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L’Association La Source: La Beauté Du Geste

La dix-neuvième vente aux enchères au profit de l’association La Source créée par le peintre Gérard Garouste présentera « Cork », la pièce culte du designer anglais Jasper Morrison, un tabouret en liège d’une simplicité désarmante, édité par la marque Vitra. Le siège, offert à cinquante exemplaires par l’éditeur de mobilier, a été revisité par cinquante créateurs, du plasticien à l’architecte au styliste de mode. Peint, découpé, revêtu, Cork se projette dans cinquante re-créations originales. Autant de pièces uniques signées qui seront mises en vente ce lundi 12 décembre, à Paris.  Les fonds permettent à des jeunes en difficulté sociale de développer leur confiance à travers la prise de conscience de leur créativité.

 

Un projet citoyen baptisé La Source

L’acte créatif, à la source, permet de réfléchir à toutes les conditions humaines possibles. Gérard Garouste a pris l’art au mot, et l’a porté là où on ne l’attendait pas, au fond des campagnes françaises, dans des milieux ruraux où s’ennuient des enfants et des adolescents entre 6 et 18 ans. Comment leur faire prendre conscience que l’avenir leur appartient, qu’ils ont tant de richesses en eux qui ne demandent qu’à sortir, prendre forme pour l’intérêt collectif? Qu’ils ont leur place dans ce vaste monde et le pouvoir de dire qui ils sont ?
Loin des foires internationales et du marché, Gérard Garouste réinvestit le champ de l’art dans sa potentialité humaine à travers ce projet citoyen baptisé La Source. Depuis 1991, plus de 30 000 jeunes ont bénéficié de cette initiative originale et généreuse : en participant à des ateliers artistiques les mercredis et pendant les périodes scolaires, ils ont pratiqué la peinture, la sculpture, le land-art, la chorégraphie, le théatre, la vidéo, la photographie, le chant, l’écriture et la musique. Ils ont créé, fabriqué, réalisé un projet. Ils ont modifié leur regard sur le monde et celui que le monde portait sur eux.
Pour y parvenir, Gérard Garouste invite chaque année des artistes à participer à l’aventure par un acte de création permettant, via l’enchère, de verser entièrement les fonds à la cause.

 

Le millésime 2016

Voici donc le résultat de cet élan de générosité partagée, en réseau. Le millésime 2016 est particulièrement remarquable. De nouveaux talents ont rejoint les artistes du début : le designer Férréol Babin, ferru d’éclairage technique, la designer, critique et cartooniste Clo’e Floirat, le dessinateur et illustrateur sans frontières Eric Giriat, l’artiste classique iconoclaste Mathias Kiss, le duo créatif Kuntzel+Deygas, Arik Levy designer transdisciplinaire, le styliste de mode José Lévy et l’architecte d’intérieur Dorothée Meilichzon. Tous ont rejoint une majorité de noms prestigieux issus principalement du domaine du design et de l’architecture : les Frères Bourroulec, Hervé van der Straeten, Philippe Stark, Noé Duchaufour Lawrence, ou encore Odile Deck, Jean-Michel Wilmotte, Edouard François, Franklin Azzi… Mais au fait, que se dit l’artiste avant de détourner un objet culte tel que le tabouret Cork, créé par un designer contemporain connu pour son attachement à l’anonymat dans la vie comme dans son design? Tout dépend de la relation que l’on entretien avec l’auteur de l’objet en question.

 

La « famille » des Cork

Pour Guillaume Delvigne, ce ne fut pas un exercice facile, le designer considérant Jasper Morrison comme un de ses « maîtres : « J’essaie de prendre ça avec une certaine distance, de ne pas me mettre trop de pression, mais plutôt de l’envisager avec humour pour qu’il en ressorte quelque chose de léger. » confie-t-il. Face à la « famille » des Cork, puisque le tabouret existe en plusieurs formes tout aussi épurées, il a poursuivi dans l’idée de série, développée par Jasper Morrison à travers des pièces en céramique réalisées pour Vallauris. Il applique à la transformation une méthode mise en œuvre par Morrison dans un projet personnel. « En découpant l’objet je m’amuse à le décomposer et le recomposer afin d’obtenir de nouvelles formes. Ces combinaisons peuvent parfois être surprenantes, alors que l’on utilise pourtant toujours les mêmes pièces. Je les vois un peu comme des totems, un clin d’œil au travail de l’un de mes autres « maitres », Ettore Sottsass. » Quant à ce matériau si « rétro », comment l’aborde-t-on ? « L’aspect léger et tendre de l’objet m’a incité à le détourner presque comme un jeu. Avec la couleur je renforce cet effet et je dissocie plus clairement les formes. J’ai décidé de couper l’objet à chaque fois que la pente change, afin d’obtenir des pièces d’une extrême simplicité. Il y a au final trois formes seulement, un grand cylindre plat en deux exemplaires, deux troncs de cônes et un petit cylindre. A chacun maintenant de se l’approprier… ».

 

Rester au service de l’objet

Pour la cartooniste Clo’é Floirat, l’exercice est celui de la pirouette respectueuse. « On se dit que c’est un véritable terrain de jeu même si, toutefois, un peu glissant ! Apposer sa propre signature à une signature-monument est un exercice qui demande une certaine humilité et un peu d’acrobatie. Il s’agit de se l’approprier sans en exproprier son essence originelle pour autant. C’est une sorte de collaboration à sens unique et j’ai essayé de rester au service de l’objet. » Interpelée par la force tranquille de Cork, la dessinatrice a découvert sous son apparence trompeuse légère et fragile, une solidité à toutes épreuves : « Le tabouret Cork Family défie l’idée que chacun se fait du matériau liège et rappelle que le design n’est certainement pas qu’un objet-image mais bien un sujet à vivre. » . Prenant elle aussi appui sur l’idée de série, elle s’est attachée à l’esprit de la série aux variantes subtiles qui ne se voient pas forcément au premier coup d’oeil. Elle fait de l’objet une légère satire sur la société de consommation, « le cul entre deux chaises » devant l’embarras du choix qu’elle nous impose. « Ce dessin est une mise-en-abîme absurde de ces dilemmes et de ces raisonnements contradictoires – face à ces choix possibles – qui mènent à une même conclusion. »

 

Une histoire de respect

Et pour un architecte comme Franklin Azzi, dont on parcourt une réalisation parisienne en se promenant sur les Berges de Seine, rive gauche, entre le pont de l’Alma et le port de Solférino… Que représente une intervention sur objet – culte de mobilier ? « Il se trouve que je suis confronté à des « œuvres cultes » à plus grande échelle, car une des spécificités de mon agence est la réhabilitation patrimoniale. Je pense aux imprimeries Mame notamment, un bâtiment de Zehrfuss et Prouvé à Tours, qu’il a fallu restructurer, restaurer et moderniser.
 Mais en fait les Berges de Seine aussi d’une certaine manière, sont tellement emblématiques qu’elles en deviennent cultes (elles sont, qui plus est, classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO !). Face à ces énormes défis, s’attaquer à du mobilier paraît moins risqué…Il n’en est rien ! J’aime être iconoclaste, tout en étant respectueux. Alors oui Morrison en latex ça peut sembler subversif, mais je n’ai absolument pas touché à l’œuvre originale, et je la signe avec une simple carte de visite glissée dans les élastiques, donc finalement il y a une certaine distance, un respect de l’existant. » Le Cork Family revisité par Franklin Azzi se retrouve enserré dans un maillage d’élastiques récupérés auprès des coursiers parisiens… « Cet objet se veut résolument simple, sans fantaisie, il est issu d’un travail moins facile qu’il en a l’air sur la « normalité ». Il ne s’agissait pas de faire un grand geste pour le détourner, j’ai donc développé une approche plus scientifique que créative, avec des simulations numériques, pour arriver au résultat voulu. Je suis parti du principe que le liège était une matière brute, considérée comme « non noble ». Pour répondre à cet objet originel, j’ai adopté moi aussi une réponse brute : des élastiques de coursier. Et finalement, ce qui ressort, c’est que la mise en place des trames d’élastiques, leurs tensions variables et leurs teintes tout aussi variables donnent l’illusion d’une matière noble et un motif ornemental assez sophistiqué. Les bases circulaires de l’objet ont permis ces croisements de trames, inspirés du spirographe mais aussi des wall paintings de Sol Lewitt. J’espère que Jasper Morrison ne m’en veut pas de l’avoir recouvert de latex, il faut savoir que c’est réversible! ». Chaque Cork, décortiqué, montre à quel point les créateurs se décarcassent pour accoucher de sens. Du sens rajouté au sens, en évitant le contresens. Une histoire de respect. Un retour à la Source.

 

L’exposition et la vente aux enchères

LUNDI 12 DÉCEMBRE 2016 À 20H HÔTEL DE L’INDUSTRIE,
 4 PLACE SAINT GERMAIN DES PRÉS PARIS 6

EXPOSITION DES OEUVRES : 10-11-12 DÉCEMBRE 2016 DE 11H À 19H30 ENTRÉE LIBRE http://ventedelasource.tumblr.com/ https://www.facebook.com/events/1319947011350344/

 

Texte par Françoise Spiekermeier pour PLUME VOYAGE – Photographies courtesy La Source

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