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Finance : Le Goût Du Risque, Une Question De Testostérone ?

Avez-vous déjà été « risk-profilé » par votre banque ? En répondant à une batterie de questions sur vos revenus, votre train de vie, vos emprunts, les banques calculent votre profil de risque. Mais la nouvelle réglementation européenne (baptisée Mifid2) demande aux banques d’aller plus loin en mesurant aussi l’appétence ou l’aversion au risque chez leurs clients. Une dimension plus difficile à cerner. Comment les banques s’y prennent-elles ?

Bertrand Munier est professeur émérite d’économie à la Sorbonne, et l’auteur de nombreux ouvrages sur la prise de décision face au risque : « Les banques ne calculent qu’un seul type de risque : le risque objectif. Elles étudient des critères simples comme les revenus, les besoins de dépenses, les engagements financiers dans l’avenir… Et elles concluent la quantité d’euros qu’elles peuvent laisser leurs clients investir en leur faisant prendre des risques raisonnables. Mais il y a une autre dimension dans le risque, que les banques ne mesurent pas, c’est le risque subjectif. Ce que nous avons vécu dans notre passé influence nos décisions économiques d’aujourd’hui et de demain.   » Pour bien appréhender le profil financier d’un individu, il faut croiser les deux types de risque : objectif et subjectif » ajoute le spécialiste.

Le risque financier n’est donc pas qu’une question rationnelle et de chiffres. « On sait qu’il n’y a pas de décisions économiques sans dimension émotionnelle » ajoute Luc Meunier, chargé de cours à l’école de commerce de Grenoble et doctorant en neurofinance. Cette branche de la finance comportementale est une spécialité en plein développement en France et pourrait bien devenir la « French touch » de l’économie. Luc Meunier détaille : « selon la façon dont on mesure la tolérance au risque, selon le moment où on fait la mesure, à deux mois d’écart on peut avoir des résultats très différents. Evaluer le profil de risque d’un individu est très complexe ».

Les deux chercheurs ébauchent chacun des solutions innovantes. A Londres, Bertrand Munier a développé dans la City, un logiciel informatique baptisé « NERP : New Era Risk Profiler ». En une dizaine de questions, ce logiciel mesure le profil de risque d’un individu en prenant en compte aussi bien les données objectives (revenus, dettes, train de vie…) que subjectives (appétence ou aversion psychologique pour le risque). Les 100 premiers tests se sont révélés concluants.

De son côté, le jeune chercheur Luc Meunier cherche à savoir si le goût du risque est un trait de personnalité ou s’il résulte d’incitations financières. « Le postulat de base dans la finance est le suivant » explique le chercheur : « sans incitation, les individus ne prennent pas de risque. Par exemple, avec un salaire fixe, une personne a intérêt à prendre le moins de risque possible. Pour que l’individu accepte de prendre des risques, faut-il lui donner des bonus, des stock-options, des actions ? Nous essayons de savoir si c’est la nature du contrat de travail ou plutôt les caractéristiques personnelles de l’individu qui détermine la prise de risque ? »

Le doctorant à Grenoble va plus loin : « on mesure d’une part la personnalité à travers un questionnaire mais on mesure aussi le niveau de testostérone de la personne par prélèvement salivaire. » La prochaine étude en avril proposera aux candidats différents contrats avec différents niveaux de rémunérations. Les « cobayes » cracheront dans une pipette qui sera analysée en laboratoire pour mesurer leur niveau de testostérone. « Les études des dernières années ont montré qu’il existait un lien entre niveau de testostérone et prise de risque financiers. Ce qu’on ne sait pas, c’est si le type de contrat influence plus ou moins que les caractéristiques personnelles, telles que la testostérone » conclut Luc Meunier. Rendez-vous en septembre prochain pour le dépouillement des résultats.

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