constructeurs automobiles avec leurs moteurs thermiques sont aujourd’hui obligés de développer des véhicules électriques et des voitures autonomes. Ils n’ont pas le choix. Les infrastructures informatiques quittent massivement les installations sur site pour développer des solutions dans le Cloud. La Poste est en pleine mutation, nos commerces de rue sont obligés d’intégrer les ventes par Internet…

 

Quel futur ?

Le futur de l’agriculture ne peut plus être dans l’agriculture classique.

Plusieurs initiatives sont déjà lancées. Les producteurs se regroupent pour vendre directement ou via un point de vente commun. Il leur manque juste la force de frappe des réseaux de distribution pour sauver pleinement leurs activités. D’autres exploitations ouvrent leurs portes à des hébergements à la ferme (gîtes, chambres d’hôtes…) mais là aussi, c’est beaucoup moins efficace qu’un AirBnB et son rayonnement international.

D’autres se mettent dans des cultures ou élevages bio mais là aussi, sans un réseau de distribution (et d’acheteurs) structuré, difficile de justifier les contraintes supplémentaires. Le marché alimentaire bio ne représente que 3%… trop bas pour booster notre activité agricole. Les marchés de niches ne sont jamais devenus des secteurs industriels.

 

Tomate injection

Regardons un peu autour de nous. En Allemagne et aux Pays Bas, les agriculteurs produisent de l’électricité qu’ils revendent … En Ecosse, les agriculteurs sont intégrés dans la chaîne agroalimentaire, prenons comme exemple la constitution des mélanges servant à la fabrication du Whisky. Ils y arrivent avec une expertise non seulement dans la distillation, mais avec une connaissance fine sur les variétés de maïs, sur la qualité des sols et la façon dont le climat influe sur la qualité des produits. D’autres travaillent étroitement avec les laitiers pour optimiser le lait qui doit servir à la conception de fromage. J’ai goûté l’amélioration et le résultat est surprenant entre un fromage fabriqué avec le lait du matin et celui du soir. Dans tous ces dossiers, notre agriculteur fait intégralement partie de toute la chaîne de production. De la R&D jusqu’à la commercialisation, il est partenaire à 100%. Il n’est pas considéré comme en France, comme un stupide fournisseur de matières premières.

Aux Etats-Unis, nous trouvons hormis les gîtes, la mise à disposition des granges non-utilisées pour des séminaires d’entreprises, des bureaux temporaires, des mariages…

Pour résoudre la question de la surproduction, pourquoi ne par réorienter nos végétations pour soutenir le développement du marché de la biomasse ? C’est un marché qui couvre toute matière organique d’origine végétale (micro algues incluses), animale, bactérienne ou fongique (champignons).

Côté énergie, les betteraves, colza, tournesol ou céréales peuvent produire du bioéthanol (carburant pour voitures) ou du Miscanthus (aussi appelé herbe à éléphant) qui présente l’avantage d’avoir un très bon rendement énergétique (supérieur à celui du charbon à volume égal). Je sais que l’idée choque mais pourquoi un agriculteur ne peut-il pas cultiver des produits dédiés à nos besoins énergétiques ?

La société Akuo a développé une solution qui réunit une serre de panneaux photovoltaïques en hauteur à une activité de maraîchage bio au sol, le tout associé à une technologie de stockage de l’énergie.

Nous pouvons imaginer la transformation d’une partie de nos élevages en fermes d’insectes (Comme le font les sociétés Ynsekt, NextAlim…). Le goût des criquets pèlerins rappelle celui du poulet. Les vers de farine possèdent un arôme proche de la noix. Vous dites impossible en Europe ? Non, la chaîne Suisse Coop distribuera très prochainement des hamburgers intégrant des sources d’insectes. Pourquoi la Suisse commercialise-t-elle déjà cette innovation et pas nous ? Dans l’innovation, il faut oser…

En France, de nombreux programmes R&D soutiennent ou ont soutenu ces différentes filières de biomatériaux et d’insectes mais il manque un « plan d’envergure » pour faire vraiment décoller ces secteurs stratégiques.

Pourquoi ne pas intégrer plus d’agriculteurs dans les programmes de recherche subventionnés par notre gouvernement en payant les agriculteurs à la hauteur de 100% des frais engagés ? Trop de subventions vont vers l’agroalimentaire et les grands groupes qui considèrent l’agriculture comme de simples fournisseurs à qui il faut négocier le prix  le plus bas possible.

Avec cette intégration, nous pouvons même imaginer que les agriculteurs vont à la rencontre du monde du capital risque comme c’est eux qui ont « de la capacité » et « de l’innovation ».

Chers candidats à la Présidentielle, l’agriculture n’est qu’un de nos secteurs en crise et ce n’est pas en soutenant un monde de surproduction que les problèmes disparaîtront. La seule option envisageable est de faire migrer l’ensemble de ces filières vers de nouveaux horizons. Et les solutions sont déjà là en France et en Europe.

Arrêter de faire de la politique à deux balles et prenez le taureau par les cornes. Il faut oser changer les mentalités et les perceptions de l’ensemble de nos différentes industries. Mais qui ose définir un grand plan industriel pour transformer notre agriculture en fleuron mondial ? Qui osera transformer notre « l’amour est dans le pré » dans un « notre futur est dans le pré ».

Quand aux Etats-Unis, ils ont leur Silicon Valley qui pousse la richesse dans tous le pays, la France peut bien avoir son Agri Valley !

 

ipad et agriculteur

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC