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Rencontre Avec Thomas Froehlicher, Doyen De La Kedge Business School

Rencontre avec Thomas FROEHLICHER,  doyen de la KEDGE business school, école de commerce et de management basée à Marseille, Bordeaux, Toulon, Paris mais aussi à Shanghai et Suzhou et créée en 2013 grâce à la fusion entre l’Ecole de Management de Bordeaux et EuroMed Management. Déjà dans le Top 30 des meilleures business schools européennes, ses ambitions sont mondiales, notamment grâce au digital. 

Même si les écoles de management de Marseille et de Bordeaux ont été créées à la fin du XIXe siècle, KEDGE est une école très jeune : la fusion ne date que de trois ans.

 

Comment existez-vous face à des poids lourds comme HEC ou l’ESSEC ?

La France est un pays très conservateur, où le classement des grandes écoles est immuable. Par conséquent, notre stratégie, c’est de tirer notre légitimité de l’international.  En effet, nous avons creusé notre sillon à l’international, et c’est de l’international que vient la reconnaissance dont nous jouissons maintenant : 25% de nos étudiants sont étrangers, et une large partie vient de Chine ou de Corée. 

 

Vous avez donc des ambitions mondiales. Face aux universités américaines, dont le rayonnement est immense, comment faire le poids ?

Evidemment, c’est très compliqué d’affronter Harvard ou les business schools américaines, qui sont très à la pointe… en tout cas, qui l’étaient, historiquement ! Les french business schools, elles, jouent l’international et ont pris les écoles américaines de court, plus immobiles sur leur territoire. Nous avons joué l’adaptabilité, la mobilité. Et puis les Etats-Unis ont beaucoup cru que l’avenir, c’était les MOOC (les formations en ligne ouvertes à tous, ndlr). Alors certes, ce sont des marques, de la visibilité, mais le business model ne va pas très loin, en réalité, il ne tient pas vraiment la route.

 

Quelle est votre stratégie spécifiquement en Chine ?

Nous utilisons la politique : au fond, nous sommes partie intégrante de la diplomatie française. Par exemple, la Chine veut voir éclore des designers, des créateurs de marques. Nous formons donc, pour eux et avec eux, des managers de galeries d’art, de musées, de districts culturels. L’axe France-Chine sur les arts et la culture a été porté par Manuel Valls, et son homologue Premier Ministre chinois, qui nous avait emmenés avec lui lors de sa visite en Chine en janvier 2015 et y avait signé un accord de coopération entre Kedge et l’Académie centrale des Beaux-Arts de Chine, en vue de la création de l’Institut Franco-Chinois en Management des Arts et du Design. Najat Vallaud Belkacem a renforcé et élargi cet accord à d’autres partenaires majeurs (Paris-Sorbonne et Ecole des Arts Déco) en juin 2016. Nous sommes du soft power.

 

Comment utilisez-vous l’outil de la digitalisation dans votre stratégie ?

Notre modèle, c’est un réseau de campus à forte valeur ajoutée. L’époque des amphithéâtres pleins à craquer, c’est fini ! Aujourd’hui, tous les cours fondamentaux sont digitalisés, de façon à proposer la même qualité d’enseignement partout, mais aussi pour favoriser l’ubiquitous learning (apprentissage omniprésent, en particulier sur mobile, ndlr).

 

Vous préférez être spécialisés sur des thèmes globaux ou sur des industries particulières ?

Les industries. Nous sommes très forts dans certaines industries : notre programme de master ISLI a formé pratiquement tous les grands patrons de supply chain au niveau mondial depuis 30 ans. Nous sommes également spécialisés dans le global purchasing and innovation (savoir acheter de l’innovation aux équipementiers pour les constructeurs automobiles, par exemple). Notre Wine and Spirit Management Academy est très reconnue par la filière viticole. Nous pouvons aussi travailler un secteur particulier à la demande d’une entreprise : par exemple, en Afrique, la compagnie maritime CMA CGM veut des dirigeants africains dans toutes ses agences. Nous avons donc bâti une formation spéciale pour eux, et tous les 6 mois, 30 futurs dirigeants spécialisés dans le maritime seront formés à Abidjan en Côté d’Ivoire. Nous avons ainsi des accords de partenariats avec une centaine d’entreprises, Sodexo en Chine, Orange en Afrique, LVMH (programme de supply chain), …

 

Quel est votre budget ?

Aujourd’hui, 103 millions d’euros. Nous ne sommes plus subventionnés par les Chambres de Commerce et d’Industrie, de façon à être complètement indépendants. Notre budget est alimenté à hauteur de 6% par la taxe d’apprentissage, 20% par la formation continue ou les contrats d’apprentissage, et tout le reste, ce sont les frais de scolarité, qui vont de 8000€ pour les diplômes les plus bas jusqu’à 45 000€ pour un MBA. Pour un doctorat en business administration, c’est 80 000€.

 

C’est un budget solide, mais n’est-ce pas compliqué d’attirer des profs, courtisés au niveau mondial pour les meilleurs ?

Le talent appelle le talent. Ces gens-là se croisent dans le monde entier dans des colloques, et ils se cooptent les uns les autres, en quelque sorte. Nous sommes très exigeants : nous voulons des stars. Des universitaires qui connaissent l’entreprise, ont un réseau international, capables de dispenser leurs cours en anglais – et maintenant, on commence même à se demander si nous n’allons pas proposer une partie des cours en chinois. Nous revenons aux sources : au XIXe siècle, les écoles de commerce ont été créées pour que des professionnels enseignent à des professionnels ! Nos professeurs doivent faire rayonner l’école grâce à leurs publications et à leurs recherches. En fait, c’est une révolution : nos profs mutent, ils doivent impacter, être connus des PDG et des médias, savoir twitter et monter des cours digitaux, animer des réseaux de pros et d’anciens…

En France, nous avons 200 profs – dont le quart a été recruté au cours des 3 dernières années. Ce sont aussi eux qui vont enseigner en Chine et en Afrique sur des séquences courtes. Mais le but est d’avoir un corps professoral permanent là-bas également. 

 

En fait, vous fonctionnez en hub ?

Voilà : notre base est en France, et ensuite, nous fonctionnons avec des accords de partenariats. Nous échangeons des locaux, des réseaux d’anciens, nous avons des clubs d’alumnis (anciens, ndlr) très actifs à Londres, Singapour, Shanghai, San Francisco ou New York. Nous avons des accords en cours de négociation au Vietnam, à Hong Kong, au Japon, en Malaisie, en Thaïlande. Cela dépend des pays : en Chine, nous avons dû travailler dans un secteur très réglementé et avons dû créer un partenariat avec deux autre business schools. D’autres pays sont difficiles d’accès, les Etats-Unis, Hong Kong… En Afrique, en revanche, nous sommes arrivés directement à Dakar grâce à une initiative émanant de Bordeaux et nous avons une participation directe au capital de BEM Dakar.

 

Toutes les grandes écoles ont des incubateurs. Et vous ?

Nous commençons à voir arriver des purs profils « executive » (personne ayant déjà des responsabilités en entreprise et souhaitant acquérir une formation complémentaire) mais aussi des entrepreneurs en résidence. Nous avons créé un dispositif pour les entrepreneurs étudiants, la business nursery. Daniel Carasso, le fils du fondateur de Danone, nous a permis de créer un accélérateur que nous inaugurons à Marseille le 23 Mars, une Ecole de Design et un i-Lab à Toulon. Nous en lancerons un à Bordeaux l’an prochain, que nous auto-finançons. Les suivants seront en Chine, puis à Dakar, au Sénégal.

 

Comment voyez-vous votre évolution maintenant ?

Nous avons un plan stratégique 2020 avec des objectifs précis : 132 millions€ de budget (+ 10%), ce qui signifie que nous devons surperformer de 3% par rapport au marché de l’enseignement supérieur. Nous voulons aussi atteindre les 10 millions€ de capacité d’autofinancement, ne pas avoir de subventions ni d’endettement.

 

Et à l’international ?

Deux zones nous intéressent beaucoup : la zone Russie/Iran/Kazakhstan, où il se passe beaucoup de choses, et la face Pacifique de l’Amérique Latine (Colombie/Pérou/Chili).

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